Cotonou, 21 mars 2016 (AFP) - Les résultats officiels n'ont pas encore été annoncés, mais Lionel Zinsou, son adversaire du second tour, a déjà accepté sa défaite: le richissime entrepreneur et "roi du coton" Patrice Talon sera le prochain président du Bénin.
Chemise blanche ouverte, costumes cintrés et lunettes de soleil, c'est au volant de son coupé Porsche que l'homme d'affaires de 57 ans est allé voter au premier tour de la présidentielle, le 6 mars. Ce flambeur assumé, qui tient à son image de "self-made man", a séduit les électeurs en incarnant un "nouveau départ" pour le Bénin.
L'histoire de cet homme marié et père de deux enfants, originaire d'une famille modeste de la petite ville côtière de Ouidah, est d'abord celle d'une ascension irrésistible vers le succès, avec de solides appuis politiques.
Après avoir débuté des études scientifique à la faculté de Dakar, Patrice Talon a été recalé de l'Ecole Nationale d'Aviation Civile (ENAC), à Paris, et a dû abandonner son rêve de devenir pilote de ligne, se lançant, à la place, dans les engrais agricoles, explique son site internet.
On dit que son appartenance à l'ethnie fon, comme l'ancien président Nicéphore Soglo, a joué en sa faveur en début de carrière. Il reconnaît lui-même, sur son site officiel, être "très impliqué dans la vie politique du Bénin depuis fort longtemps".
Il fut ensuite l'artisan de la victoire du président sortant Thomas Boni Yayi, dont il a largement financé les campagnes en 2006 et 2011.
M. Talon clame s'engager en politique parce qu'il est attaché à "la préservation la démocratie". Ses détracteurs dénoncent des connivences qui lui ont permis de décrocher de nombreux contrats publics.
- Pardon présidentiel -
Au fil des années, l'entrepreneur à la réputation sulfureuse s'est emparé de deux secteurs clé de l'économie béninoise: la culture du coton et la gestion du port de Cotonou.
Jusqu'à sa chute précipitée, en octobre 2012, quand a éclaté à Cotonou une rocambolesque affaire de tentative d'empoisonnement du chef de l'Etat, dont il a été accusé d'être l'instigateur.
Déjà à l'époque, l'entrepreneur était poursuivi au Bénin dans des affaires de malversations et il avait fui son pays, avant d'être arrêté puis libéré en France.
En 2013, il est à nouveau accusé d'être impliqué dans une tentative d'attentat à la sûreté de l'Etat.
Pour les uns, l'affaire de tentative d'empoisonnement fut une machination visant à écarter un allié devenu trop dangereux pour le pouvoir. Pour les autres, c'était un coup monté par un puissant homme d'affaires béninois pour se venger d'un chef d'Etat qui avait décidé de lutter contre la corruption et
l'enrichissement illicite.
En mai 2014, Thomas Boni Yayi lui accorde finalement son pardon.
De retour il y a quelques mois d'un exil de plusieurs années à Paris, il a décidé de se lancer dans la course à la présidence, "peut-être une façon de se protéger en devenant un acteur politique important au lieu d'être un homme d'affaires riche mais vulnérable", analyse Gilles Yabi, fondateur du cercle de
réflexion ouest-africain Wathi, basé à Dakar.
Arrivé second au premier tour de la présidentielle, avec à peine 100.000 voix de moins que son adversaire, le Premier ministre sortant Lionel Zinsou, Patrice Talon a été soutenu, au second tour, par 24 candidats réunis dans une "coalition de la rupture".
Sa réussite sociale et son goût pour le luxe font rêver une partie de la jeunesse béninoise, qui voit en lui celui qui saura créer des emplois et de la richesse à l'échelle du pays.
Parmi les mesures phare de son programme, il propose une réforme institutionnelle censée mieux répartir des pouvoirs pour l'instant concentrés par le président.
S'il met en pratique ces réformes, et notamment l'instauration d'un mandat présidentiel unique, il devra céder son fauteuil dans cinq ans.
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