Décidément, Dramane Dembélé n’en finit pas de faire des vagues. Le ministre de l’urbanisme et de l’habitat est au cœur de gros scandales d’Etat du pays. Ainsi, après la retentissante magouille autour de l’attribution des 1552 logements sociaux de Tabacoro (Bamako) en juillet 2015, le voilà suspecté de blanchiment de capitaux et/ou d’enrichissement illicite. « Dra », comme le surnomment les intimes, est épinglé par la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif) dirigée par l’ancien ministre délégué en charge du Budget, puis des Maliens de l’extérieur et de l’intégration africaine, sous la transition (2012 - 2013), Marimpa Samoura. Le montant blanchi s’élèvent à 700 millions de FCFA. Les services de renseignements et la justice se sont saisis de l’affaire, et la Haute cour de justice ne devrait pas tarder à entrer dans la danse. Mais, d’ores et déjà, l’opinion attend du président IBK et du Premier ministre, Modibo Kéïta, le limogeage de
Dramane Dembélé du gouvernement afin qu’il réponde de ses actes.
C’est notre confrère 22 Septembre qui a fait la révélation la semaine dernière de la suspicion de blanchiment de capitaux à hauteur de 700 millions de FCFA qui pèse sur Dramane Dembélé. A peine tue la campagne média sur les logements sociaux indûment attribués à la famille du Premier ministre (nous y reviendrons plus bas) et qui a même failli emporter Modibo Kéïta, le ministre de l’urbanisme et de l’habitat revient à nouveau au-devant de la scène nationale dans un scandale plus rocambolesque.
Mes millions, ma maison !
Dans ce nouveau feuilleton « Dramane Dembelé », c’est Ecobank qui a tourné le premier épisode en attirant l’attention de la Centif sur des mouvements suspects dans l’un des comptes de Dra. La CEDEAO y a transféré deux montants respectifs de 700 000 dollars, soit plus de 420 millions de FCFA, et 500 000 dollars, soit 280 millions de FCFA. Au total, 1 200 000 dollars, soit 700 millions de FCFA.
Autre transaction suspecte: le ministre de l’urbanisme et de l’habitat a fait un transfert de 200 millions de FCFA dans un compte à Dakar, pour l’achat d’un appartement. Il est aujourd’hui prouvé que cette maison est effectivement achetée et déjà habité par le fils du ministre.
Ces deux transactions financières lèvent tout doute chez Ecobank qui en fournit les moindres détails à l’équipe de Marimpa Samoura. Celle-ci suspecte un blanchiment de capitaux, en informe le Premier ministre par les voies appropriées.
En outre, conformément à l’article 29 de la loi qui la crée, la Centif a enclenché l’action judiciaire qui met à l’œuvre le Procureur de la République, puis le juge d’instruction.
Réagissant chez notre confrère 22 Septembre qui a recoupé l’information auprès de lui, Dramane Dembélé reconnait les faits, mais précise : «ce sont des paiements consécutifs aux consultations que j’ai effectuées pour une société minière entre 2011 et 2012. Il y a eu du retard dans les paiements. Je suis en train de chercher le contrat qui nous liait. D’ici à ce week-end, je le retrouverai dans mes paperasses. Je ne me reproche rien».
En attendant les suites judiciaires, le ministre aurait déjà reçu la visite des agents de la Sécurité d’Etat. La Haute cour de justice étant faite pour les présidents de la République et les ministres accusés de haute trahison, il ne serait pas étonnant que cette institution constitutionnelle ait de la matière dans les jours à venir.
Les six villas de la famille Kéïta
Si réellement on est dans un pays de droit, ce scandale devra normalement plonger le ministre Dramane Dembélé. Mais, n’oublions que le 3è de la Présidentielle 2013 et vice-président de l’Adema s’est déjà sorti de situations au moins tout aussi abracadabrantes. A l’image du scandale des 1552 logements sociaux de Tabacoro dans lequel il a orchestré une véritable magouille à ciel ouvert lors de l’attribution en juillet 2015.
Pire, le ministre Dramane Dembélé a distribué (attribué correspondrait moins au vu de l’ampleur et de la portée de l’acte posé) 6 villas « sociales » à la famille du
Premier ministre Modibo Kéïta. Les médias maliens s’en sont largement fait l’écho en fin d’année dernière. Aujourd’hui, nous sommes en mesure de vous fournir les noms de tous les enfants du PM et sa femme bénéficiaires de ces logements ainsi que tous les détails y afférents.
