SEVARE (Mali) - Ils vivent depuis des mois sous la
tente, le transistor collé à l`oreille. Les déplacés maliens de Sévaré en sont
sûrs maintenant: l`heure du retour chez eux, dans le Nord, va bientôt sonner.
Près de 600 personnes - 70 familles - ont été installées par les autorités
locales dans ce gros bourg à 610 km au nord-est de Bamako, dans un bâtiment
neuf destiné au repos des chauffeurs de camions, quand ils ont fui, à l`hiver
et au printemps 2012, l`offensive des forces touareg et islamistes sur leurs
villages du nord du pays.
Avec l`offensive de l`armée française et le reflux vers le Nord des
combattants intégristes et indépendantistes touareg, tous assurent être prêts
à faire leurs paquetages et ravis à l`idée de retourner dans leurs villages.
Son bébé Ibrahim, né à Sévaré, accroché à son sein, Mariam Sisoko, 27 ans,
trois autres enfants, venue de Gossi (420 km à l`est de Sévaré), dit dans un
grand sourire: "Merci à l`armée française, à tous les Français. Dans un mois
ou deux ou trois, grâce à Dieu, on va rentrer chez nous".
"Depuis qu`on a appris l`attaque des Français, on prépare un peu les
bagages. On n`a que quelques habits. Dès que la guerre est finie, on rentre à
la maison ! Mais sans le président Hollande, c`est sûr, on aurait fui jusqu`au
Sénégal ou en Côte d`Ivoire !"
Le secrétaire du camp Boakar (dit "Blake") Traoré, 56 ans, était mécanicien
à Hombori (320 km à l`est de Sévaré). "J`ai fui le MNLA (rébellion touareg).
Ils ont attaqué mon garage. Ils voulaient mon stock de pièces détachées mais
surtout me prendre en otage, pour me forcer à réparer leurs Toyota", dit-il.
"Les barbus, au moins, ils paient"
"Maintenant c`est Ansar Dine (groupe islamiste armé) qui tient Hombori. Ils
ont chassé le MLNA. J`ai deux employés qui sont restés. Ils sont forcés de
travailler pour eux. Les barbus, au moins, ils paient. Un peu, ce qu`ils
veulent. Mais le MLNA, ils ne paient jamais. C`est de l`esclavage. Je leur ai
déjà échappé (lors de leur rébellion contre l`état malien) en 1992".
"Moi, je suis laïque", poursuit Blake. "Mon surnom vient des séries
américaines. Je vais à la fois à l`église et à la mosquée: tous les chemins
sont bons pour aller vers Dieu. Et ça, ils détestent. Ils ont tué le chef de
village. Pour nous, c`était comme un roi."
Des dizaines d`enfants courent sur la grande esplanade fermée par des murs.
Il y a une salle de classe, les sanitaires sont neufs. L`alimentation est
fournie par le ministère malien de l`Action sociale, avec des aides du
Programme alimentaire mondial de l`ONU, des ONG Care et Catholic Relief
Service. Les tentes de grosses bâches blanches sont marquées "Swiss Red Cross".
Adama Touré, 24 ans, rentre en vélo de la ville, un petit sac plastique
plein de sucre au guidon. "Toute notre famille est ici, plus de trente
personnes", dit-il. "Quand nous sommes partis, le camionneur nous a fait payer
10.000 CFA (15 euros) par personne. On n`avait pas l`argent, on a mis un mois
à rembourser en travaillant un peu par ici..."
Lui aussi vient d`un village dans la région de Gossi. "On veut tous rentrer
chez nous. On n`a plus de nouvelles de nos parents sur place depuis plusieurs
jours, le réseau téléphone ne passe plus. Ils disaient que c`était calme, mais
un peu. Nous sommes des agriculteurs et des apprentis mobiles. On ne sait pas
ce qu`on va trouver là-bas. Je crois que nos troupeaux ont tous été mangés".
Une de ses vieilles tantes lève les yeux de la tête d`une petite fille sur
laquelle elle fait des séries de tresses. "Même s`il n`y a plus rien, s`ils
ont rasé nos maisons, nous devons rentrer", dit-elle en bambara, traduite par
Adama. "Nous rachèterons du bétail. C`est chez nous, nous n`avons rien
d`autre".