Le 1er mars 2016 pour une première fois dans les annales de l’histoire de la gouvernance politique et dans celle de la Haute Cour de Justice, la société civile tente de forcer les portes de cette Institution. La dernière de la République à peine née, est aussitôt sollicitée. L’une des composantes de la Société civile malienne active depuis le coup d’Etat du 22 mars 2012, le BIPREM, Bloc d’Intervention Populaire et Pacifique pour la Réunification Entière du Mali, « dépose » à la surprise générale une « plainte » contre le Chef de l’Etat avec le chef d’accusation grave de Haute trahison. A l’appui de ses prétentions, le BIPREM égraine un chapelet de faits tout aussi graves, qu’ils sont révélateurs d’un certain malaise social. A la demande de nos lecteurs, nous avons tenté d’apprécier la plainte du BIPREM.
A l’analyse sans passion, cette plainte du BIPREM présente un double intérêt. L’un sur le plan juridique et l’autre sur le plan politique. Sur le plan juridique : il faut se référer à deux textes pour apprécier la question. Le premier, c’est la Constitution du Mali, celle du 25 février 1992 en ses articles 95 et 96 et la Loi organique N°97-01 du 13 janvier 1997 portant Organisation et règles de fonctionnement de la Haute Cour de Justice (HCJ). L’article 95 de la Constitution est clair et sans équivoque. La saisine de la Haute Cour de Justice n’est ni ouverte au citoyen lambda ni à la société civile. Seule une majorité qualifiée de 2/3 des députés composant l’Assemblée Nationale peut demander au président de cette institution de saisir la HCJ qui est avant tout une cour politique composée que de députés, donc que des hommes politiques. Ce qui voudrait dire, en d’autres termes, que le BIPREM devrait d’abord essayer de rallier à sa cause 98 députés sur un effectif de 147 que compte l’Assemblée nationale du Mali. Sur les 147 représentants de la Nation malienne, le RPM, le parti qui a porté le Président à Koulouba, en compte aujourd’hui jusqu’à 74 députés, quand à la deuxième force qui vient après, l’URD elle n’a que 18. L’ADEMA, la troisième force, membre de la mouvance présidentielle, en a 15. Tous les autres partis politiques ont entre 6 et 1 députés. Alors, comment le BIPREM peut-il réunir dans ces ilots de voix un archipel de 98 députés ? Cette association n’a ni la carrure ni la légitimité pour réussir une telle prouesse dans le jeu politique malien où elle a sapé son image depuis sa création par son accointance avec la junte et le milieu islamiste du Mali. Si cette association se voulait un tant soit peu sérieuse dans ses prétentions, elle aurait dû adopter deux démarches républicaines préalables pour espérer arrimer à sa cause les députés qui ne se réveillent que par une pression sérieuse de leurs électeurs. Elle aurait dû réaliser un sondage auprès de la population pour savoir ce qu’elle pensait d’une plainte contre le Chef de l’Etat. Les résultats d’une telle enquête lui aurait permis de se situer très clairement. Une fois conforté dans ses griefs, elle aurait pu ensuite lancer une pétition nationale pour collecter les signatures d’au moins de 9.999.920 maliens. Ce chiffre est le quotient de la division obtenu du nombre de maliens (15.000.000) sur le nombre de députés (147). Ce qui peut nous donner 102.040 signatures par députés qu’il faut ensuite multiplier par 98. Ce qui donne 9.999.920 signatures de maliens. Avec une si grande signature qui représente les voix nécessaires des 98 députés représentant la majorité qualifiée des 2/3 que le BIPREM, à notre analyse, devrait saisir le président de l’Assemblée Nationale. Une saisine qui devrait se faire, cette fois-ci, par une lettre officielle en bonne et due forme respectant le formalisme classique d’une lettre administrative. Ainsi, le président de l’Assemblée Nationale ne pourrait nier une telle évidence et déclencherait notre procédure « d’impeachment » à la malienne pour déposer IBK. Le BIPREM aurait ainsi profité de la brèche ouverte par la loi organique N°97-o1 du 13 janvier 1997 prise au bénéfice de l’article 96 de la Constitution. Cette loi dit, en substance, en son article 15 que lorsque le Président de l’Assemblée Nationale est informé, que le Président de la République dans l’exercice de ses fonctions, a commis un délit ou un crime, il introduit la saisine en demandant à l’Assemblée nationale de créer une commission composée de députés, sans les membres de la Haute cour de justice, et d’examiner la plainte et à la majorité des 2/3 des