Il s’agit de :
1. Gaoussou Kéïta, le né le 6 septembre 1983 à Bamako, non salarié, juriste, marié à Fatoumata Doucouré, type F3A, N° de dépôt : 00183, logement n°3395
2. Mme Aïssata Kéïta, née le 2 octobre 1984 à Bamako, non salariée, juriste, mariée à Mohamed Baba Sylla, type F5, N° de dépôt : 00159, logement n°3075
3. Mme Néné Kéïta, née le 27 août 1976 à Bamako, Malienne de l’extérieur, Abidjan Marcory résidentiel, tantôt enseignante du 1er cycle, tantôt Administrateur de l’action sociale, type F3A, mariée à Mahamadou Dembélé, N° de dépôt : 00026, logement n°3399
4. Mme Tassiré Kéïta, née tantôt le 15 novembre 1972, tantôt le 10 juin 1976 à Bamako, non salariée, secrétaire de direction, type F5, mariée à Djibi Coulibaly, N° de dépôt : 00040, logement n°3050
5. Fatoumata Bintou Kéïta, née le 5 juin 1967 à Bamako, Malienne de l’extérieur, 56-5955 Creditview Road Toronto, Enseignante, type F5, mariée à Thierry JC Kéïta, N° de dépôt : 00191, logement n°3043
6. Adam Diakité, née le 28 mars 1947 à Bamako, fille de Sadio Diakité et de Lala Touré, non salariée, type F3A, logement n°3136.
Tous, à l’exception d’Adam Diakité, l’épouse, sont fils ou fille de Modibo Kéïta, Professeur ou Instituteur et de Adam Diakité, Institutrice ou Enseignante.
Le ministre Dramane Dembélé a fait cette généreuse donation aux enfants et à l’épouse du Premier ministre pour pouvoir se maintenir à son poste. Le temps lui a donné raison, puisque le 15 janvier 2016, Modibo Kéïta lui a renouvelé sa confiance, totale et entière .C’est pourquoi, beaucoup de Maliens restent sceptiques que le blanchiment supposé des 700 millions produisent un effet. A moins que ce ne soit le scandale de trop.
La Rédaction
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Tabacoro : Les logements de la magouille
Avec les 1552 logements de Tabacoro, le Mali entre dans une nouvelle ère des logements sociaux : celle de la magouille à ciel ouvert. On aura vu toutes les formes de violation, de torpillage des textes, de tripatouillage de résultats et de copinage dans l’attribution des logements qui seront remis à certains bénéficiaires cet après-midi.
Tous les bénéficiaires ont un caractère particulier. Ils sont militants ou sympathisants de l’Adema, du Rpm ou de la majorité présidentielle. Ils ont un lien avec un président ou un membre des institutions de la République. Ils sont une connaissance du ministre Dramane Dembélé. Rares, et même très rares sont les Maliens lambda qui ont leur nom sur la liste des bénéficiaires.
Donc, la première entorse de l’attribution des présents logements, c’est qu’elle a été faite en violation flagrante des critères d’attribution, notamment en ce qui concerne les personnes à revenu faible.
Dans cette grande triche qui aurait été orchestrée de main de maître par Dramane Dembélé, celui-ci a eu comme mode opératoire d’ignorer le logiciel de gestion des données. C’est ce logiciel qui gère la phase finale de l’attribution des logements sociaux depuis le top départ en 2004. Avec cet instrument, la magouille est certes possible, mais à très faible ampleur.
Comment fonctionne ce logiciel ? Quelles en sont les garanties ?
Le rôle de ce fameux logiciel est clairement défini dans le document du processus d’attribution des logements sociaux.
Le processus commence avec la réception des dossiers des postulants. Ces dossiers réceptionnés sont enregistrés dans un registre salarié, non salarié ou Malien de l’extérieur selon le cas ; placés dans une enveloppe sur laquelle il est mentionné le nom, prénom, le numéro de dépôt du dossier, la catégorie du postulant ; et stockés en attendant d’être analysés. L’analyse des dossiers est exclusivement réservée aux membres des commissions d’attribution qui procèdent au dépouillement et au remplissage des fiches de saisie pour tous les dossiers en mentionnant toutes les informations nécessaires: nom et prénoms du membre de la commission qui a procédé à la vérification du dossier ; numéro de dépôt du dossier ; numéro de la quittance ; nom et prénom, situation matrimoniale, adresse, profession, revenu, numéro du compte bancaire et contact du postulant ; la liste des pièces fournies dans le dossier ; date de naissance et nombre des enfants dont les actes de naissances sont fournis par le postulant.
