Trois chariots avec trois cercueils chacun sont alignés sur le tarmac sous la queue d`un Boeing 747. En silence des officiels en noir déposent des bouquets blancs, signe de deuil. Le Japon a accueilli vendredi matin avec une grande émotion les corps de neuf victimes japonaises de la tuerie algérienne d`In Amenas, ainsi que sept rescapés.
Il se demande toujours pourquoi il paye un tel tribut au terrorisme islamique.
Parti jeudi d`Alger, l`avion gouvernemental japonais s`est posé vendredi matin à Tokyo à 06H48 (jeudi 21H48 GMT), a constaté l`AFP.
A son bord le vice-ministre des Affaires étrangères Shunichi Suzuki et le
patron de l`entreprise nippone JGC dont 10 des 17 salariés Japonais en Algérie ont péri dans l`attaque du site gazier d`In Amenas, à 1.300 km au sud-est d`Alger. Le 10e cadavre sera rapatrié ultérieurement.
Les corps devraient être autopsiés par les services de la police japonaise afin de déterminer les causes exactes de leur mort.
Le ministre des Affaires étrangères, Fumio Kishida, son second Shunichi Suzuki, et le PDG de JGC, Koichi Kawana, se sont recueillis devant les cercueils sur le tarmac.
"Le gouvernement présente ses condoléances les plus attristées aux familles dans la douleur", a déclaré le Premier ministre Shinzo Abe lors d`une réunion à sa résidence.
Au siège de JGC à Yokohama, dans la banlieue de Tokyo, l`émotion est lourde. Les fleurs blanches s`accumulent. Les gens s`inclinent et prient en silence devant un autel bouddhiste. Sur une tablette de bois, une prière calligraphiée pour ceux qui ont perdu la vie.
"C`est très triste, très dur". Le PDG Kawana a fait le récit devant la presse de son terrible voyage en Algérie.
"Je suis parti le 18 janvier, à un moment où les informations étaient extrêmement confuses, je voulais voir de mes yeux, me rendre compte par moi-même de la situation".
Et il lui a fallu reconnaître des corps d`employés de JGC à l`hôpital d`In Amenas: "un par un, je l`ai fait. Avec l`aide de rescapés qui connaissaient leurs collègues et amis, c`est ainsi que nous avons pu identifier les corps".
Le gouvernement a communiqué ensuite les identités des dix Japonais morts, tous des hommes, de plus de 50 ans pour la plupart.
Le décès de sept avait été annoncé lundi, puis deux autres mercredi, et un dixième jeudi, identifié grâce à une sorte d`alliance portant des initiales et des chiffres. Un avion de ligne doit prendre en charge dans les prochaines heures ce 10e corps reconnu tardivement.
Les témoignages des sept survivants sont attendus par les autorités qui veulent comprendre dans quelles circonstances sont morts des Japonais "qui se dévouaient pour leur travail", selon les mots du Premier ministre pour qui cet acte terroriste est "absolument impardonnable".
Le Japon paye, avec 10 tués, un des plus lourds sinon le plus lourd tribut, une épreuve d`autant plus dure qu`il se sent étranger aux raisons de ces actions. Les islamistes disent avoir agi en représailles à l`intervention de l`armée française au Mali voisin.
Les diplomates japonais dépêchés à Alger ont demandé aux autorités algériennes d`assurer la sécurité de tous les ressortissants nippons qui travaillent toujours en Algérie.
Surpris et choqué par cette tragédie, le gouvernement, qui a fermé temporairement son ambassade au Mali par sécurité, envisage d`augmenter le nombre d`attachés militaires des représentations japonaises à l`étranger pour renforcer sa capacité à recueillir des informations.
Pour le Japon, loin des conflits politico-religieux du monde et peu habitué au terrorisme, le drame d`In Amenas est déjà gravé dans la mémoire collective comme un des pires après les attentats de New York le 11 septembre 2001 où avaient péri 24 Japonais.
La télévision publique NHK a ainsi diffusé le témoignage poignant d`une vieille femme qui a perdu son fils dans la tuerie d`In Amenas, moins de deux ans après avoir perdu son mari et sa maison emportés par le gigantesque tsunami de mars 2011.