députés. L’issue de l’examen de la plainte est confirmée par une résolution de mise en accusation votée par scrutin public à la majorité des 2/3 des Députés composant l'Assemblée Nationale. Et l’Article 05 de la Constitution précise que la Haute Cour de Justice est liée par la définition des crimes et délits et par la détermination des peines résultant des lois pénales en vigueur à l'époque des faits compris dans la poursuite. Etant donné que les membres de la HCJ ne sont pas des magistrats, le président de l’Assemblée ne pourra alors qu’informer la Haute Cour de Justice de cet avis qu’il transmettra au Procureur général près la Cour suprême. Sur ce point et sur le reste de la procédure, il faut se référer à l’interview magistrale donnée par Me Baber Gano à nos confrères du Prétoire où il se prononce sur la plainte du BIPREM. Il y décrit, à juste titre, non sans humour, qu’on ne va pas à la Haute cour de justice pour introduire une instance. C’est donc le Procureur général qui, dès qu’il reçoit la résolution, dans les 24 heures qui suivent, désignera un juge d’instruction pour apprécier l’affaire et la suite de ce genre de procédure est connue. C’est lorsque les preuves juridiques en sa possession confirmaient ou pas le chef d’accusation, que le juge d’instruction prendra, soit une ordonnance de non-lieu, soit une ordonnance de renvoi devant la juridiction compétente qui clôturera l’instruction qui. Il faut le rappeler, peut prendre la durée d’un mandat surtout que c’est contre le Chef de l’Etat. Si l’affaire est renvoyée devant la juridiction compétente, par miracle, avec les preuves juridiques que cela demande, on sera typiquement comme aux procès crimes de sang et crimes économiques contre le dictateur GMT, qu’on a pardonné sans jamais oublier l’enfer qu’il avait promis aux maliens en Mars 1991. On se rend compte à partir de cette description que le BIPREM aurait dû prendre son temps et faire un parcours de combattant avant de publier quoi que ce soit dans le sens qu’il l’a fait. Donc, un petit cours de Droit et de rédaction administrative aurait probablement évité au BIPREM de déposer cette prétendue plainte qui le ridiculise sur le plan juridique plus qu’elle ne le crédibilise aux yeux des maliens. Ce que semble ignorer les partisans de cette action, c’est que le crime de haute trahison bien qu’ayant été prévu par la Constitution ne l’a malheureusement ne l’a jamais défini. C’est donc, la Doctrine qui permet aux juristes de dire, entres autres, que le Président de la République est passible de crime de haute trahison que lorsqu’il aura violé son serment. Le crime de haute trahison, lui-même, est très difficile dans la pratique à être prouvé contre un président en exercice. Il faut avoir de brillantissimes avocats très doctes en Droit Public pour réussir une telle démonstration qui reste, avant tout un exercice hautement intellectuel et juridique que d’autres éminences pourront tout aussi battre en brèche. En déclarant la plainte non recevable, la haute Cour de Justice met au pilori le BIPREM qui ne s’est pas donné le temps ni la méthode pour faire les choses dans les règles de l’art. Sur le plan juridique, c’est donc une défaite cuisante et humiliante pour le BIPREM dont la plainte n’est même pas analysable sur le fondement de l’article 95 de la Constitution. Il n’a pas qualité à agir. Mais dans le respect des formes que l’on reproche au BIPREM, il est souhaitable qu’ayant accusé réception de la plainte que la Haute Cour de Justice y réponde par une lettre historique qui fera jurisprudence. Elle doit saisir cette occasion pour éclairer la lanterne des maliens sur la méconnaissance générale que nous avons de cette Institution, de son fonctionnement et de son mode de saisine. L’action du BIPREM a au moins donné l’occasion d’attirer une certaine attention sur cette association et de révéler la grande méconnaissance des maliens d’une des Institutions les plus importantes du pays. Nous pensons que c’est aussi l’occasion pour l’institution de se faire connaitre à travers des actions concrètes de communication à mettre en œuvre. L’action du BIPREM qui relève plus du fait divers en raison de la démarche nous démontre également que les médias qui relaient les informations ne prennent pas eux aussi le temps de chercher à aller au-delà de ce que l’on met à leur disposition pour mieux informer les populations. Sur le plan politique : des questions se posent. Que recherche effectivement le BIPREM à