Incroyable mais vrai: le ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat, le richissime Dramane Dembelé, qui a fait fortune à la Direction Nationale de la Géologie et des Mines, puis dans la passation des marchés de construction des logements sociaux et même dans l’attribution de ces logis, vient d’être épinglé par la Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF).
Dirigée par l’ancien ministre en charge du Budget sous la transition (2012 - 2013), Marimpa Samoura, la CENTIF, créée par la loi n°06-066 du 29 décembre 2006 portant loi uniforme relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux, est composé de six membres: un représentant du ministère des Finances, un magistrat spécialisé dans les questions financières, un haut fonctionnaire de la Police judiciaire, un représentant de la BCEAO, deux chargés d’enquêtes (un inspecteur des douanes et un officier de police judiciaire).
Au sens de cette loi, le blanchiment des capitaux est défini comme l’infraction constituée par un ou plusieurs des agissements énumérées ci – après, commis intentionnellement, à savoir: la conversion, le transfert ou la manipulation de biens dont l’auteur sait qu’ils proviennent d’un crime ou d’un délit ou d’une participation à ce crime ou délit, dans le but de dissimuler ou de déguiser l’origine illicite desdits biens ou d’aider toute personne impliquée dans la commission de ce crime ou délit à échapper aux conséquences judiciaires de ses actes.
Il y a blanchiment de capitaux, même si les faits qui sont à l’origine de l’acquisition, de la détention et du transfert des biens à blanchir sont commis sur le territoire d’un autre Etat membre ou sur celui d’un Etat tiers. Il existe d’autres définitions du blanchiment de capitaux. Ces deux exemples suffisent pour comprendre le cas du ministre Dramane Dembelé, suspecté de blanchiment de capitaux et / ou d’enrichissement illicite.
La CENTIF a, entre autres, pour mission, au regard du décret d’application signé par ATT le 10 août 2007, de recevoir, d’analyser et de traiter les renseignements propres à établir l’origine des transactions ou la nature des opérations faisant l’objet de déclarations de soupçons auxquelles sont astreintes les personnes physiques et morales assujetties.
La CENTIF reçoit également toutes autres informations utiles nécessaires à l’accomplissement de sa mission, notamment celles communiquées par les autorités de contrôle, ainsi que les officiers de police judiciaire. Elle peut demander la communication, par les assujettis ainsi que par toute personne physique ou morale, d’informations détenues par eux et susceptibles de permettre d’enrichir les déclarations de soupçons.
L’efficacité de la CENTIF réside dans le fait qu’elle collabore avec tous les organismes financiers (banques, microcrédits etc., Trésor public, BCEAO.) Ils sont obligés de l’informer des mouvements des comptes, des transferts et autres transactions suspectes annoncées dans la loi.
C’est forte de cette disposition qu’elle a été alertée par Ecobank, où est logé l’un des nombreux comptes du ministre ADEMA, dont il est l’un des Vice - Présidents. C’est bien la CEDEAO qui avait transféré deux montants suspects dans le compte de Dramane Dembelé. Le premier transfert porte sur 700 000 dollars, soit plus de 420 millions de nos francs. Le second se chiffre à 500 000 dollars, soit 280 millions de nos francs.
Les deux montants totalisent 700 millions de FCFA. Le ministre Dembelé a, à son tour, fait un transfert de 200 millions de nos francs dans un compte à Dakar, pour l’achat d’un appartement, par le biais d’un notaire bien connu sur la côte atlantique. L’achat est déjà effectif. Son fils, qui étudie à Dakar, a déjà pris possession de l’appartement.
Ces opérations ont donc amené les responsables d’Ecobank à réagir de façon professionnelle. La CENTIF a demandé et obtenu toutes les informations sur ces transactions financières. Résultat: Marimpa Samoura a trouvé l’opération suspecte, pour blanchiment de capitaux. Rapidement, il a saisi le Premier ministre, Modibo Keïta, pour l’en informer.
Conformément à l’article 29 de la loi, la CENTIF est en train de préparer un rapport, qui sera ou a déjà été transmis au Procureur de la République, qui doit immédiatement saisir le juge d’instruction.
Approché par nos soins, le ministre Dembelé reconnait et les transactions bancaires et l’achat de l’appartement de Dakar. Cependant, il jure la main sur le cœur qu’il n’y a point de blanchiment de capitaux. Il persiste et signe: «ce sont des paiements consécutifs aux consultations que j’ai effectuées pour une société minière entre 2011 et 2012. Il y a eu du retard dans les paiements. Je suis en train de chercher le contrat qui nous liait. D’ici à ce week-end, je le retrouverai dans mes paperasses. Je ne me reproche rien».
Aux dernières nouvelles, il nous est revenu que la Sécurité d’Etat, plus rapide que la justice, s’est saisi du dossier, à la demande d’IBK. Le ministre lui-même a été interrogé dans son bureau, sis à la Cité administrative, par les officiers de la Police judiciaire des services de renseignements maliens.
Ce qui est étonnant, ce que des consultations minières puissent atteindre des montants aussi colossaux. Ce qui est également étonnant, c’est qu’un fonctionnaire malien puisse brasser des centaines de millions de nos francs.
Enfin, ce qui nous intrigue le plus, c’est que, depuis que le pot-aux-roses a été découvert, il y a deux semaines, Dramane Dembelé n’ait pas été limogé par IBK. Il reste dans le gouvernement, comme si rien n’en était. Que non! Au nom des valeurs républicaines qu’IBK aime tant exhorter, il doit sortir Dramane Dembelé du gouvernement, pour qu’il aille préparer sa défense, pour qu’IBK donne un sens à la vertu.
Il a du pain béni sur la main, à lui de savoir comment le mâcher. IBK est donc vivement interpellé, à moins que le supposé délinquant ne bénéficie d’un soutien du Premier ministre, auquel il a rendu un énorme service à travers l’octroi de six logements sociaux à des membres sa famille.
A suivre.
Chahana Takiou