En chassant Moussa Traoré et son régime du pouvoir, et en imposant la « démocratie » les Maliens épris de justice et d’équité espéraient un lendemain meilleur qui verrait une amélioration de leurs conditions de vie et un changement dans la manière de gérer le pays. Regrettent-ils aujourd’hui ?
La pression de la rue, animée par le désir de « changement », a eu raison du pouvoir « dictatorial » de Moussa Traoré. Mars 1991, restera, à jamais, gravé dans la mémoire des Maliens et tous ceux qui ont été, de loin ou de près, témoins de la chute sans gloire de celui qui fut, plusieurs décennies auparavant, l’homme le plus craint sur le territoire malien : le Général Moussa Traoré et son régime, tombaient.
Le vent de la démocratie nord-sud soufflait et emportait les régimes dictatoriaux en Afrique. On avait fait croire à la jeunesse que leur avenir était dans la « démocratie ». Qu’avec la démocratie, il y aura « la libre parole » ; « le droit d’avoir un travail décent » ; « le droit de se faire soigner d’une maladie » ; « le droit de se faire entendre et de se faire écouter » ; « le droit de poursuivre des études normalement »…
Bref, tous ces droits qu’une dictature pouvait priver à un citoyen. Et si la jeunesse a prêté le ventre aux tirs de fusils des soldats de Moussa Traoré, c’est parce qu’elle y croyait, en cet avenir radieux que certains ne cessaient de lui promettre. Combien en sont morts ? On les appelle, aujourd’hui, les « martyrs de la révolution de mars 1991 » et reposent désormais dans le cimetière de Niaréla, convaincus dans leur mort que leur bravoure n’a pas été vaine.
Pendant ce temps, et en réalité, ceux qui les poussaient à affronter les balles de fusils, mais qui n’osaient jamais s’exposer, se « sucrent » aujourd’hui, indécemment, sur le dos de la « démocratie » et devant un peuple désabusé et, honteusement, trahi. Les acteurs politiques de la révolution de mars 1991, ont, tout simplement, trahi le peuple malien et la mémoire des martyrs tombés sous le coup de la révolution.
Les 25 ans de démocratie équivalent, selon certains, à 25 ans de pillage de la République. Ils n’ont peut-être pas tort de penser ainsi. Puisque les partis politiques, créés dans le sillage de la démocratie, sont loin de combler les attentes populaires. Le faible taux de participation aux différents scrutins électoraux, pourrait attester ce désintérêt qu’ont, de plus en plus, les Maliens vis-à-vis de la chose politique.
Au pouvoir, les têtes changent et se ressemblent toutes. La gestion du pouvoir est devenue une affaire de grin où les mêmes têtes reviennent toujours. On fait du neuf avec du vieux, comme diraient certains. La majorité au pouvoir, joue des coudes pour des postes au gouvernement parce que la fonction de ministre est devenue un tremplin pour inscrire son nom sur la liste des « gens riches ». Les hommes politiques de l’opposition, utilisent les souffrances et les inquiétudes des populations pour leur propre promotion.
Où sont passés les idéaux de la révolution de mars 1991 ? Où sont la justice, l’équité, la promotion et la défense des droits du citoyen, le mieux-vivre et le mieux-être… ?
La cupidité a tellement gagné le cadre malien qu’il n’y a même plus une portion de terre libre dans le périmètre du district et même dans les chefs-lieux de région. Aujourd’hui, au nom de la démocratie, on pille impunément et consciemment, les deniers publics (ceux qui pourraient crier au voleur ou qui crient au voleur, attendent certainement qu’ils soient mis dans les conditions de vol pour pouvoir à leur tour voler).
Qui, dans ces conditions, est le porte-parole des sans-voix ? Qui pour porter la colère, l’indignation d’une population, d’un peuple, spoliée des acquis de sa révolution ? Le verdict des urnes, est souvent falsifié. Alors, quels hommes politiques, le Mali a-t-il hérité, au lendemain de la révolution ? Des cadres soucieux de la construction de la nation ou une bande de pilleurs qui savent utiliser la naïveté et la patience d’un peuple qui n’a plus le courage de se battre ?
Il urge que les hommes politiques puissent changer de manière d’être et de manière de faire, pour ne pas continuer à décevoir les populations. Il y a aussi la nécessité pour l’homme malien de retrouver certaines valeurs qui font la grandeur d’une nation. Vivre pour le pays et non plus vivre pour soi.
Tièmoko Traoré