Du 10 au 12 mars 2016, s’est tenue à Gargando une rencontre intracommunautaire organisée par la tribu Kel Antessar, dans le cercle de Goundam, région de Tombouctou. Après cette grande rencontre les organisateurs étaient devant la presse pour faire une restitution. Au présidium, il y avait le chef général de la tribu Kel Antessar, Abdoul Majid Ag Mohamed dit Nasser ; Oumou Sall Seck, maire de Goundam ; Oumar Sidié Traoré, député de Goundam ; Oumar Ibrahim Touré, Commissaire à la sécurité alimentaire ; Azarock Ag. On notait aussi la présence de plusieurs ressortissants du cercle de Goundam.
La conférence de restitution a été consacrée au problème de retour des réfugiés et de l’administration dans les localités. Sans oublier les aspects sécuritaires et la lutte contre les attaques répétées. C’est par l’intronisation du nouveau chef général des Chérifiens Kel Antessar, Abdoul Majid Ag Mohamed dit Nasser, que le ton a été donné pour la rencontre inter et intra communautaire de Gargando dans le cercle de Goundam, région de Tombouctou. Des centaines de délégués, hommes aussi bien que femmes, sont venus d’Algérie, de Mauritanie, de Bamako et de la région de Tombouctou.
Les objectifs de cette rencontre, selon Nasser, étaient de parler de paix, de réconciliation et de cohésion sociale. Elle a abouti à un certain nombre de recommandations, entre autres, la lutte contre l’insécurité. Chefs traditionnels, leaders religieux et élus de la localité ont félicité le nouveau chef pour le choix porté sur sa personne.
Dans la vidéo projetée devant la presse, on se rend compte que l’événement a été mis à profit pour monter les couleurs du Mali, à savoir le vert, le jaune et le rouge qui symbolisent la présence désormais de l’Etat malien. Cette rencontre a été sécurisée le premier jour par les éléments de la Cma et la continuité a été assurée par les Fama, avec à leur tête, le commandant de zone.
Le maire de Goundam a expliqué sa présence à la rencontre de Gargando par la pertinence des thèmes, le choix du lieu, car Gargando est le nombril du cercle, mais aussi le lieu qui a vu naître le défunt chef de la tribu Kel Antessar. «Nous voyons beaucoup de fora, mais celui de Gargando doit être pérennisé, parce que c’est avec les acteurs eux-mêmes : la Cma, la Plate-forme. Ils ont pris des engagements devant les leurs, ils sont alors obligés de les respecter. C’est pourquoi je dis qu’il doit y avoir un prolongement de Gargando, même si ça va se tenir dans une autre localité. Parce qu’il y a eu beaucoup d’engagements, même de la part des chefs de fractions, qui sont prêts à dénoncer les voleurs et autres bandits de leurs zones respectives».
Les autres intervenants ont dit la même chose, surtout pour la sécurité dans le cercle de Goundam, qui demeure une préoccupation pour toute la région de Tombouctou. Azarock a apporté beaucoup d’éclaircissements quant à l’organisation matérielle et technique de la rencontre de Gargando. Il a remercié les partenaires, le maire de Goundam, le député et les autres communautés qui étaient avec les Kel Antessar à Gargando.
Les réfugiés, par la voix de leur porte-parole, se disent prêts à retourner chez eux, parce que depuis la signature de l’accord pour la paix, ils ne bénéficient plus d’avantages, car selon le HCR, la signature de l’accord est synonyme de retour des réfugiés dans leur pays. Mais, cela n’est pas le cas, car dans les localités du Nord, il y a un manque d’infrastructures de base, l’insécurité et le manque d’eau. Le tout accentué par l’absence de l’Etat dans les zones de retour des réfugiés. C’est pourquoi les refugiés souhaitent une prise en compte rapide et une application des recommandations de Gargando.
Le chef général de la tribu Kel Antessar est revenu sur les difficultés des réfugiés. Selon lui, il y a 4 mois, il avait pu faire revenir certains réfugiés dans la zone de Râ Zelma, mais certains d’entre eux sont en colère parce qu’ils n’ont rien, même pas de l’eau à boire. Pour lui, ils ont fait beaucoup de plaidoyers pour que les infrastructures dans ces zones soient réhabilitées. «On nous a demandé de faire revenir les réfugiés et déplacés, ça a été fait. On nous a demandé de sensibiliser les groupes armés afin qu’ils cessent avec les attaques, cela a été fait. Nous avons prié pour l’entente entre les communautés, ce qui est fait aussi. Mais maintenant, ce qui reste, c’est le rôle de l’Etat et de ses partenaires. Ce n’est pas à nous de le faire. Nous, notre rôle, on l’a fait : jouer le rôle d’intermédiaire entre l’Etat et les communautés ; mais, c’est à l’Etat de développer les zones, de créer des centres de santé, de donner de l’eau potable à ses populations, d’assurer la sécurité pour tout le monde, de rouvrir les écoles, de ramener l’administration. Nous, nous avons fait ce que nous pouvons».
Selon le chef de la tribu Kel Antessar, l’organisation de la rencontre de Gargando lui a pris trois mois, car il fallait réunir tout le monde. Il a souligné que depuis la crise, c’est la première fois pour le préfet de Goundam d’aller à Gargando. Le maire, lui, a passé les trois jours du forum avec eux, tout comme le député Oumar Sididié Traoré et bien d’autres personnalités de la région de Tombouctou. À l’en croire, la suite de cette rencontre est de continuer à sensibiliser les populations, de garder les contacts avec les différentes communautés. Idem avec l’armée afin que la rencontre de Gargando porte fruit.
Cependant, le chef de la tribu Kel Antessar n’est pas content du gouvernement malien. D’où cette mise en garde d’Abdoul Majid Ag Mohamed dit Nasser : «Je demande aux autorités maliennes d’encourager les acteurs de la paix ; les acteurs de la paix ont des ennemis. Ceux qui cherchent la paix et qui aident le pays, il faut qu’on les encourage, avant que ça ne soit trop tard pour le pays. Parce que si nous sommes restés au Mali, nous avons lutté pour notre pays. Si on continue à nous humilier, il y aura une rébellion qui va bouleverser tout le Mali. Ce n’est pas seulement le Nord, mais tout le Mali. Ça c’est un premier avertissement que je lance au gouvernement malien. Que ceux qui œuvrent pour la paix, soient encouragés et non le contraire !»
Kassim TRAORE