Ce samedi 26 mars 2016 consacre le 25ème anniversaire de la fin de 23 ans de règne du général dictateur Moussa Traoré et son clan dans un bain de sang. Après plusieurs semaines d’émeutes à travers le pays, qui ont occasionné de nombreuses victimes, l’aile républicaine de l’armée nationale, sous la conduite du Lieutenant Amadou Toumani Touré-ATT, alors chef de la garde présidentielle, entre en scène dans la nuit du 26 mars 1991. Au petit matin, on apprend l’arrestation du Président Moussa Traoré et de tous les dignitaires de son régime.
La démocratie malienne a un quart de siècle. Cet anniversaire se déroule dans une grande indifférence alors qu’elle devrait être une belle opportunité pour évaluer le chemin parcouru en s’interrogeant sur les échecs et les réussites du processus démocratique.
L’éclosion des libertés publiques est incontestablement l’un des aspects positifs de la chute du général dictateur Moussa Traoré qui profite aujourd’hui des bienfaits de l’ère démocratique. Il y a même lieu d’en déplorer une exploitation abusive dans certains milieux. A l’opposé, la démocratie qui est un processus, n’a pas apporté autant de progrès économique et social.
La conduite des affaires publiques par les démocrates a eu raison sur les espérances du peuple malien. Pendant qu’une infime partie de la population se la coule douce grâce à des pratiques qui n’ont rien à envier à celles qui ont été dénoncées avant le 26 mars, la majorité, elle, lutte au quotidien pour survivre. Au niveau de l’école, c’est le pis-aller. L’emploi, surtout des jeunes, est plus que jamais hypothétique. La justice est décriée par tous les acteurs y compris ceux qui sont chargés de la rendre. Les conditions dans lesquelles les soins de santé sont prodigués dans des hôpitaux publics laissent à désirer. La populace souffre. A cause des phénomènes comme l’achat des consciences, le nomadisme politique, la démocratie chèrement acquise, a perdu son âme.
Les héros du 26 mars se cachent. Leur silence volontaire en dit long sur leur culpabilité. De nombreux acteurs du mouvement démocratique ont sacrifié leur conviction sur l’appât des biens mal acquis avant de vendre leur âme au diable. « La « démocratie » a fini par faire pire que la dictature, surtout au niveau de la qualité des ressources humaines. Elle a injecté sur la scène politique toutes sortes de gens, parfois de véritables voyous. Les éléments les plus sains ont fini par être, presque tous, marginalisés au profit d’une génération spontanée de politiciens sans foi ni loi », écrivait Pr Issa N’Diaye dans une contribution publiée en mai 2014 sur le site Médiapart sous le titre ‘’Faut-il désespérer du Mali d’IBK’’.
Le mensonge a été érigé en système de gouvernance sur fond d’hypocrisie et de démagogie. La corruption, l’affairisme, le népotisme, le clientélisme ont atteint des proportions inquiétantes.
Les échecs des acteurs du mouvement démocratique ne sauraient, en aucun cas, signifier un retour sur scène du dictateur déchu et de son clan qui ont creusé la tombe de la nation avant que la génération des « démocrates convaincus et des patriotes sincères » se disputent sur sa dépouille que les petits rebelles aventuriers veulent enterrer au nom d’un projet séparatiste. Aujourd’hui, on a vite oublié que ce sont les auteurs du coup de force militaire du 19 novembre 1968, incapables de rectifier les erreurs commises par Modibo Kéïta et ses compagnons dans la marche de la jeune République, qui ont actionné la terrible chute de la nation malienne vers le bas par leur manque de vision et d’ambition.
J’accuse l’élite politique, intellectuelle, les leaders religieux, les chefs militaires, les responsables de la société civile, la presse qui ont failli pour que le pays, menacé de disparition, se retrouve sous la tutelle internationale. On n’a tiré aucune leçon de la « dégénérescence de la démocratie malienne et de la faillite de l’État » en 2012. Pourquoi et comment un peuple si fier et si orgueilleux, a abandonné le sens du collectif pour devenir une bande de laudateurs, voire de courtisans, prêts à ramasser les miettes jetées par l’élite gouvernante ?
Chiaka Doumbia
Source: Le challenger