Les fiches de saisie ainsi remplies, sont saisies dans l’ordinateur. A la fin de la saisie, les membres des commissions comparent le contenu des fiches remplies par eux et les informations saisies par l’équipe du secrétariat ; font corriger les erreurs et fautes commises et valident les informations correctes. Les informations, une fois validées ne sont plus accessibles, donc ne peuvent plus être modifiées.
Après cette phase de validation le traitement jusqu’au bout de l’opération est assuré par le logiciel. Celui-ci, une fois lancé, permet de trier les dossiers à partir de l’application des motifs de rejet. Ainsi, les mauvais dossiers sont éliminés et les bons sont retenus en fonction des motifs de rejet automatiques et des résultats de l’analyse des membres des commissions.
La liste des postulants validés est établie sur cette base. Elle est comparée aux listes disponibles des bénéficiaires de logements au niveau des promoteurs immobiliers. Elle est également envoyée dans les structures intervenant dans l’acquisition de logement notamment aux mairies des communes qui ont des informations sur leurs populations en matière de propriété de logement ; aux banques qui accordent des crédits acquéreurs pour la situation financière et immobilière des postulants ; l’existence de l’Apport Personnel et de la Caution ; la régularité des numéros de compte fournis par les postulants. A ce niveau, certains postulants validés sont éliminés.
Utile à savoir : la liste des postulants validés est toujours supérieure aux logements disponibles.
En vue de départager les postulants, les commissions d’attribution procèdent à l’élaboration et à l’application de sous-critères d’attribution tenant compte de la situation matrimoniale des postulants (célibataire, marié, divorcé et veuf ou veuve) ; la situation physique du postulant (handicap) ; l’âge du postulant ; la charge du postulant (enfants mineurs ou majeurs) ; l’existence d’anciens récépissés prouvant que le postulant a participé à d’autres opérations sans succès.
L’attribution de points pour chaque situation permet de faire le classement des postulants par rapport au choix de type de logement fait par eux.
La liste provisoire des bénéficiaires est faite à partir du classement décroissant des postulants et du nombre de logement disponible par type.
La répartition des logements entre les bénéficiaires salariés, non-salariés et maliens de l’extérieur se fait au prorata des demandes.
La liste visée ci-dessus est ensuite remise aux autorités pour compte rendu. Ainsi de suite jusqu’à la publication de la liste définitive, (affichage, publication dans les journaux, mise sur les différents sites : département, Omh, Maliens de l’extérieur, la Bhm).
La touche Dramane Dembélé
Sachant tout cela, le ministre Dramane Dembélé aurait instruit aux commissions d’attribution de faire fi de l’existence du logiciel. D’où l’immense pagaille et les innovations bizarres que l’on constate sur la liste des bénéficiaires des 1552 logements.
D’abord, les noms sont alignés dans l’ordre alphabétique. Ce qui est contraire à la logique du logiciel qui établit la liste suivant des critères bien définis (voir fac-similé).
Ensuite, sur la liste des 1552 logements, il existe plusieurs doublons, et même un triplon. C’est-à-dire, la personne, répondant aux mêmes caractéristiques qui bénéficient de deux ou trois logements (voir fac-similé).
Plus grave, dans la magouille orchestrée par « Dra », tous les logements ne sont pas attribués. Et pour preuves.
Sur un total supposé de logements type F3 A de 670, cette liste ne compte que 668, soit 2 manquants.
La liste des F3 B de 672 ne compte que 619, soit 53 manquants. Celle des F4 de 610 compte 566 logements, soit 44 en moins. Enfin, pour ce qui est des logements de type F5 de 100, liste mentionne 95 bénéficiaires, donc 5 logements ne sont pas attribués. Ce qui fait un total de 104 logements sociaux qui n’ont pas de bénéficiaires connus ou tout au moins l’identité de ceux-ci n’est pas encore révélée.
Enfin, une dernière grosse entorse à l’esprit des logements sociaux : un ministre de l’actuel gouvernement est bénéficiaire de logement sous le n° 01… Vous avez dit Logements destinés aux pauvres !