travers une telle action au-delà de la démarche empruntée ? Humilier le Chef de l’Etat, ne serait-ce que sur le plan politique ? Ou était-ce une action pour se faire connaitre lui-même ? Pour une association qui n’avait aucun nom, elle a fait la «Une» de toutes les manchettes de la place. C’est là où le BIPREM a gagné sa bataille. Sur le plan politique, cela montre aussi que la gestion du président IBK est à revoir, car sa méthode de gouvernance ou son laisser-faire sans sanction renvoie auprès de son Peuple tout le contraire de ce qu’il nous avait promis lors de sa campagne magistrale. Ce n’est pas la première fois que des maliens se plaignent de IBK et de sa gestion. Il y a eu depuis son arrivée au pouvoir une multitude de scandales qui, s’il n’en est pas directement responsable, lui sont imputables en sa qualité de garant de la constitution et de premier citoyen. C’est sous impulsion que le bien faire et le mal faire peuvent avoir ou pas une emprise dans le pays. Et lorsque les scandales s’alignent sans qu’aucune sanction ne soit prise contre leurs auteurs, c’est que le chef de la magistrature suprême a failli à son devoir de veille régalienne sur la chose publique en laissant faire aux uns et aux autres ce qu’ils veulent. C’est IBK qui a demandé nos suffrages pour changer le Mali et c’est lui qui doit répondre. C’est à lui d’indiquer la bonne direction à suivre au-delà du fait d’accepter toutes les critiques. Les premiers conseils que les griots du grand Mandé avaient donné à Soundjata furent de lui dire d’accepter dans le sacerdoce de la fonction d’Etat d’être le « SunugumBa » sous lequel tout viendra se cacher, mais que lui en tant que Fama ne pouvait pas se cacher, où que ce soit. C’est pourquoi même si nous ne sommes pas d’accords avec la plainte du BIPREM en ces temps qui courent pour le Mali, nous nous battrons comme le disait Voltaire pour que cette association puisse s’exprimer et faire connaitre son point de vue sans en être inquiété. Aussi, tous les conseils qui tentent de le convaincre d’ester en justice contre le BIPREM sont de véritables délits de jeunesse et d’immaturité politique de ceux qui les lui proposent. Il ne devrait, ni par lui, ni par son Parti dont le Mouvement des Femmes a fait entendre qu’il porterait plainte contre le BIPREM, d’agir. Le Mouvement des Femmes, fut-il du RPM, a t-il aussi qualité d’ester en justice contre une association, comme elle, qui vilipenderait son candidat ? IBK ne représente plus le RPM et c’est une erreur et une violation constitutionnelle de croire ou de faire croire que le Président de la République du Mali n’appartient pas à un Parti. La loi dit, qu’une fois élu, il cesse d’appartenir à un Parti politique. Alors, que le RPM se le tienne pour dit, IBK n’appartient pas au RPM. Il est aussi le président du BIPREM et de ce Lacine Diawara contre lequel on voudrait le dépenaillé en justice ! Ce serait une erreur politique grave d’une portée dont nul ne peut mesurer l’issue. Dans tous les cas de figure, ce serait une grande perte de notoriété pour IBK qui doit se mettre au-dessus de la mêlée. Le BIPREM est une association qui n’est du reste pas à sa première tentative. Pourquoi il n’ y a pas eu autant de tôlée quand elle avait demandé la traduction en d’autres formes d ATT devant la même Cour. Nous sommes dans une Démocratie et le pouvoir doit arrêter ses partisans névrosés à sa solde qui ne savent qu’insulter tous ceux qui ont des initiatives contre le pouvoir et les princes du jour. Y perdre ses maigres énergies apporterait la preuve que le pouvoir n’a rien d’autre à faire. Nous pensons sans aucune arrière pensée qu’il faut tout faire pour sauver le Mali du naufrage. Qui a intérêt qu’IBK parte avant la fin de son mandat pour le bien du Mali ? Le souhait est que les choses se passent selon la Constitution du 25 Février 1992 et que les maliens s’accommodent d’IBK en ce moment où de toute évidence, qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, il semble être le moindre mal jusqu’à la fin de son mandat constitutionnel où il semble être jusqu'à la fin de son mandat constitutionnel. C’est la qualité de notre Société civile qui déterminera lors des prochaines élections présidentielles si nous avons compris la leçon donnée par les Burkinabé ou les «y’a n’en marre» du Sénégal pour que IBK parte comme Mandela ou qu’il rempile « Takokelen » dès le premier tour. Mais pour le moment, vive IBK pour que vive le Mali. O’BAMBA dirpubl@journalinfosept.com