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Mali - Ousmane Diarra face à l’obscurantisme : "ce que je défends est plus important que ma vie"
Publié le vendredi 18 mars 2016  |  Le Point
Ousmane
© Autre presse par DR
Ousmane Diarra




TÉMOIGNAGE. Menacé par les islamistes pour ses écrits sur la religion et l’histoire du Mali, l’écrivain Ousmane Diarra a décidé de résister. Entretien.

Son éditeur, Jean-Noel Schifano (Continents noirs, Gallimard) lui a demandé son autorisation, alerté par les derniers mails que lui a envoyés début mars son auteur, Ousmane Diarra, écrivain malien vivant à Bamako. L’auteur de « Pagne de femme » et de « la Route des clameurs » dérange par la virulence dénonciatrice de ses écrits, et par ses positions dans les débats sur tout ce qui concerne la religion dans son pays. « On ne peut laisser l’écrivain subir ces pressions dans le silence et l’obscurité », nous dit Jean-Noël Schifano rappelant qu’Ousmane Diarra s’exprime avec force par écrit, et dans ses propos sur "l’histoire du Mali au XIXe et la façon dont les Bambaras et la civilisation animiste ont été traités et continuent de l’être par les musulmans fanatiques". Voici ce que confiait l’écrivain par mail à son éditeur : « Un militaire en civil m’a averti verbalement que je pourrais être criblé de balles si je ne me tais pas. En me disant : tu veux nous obliger à réécrire notre histoire. Cela ne peut plaire à aucun pouvoir qu’il soit politique ou religieux. J’ai répondu qu’on peut me tuer mais pas mes livres (...). Cette menace de mort est réelle, palpable, physique et psychologique. (...). Mais je commence quand même à éviter certaines personnes et certains milieux, tout en continuant de me battre jusqu’au bout car je ne peux pas leur faire cadeau de mon pays de son histoire et de sa richesse culturelle ».
Entre-temps, l’écrivain Eugène Ebodé a témoigné son soutien à son ami écrivain : "J’ai appris avec effarement, par Jean-Noël Schifano, la menace de mort qui pèse sur l’écrivain malien Ousmane Diarra. Cet être sensible, intelligent et discret, vit au Mali, au coeur des entreprises de détestation des hommes et du livre qui entendent faire ployer le monde sous la terreur. La dernière fois que j’ai rencontré Ousmane Diarra, c’était à Bamako, il y a deux ans. Nous avons dialogué autour des déchirements qui ravagent et son pays et le genre humain. Mobilisons toutes nos forces pour lui apporter nos protections les plus grandes et nos sympathies les plus vives. "Vieux lézard" -c’est ainsi que j’aime à l’appeler par affection et pour reprendre un titre d’un roman éponyme-, j’ai lu avec gravité et intérêt ton dernier et excellent roman, La route des clameurs, dans lequel tu évoquais déjà, par une anticipation visionnaire (et je ne l’espère pas prémonitoire), les cruautés que tes proches veulent répandre sur ta personne et sur cette terre dont les malheurs sont aussi les nôtres. Garde courage et confiance ! Tendons vite une main ferme et fraternelle à Ousmane Diarra !".

Joint à Bamako, Ousmane Diarra dit : "un vrai Malien ne me fera pas de mal". Et pourtant...
Le Point Afrique : Depuis quand vous sentez-vous menacé ?

Ousmane Diarra : Cela remonte à 2009 à la sortie de mon roman « Pagne de femme », où j’ai reçu un premier appel en arabe, d’un inconnu auquel j’ai répondu que je ne parlais pas l’arabe. Il a poursuivi en français pour savoir dans quel quartier je vivais, au prétexte de voir si c’était au même endroit qu’une amie à lui habitait. Depuis, je reçois en moyenne cinq appels anonymes par mois, dont la fréquence augmente si je prends part à des débats sur l’emprise de la religion sur la société malienne et la menace que cela fait peser sur la stabilité du pays. La dernière fois, j’ai eu pour témoin l’écrivain Boniface Mongo Mboussa, franco-congolais, venu à Bamako pour faire des rencontres dans les écoles. Pendant les débats auxquels j’ai pris part, dans une grande école de Bamako, quand on a commencé à parler de l’histoire du Mali, un jeune homme en djellaba, apparemment outré par mes propos sur les atrocités du conquérant islamiste EL Hadj Oumar Tall (mi-19e siècle), a voulu arracher la parole... Dix minutes plus tard, de retour à mon bureau, mon téléphone a sonné. L’interlocuteur m’a parlé en arabe, une langue que je ne comprends pas. J’ai raccroché puis donné l’appareil à Boniface pour rappeler le Monsieur. Boniface a rappelé l’inconnu sur mon téléphone mais sans parvenir à savoir ce qu’il voulait, ce sont toujours des appels en arabe.

Pourquoi avoir tu cette situation jusqu’ici ?

Par peur de la honte et de l’humiliation, l’arme privilégiée des terroristes. Je n’y ai d’ailleurs pas échappé parce que malgré le soutien de beaucoup de mes compatriotes, on continue à me traiter de tous les noms d’oiseaux. Certains même écrivent que c’est parce que je veux un visa de réfugié en France !!! C’est terrible. Honte aussi que cela m’arrive dans mon propre pays, que je défends dans tous mes livres, dans tous mes articles, dans toutes mes déclarations. Honte parce que justement, les gens malveillants font diffuser que j’invente des choses, que je fais de la publicité pour mes livres... C’est tellement dégoûtant pour moi. Si l’on ne prend garde, parler librement, un jour, deviendra un crime mortel dans le monde entier : la victime d’un acte d’un viol ne saura plus à qui se plaindre, les bourreaux plastronneront sur les dépouilles de leurs victimes, et sous le hourra des sots. Je ne parlais de ces menaces qu’à mes proches, certains de mes collègues de service et mon éditeur avec lequel j’échange par courriers électroniques, lequel m’a demandé de rendre ces menaces publiques. L’officier qui a employé l’expression « criblé de balles »n’a fait que montrer la peur que tous, dans mon pays ressentent par rapport à la main mise de l’islamisme sur Mali. C’était plus un avertissement, je l’aurais compris plus tard, qu’une menace de sa propre part. Les gens ont peur et les éléments qui menacent sont isolés. Car un vrai Malien ne me fera pas de mal à cause de mes idées. Je l’avais déjà dit à la sortie du livre, mais des gens téléguidés maintenus sous la pression.
... suite de l'article sur Le Point

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