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Crise politique malienne : Quand la loi sert de jouet
Publié le mercredi 23 mai 2012   |  Le Procès Verbal


Cheick
© Autre presse
Cheick Modibo Diarra, Premier ministre du gouvernement de transition


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Montesqieu, le célèbre philosophe français, doit se remuer ces derniers temps dans sa tombe. Lui qui, dans son fameux livre De l’esprit des lois, écrivait qu’il fallait séparer les pouvoirs pour éviter la dictature n’aurait apprécié que très modérément de voir surgir dans le prétendu modèle démocratique malien un « Premier ministre doté de pleins pouvoirs ».

Qu’est-ce qu’un « Premier ministre doté de pleins pouvoirs »? Aucune loi ne l’explique. Pour certains (les partisans de Cheick Modibo Diarra), l’expression signifie que le Prermier ministre exerce tous les pouvoirs. Cette thèse est juridiquement insoutenable car il faudrait alors admettre que le Premier ministre vote toutes les lois, exerce tous les pouvoirs exécutif et vienne juger les citoyens à la place des juges. Or on voit bien que Dioncounda, le président intérimaire, continue de signer des décrets; que l’assemblée nationale continue de voter des lois (par exemple la loi d’amnistie des militaires) et que les tribunaux continuent de juger avec leurs magistrats habituels. D’autres analystes croient que les « pleins pouvoirs » signifient que le premier ministre restera en poste pendant toute la durée de la transition. Cette interprétation pèche dans la mesure où nul ne reste en pla ce s’il trahit le peuple. A supposer que le Premier ministre pactise avec la rébellion du nord, gardera-t-il toujours son fauteuil au nom de ses « pleins pouvoirs » ?
En vérité, l’idée de « pleins pouvoirs » n’a été théorisée par aucun penseur ni admise par aucun législateur. Elle est inventée, sous nos cieux, par la CEDEAO, pour rouler ses interlocuteurs dans la farine ou, ce qui est pire, jouer au cirque. Même dans les faits, le concept n’a aucune espèce de réalité puisque le Premier ministre ne s’avisera jamais, malgré ses « pleins pouvoirs », de vouloir dissoudre l’Assemblée nationale ou la junte militaire dirigée par le capitaine Sanogo. Quand le capitaine Sanogo a envie d’organiser une rafle nocturne de personnalités civiles et militaires, il n’en informe guère le Premier ministre. En fait de « pleins pouvoirs », le compère détient plutôt de pleines illusions de pouvoirs!
Autre tour pendable joué à la loi: les magiciens, pardon!, les juristes locaux veulent nous faire gober la légalité de l’Accord-cadre signé le 6 avril 2012 entre le CNRDRE et la CEDEAO. L’Accord-cadre est-il une loi malienne? Non, car aucun député ne l’a voté. Est-il un décret ? Non, car ni le président de la République du Mali ni le Premier ministre ne l’ont signé. Est-il une norme quelconque de l’ordre interne malien ? Non: ses seuls signataires sont la CEDEAO (une organisation internationale) et le CNRDRE (un groupe de militaires putschistes): ni l’un ni l’autre de ces organismes n’a qualité légale pour représenter le Mali, une République qui ne peut agir qu’à travers ses institutions constitutionnelles. Alors l’Accord-cadre est-il un traité international ? La réponse est encore une fois négative comme on en conviendra en lisant la Constitution du Mali.
L’article 114 de la loi fondamentale stipule : « Le Président de la République négocie et ratifie les traités. ». Or dans le cas d’espèce, le président (ATT) vivait en clandestinité quand l’armée négociait l’Accord-cadre. Nul n’a pris le soin de l’informer de quoi que ce soit et il n’a rien négocié.
L’article 115 de la Constitution dispose: « Les traités de paix, de commerce, les traités ou accords relatifs aux organisations internationales, ceux qui engagent les finances de l’Etat, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être approuvés ou ratifiés qu’en vertu de la loi. ». En l’occurrence, l’Accord-cadre a été signé alors que l’Assemblée nationale était dissoute et que les députés se trouvaient en vadrouille dans la nature, empêchés d’accéder à l’hémicycle par une escouade de soldats. Et à ce jour, même après la reprise des travaux de l’Assemblée, aucune loi n’a ratifié l’Accord-cadre.
L’article 116 de la Constitution déclare enfin: « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque traité ou accord de son application par l’autre partie. ». Qui donc a ratifié le fameux Accord-cadre si ce n’est une junte dépourvue de qualité légale pour agir au nom de la République ?
On le voit, le Mali devient le cimetière des lois. Tantôt elles naissent mortes en raison du défaut de qualité de leurs auteurs; tantôt elles meurent du fait de leur contenu inadapté. Exemple de loi au contenu scélérat, la loi d’amnistie adoptée, vendredi dernier, au profit des militaires putschistes du CNRDRE et de leurs associés civils. On peut comprendre que les députés frissonnent de peur devant les baïonnettes ou veuillent faire, par ambition personnelle, la danse du ventre devant les militaires mais de là à fouler aux pieds le peuple malien et sa Constitution, il y a un pas qu’un bon élu devrait se garder de franchir. Voyez-vous, nos honorables députés viennent de voter, certains pieds et mains levés, une loi qui amnistie tous les auteurs et complices du putsch qui a chassé ATT de Koulouba. Or l’article 121 de la Constitution dispose: « Tout coup d’Etat ou putsch est un crime imprescriptible contre le peuple malien. ». Tout apprenant en droit sait que la Constitution est la norme suprême dans un pays et qu’est nulle toute loi qui la contredit. Comment, le sachant, nos élus, parmi lesquels figurent des avocats et des professeurs blanchis sous le harnais, ont-ils pu voter une loi manifestement anticonstitutionnelle ? Ce serait naïveté de la part des militaires de se reposer sur cette loi d’amnistie qui, pour peu que la Cour constitutionnelle en soit saisie, l’enterrerera vite et bien. Et sans prières funèbres, s’il vous plaît…
Pourquoi le droit perd-il soudain le nord (eh oui, le nord!) chez nous ? Pour la simple raison que l’on veut vaille que vaille légaliser un coup d’Etat. On veut maquiller un chat de duvets pour le faire vivre, sans accrocs, dans la basse-cour. Le projet ne manque pas d’audace et les députés le savent car, lors des débats sur la loi d’amnistie, ils ont tenté d’abandonner le terme « putsch » au profit de celui, plus doux, d’ »insurrection ». Tentative à laquelle un des élus a mis le holà en demandant à ses pairs d’appeler le chat par son nom.
Pour notre part, nous pensons que chaque pays a son histoire, avec ses hauts et ses bas. Le putsch du CNRDRE n’est que le troisième au Mali après ceux du CNLN (Moussa Traoré et autres) et du CRN (ATT et autres). Le putsch du CNRDRE, comme les précédents, peut faire l’objet de légitimation populaire. Pas de légalisation. Dame loi est, en effet, trop sérieuse pour servir de jouet.

Une analyse de Tiékorobani

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