Une bonne politique de gestion des frontières permet de réduire la vulnérabilité des Etats face aux mouvements des groupes terroristes impliqués dans le trafic d’armes, de drogues et d’êtres humains dans le Sahel et incidemment au Mali.
La commune urbaine de Gao a accueilli du 16 au 18 mars la concertation régionale sur la relecture du document de Politique nationale des frontières. L’objectif principal de la rencontre était d’adapter ledit document au contexte national sous-tendu par les réalités politiques, sécuritaires, socio-économiques et culturelles du Mali et à l’environnement socio-sécuritaire critique de l’Afrique de l’Ouest et du continent africain. Il permettra également à l’Etat malien de stabiliser ses espaces frontaliers en termes de sécurité, d’investissements dans les équipements sociaux de base, de rapports de bons voisinages et de protection des communaut
Les préfets des cercles d’Ansongo, Bourem, Ménaka et Gao, en plus des maires des différentes localités situées dans les zones frontalières et les responsables d’organisations de la société civile ont pris part à cette rencontre qui s’est penchée sur quatre thématiques principales, à savoir : la délimitation et la démarcation des frontières ; la coopération administrative, défense et sécurité frontalières ; le développement des zones frontalières et la coopération transfrontalière ; et le financement et la mobilisation des ressources.
Organisé par le Ministère de l’Administration Territoriale à travers la Direction Nationale des frontières, avec l’appui technique et financier de la MINUSMA, de l’Organisation Internationale des Migrations (OIM) et du Projet d’Appui à la Réforme Administrative, à la Déconcentration et au Développement Economique Régional (PARADDER), cet atelier a regroupé des acteurs des niveaux national, régional et local. La région de Gao, il faut le rappeler, partage une longue frontière avec le Niger. Celle-ci est perméable et sans surveillance particulière, faisant d’elle une zone de non-droit et de trafic de tout genre. L’on comprend donc pourquoi la gestion des frontières est une préoccupation majeure du Ministère de l’Administration Territoriale du Mali.
Faire des zones frontalières des lieux de paix
« On doit œuvrer à faire des frontières et zones frontalières de notre pays des lieux de paix, d’échanges et de développement durable. Au regard de toutes les menaces et influences qui limitent les libertés publiques et individuelles, freinent la circulation des personnes et des biens, et paralysent l’économie de la région, je ne peux que saluer la tenue du présent atelier qui sera une voie de solution aux difficultés que connait la région de Gao, » a déclaré M. Seydou Traoré, Gouverneur de la région de Gao.
Pour M. David Lochhead de la Section de la Réforme du Secteur de la Sécurité - Désarmement, Démobilisation et Réintégration (SSR-DDR) de la MINUSMA, le financement de la relecture de la politique nationale dans les régions du Nord s’inscrit dans le mandat de la MINUSMA qui vise la stabilisation et le relèvement du Mali. « Nous avons constaté qu’il n’y avait pas de stratégie globale pour la sécurisation des frontières du pays. C’est pour cela que nous avons jugé nécessaire de soutenir ce processus. Dans l’ancienne politique nationale des frontières, une stratégie de sécurisation des frontières est prévue parce que la politique nationale désigne certes l’aspect sécuritaire, mais aussi la question de développement, d’administration et de gestion des frontières. Et nous savons que le développement est lié à l’aspect sécuritaire. »
Vers une politique nationale des frontières actualisée
La dernière politique nationale des frontières du Mali a été faite en octobre 2000. Après 15 ans et à la suite de la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation, la rencontre de Gao est le début d’un processus qui aboutira à la production d’un plan d’action qui permettra aux partenaires de réaliser les attentes des populations en terme de sécurité et de développement local en soutien à l’état.
« La question des frontières ne doit pas se limiter qu’aux hauts cadres de l’Etat mais doit s’élargir aux vrais acteurs à la base. En plus, il faut que les autorités œuvrent pour la construction des infrastructures dans le domaine de la santé, de l’éducation, du transport. Les besoins sont pressants dans les zones frontalières, sans parler de l’insécurité. Cet atelier est inclusif mais cette politique devra être relue encore après 5 ans pour s’attaquer aux futures mutations, » a indiqué M. Rhissa Ag Mohamed Ahmed, Conseiller technique au Conseil régional de Gao.
Quant à M. Ibrahim Ag Effanfane, maire de la commune de Tessit dans le cercle d’Ansongo : « Nous sommes quelques fois jaloux de nos voisins de l’autre côté parce qu’il manque de points d’eau dans notre localité et de services sociaux de base. Cette rencontre nous permet cependant d’espérer un changement ; nos problèmes tournent autour de l’aspect sécuritaire, de l’eau, de la santé, de l’absence de route, surtout. Nous souhaitons vraiment que ces questions soient réglées à Tessit. »
A l’issue de la rencontre de trois jours, les participants ont formulé plusieurs recommandations dont : la prise en compte de la mobilité des populations le long des frontières lors des délimitations et démarcations ; la création d’un cadre institutionnel de gestion des frontières ; la formation des collectivités en matière de coopération transfrontalière ; la redynamisation de la collaboration entre les forces de défense et de sécurité des pays frontaliers ; la création et la dotation des zones frontalières en système de renseignement et les équiper en matériels adéquats.
« La MINUSMA a déjà approuvé un Projet à impact rapide d’appui au poste de gendarmerie des frontières de Labezanga, dans la région de Gao, à la frontière avec le Niger. Ledit projet a été mis en œuvre par l’ONG Danish Demining Group. La MINUSMA va continuer à appuyer les autorités maliennes dans la mise en œuvre de projets en ce sens. Comme nous sommes au terme de nos travaux, je ne peux que me réjouir de la qualité du travail et des résultats obtenus, » a conclu M. Mohamed El Amine Souef, Chef de bureau de la MINUSMA à Gao.
Une rencontre similaire a eu lieu à Tombouctou du 16 au 18 février. Le Ministère de l’Administration territoriale à travers la Direction nationale des frontières procède à la révision de la politique nationale des frontières depuis 2014, soutenu par la MINUSMA via le Fond d’affectation spéciale pour la paix et la sécurité. Les rencontres régionales culmineront avec la tenue d’un atelier de consolidation nationale prévu à Bamako pour la fin avril. La politique nationale des frontières mise à jour fournira ainsi les bases de futures stratégies pour sécuriser et développer les régions frontalières du Mali. À ce jour, plus de 500 acteurs étatiques et non-étatiques répartis dans six régions ont pris part aux consultations.