Le couple non-voyant malien Amadou et Mariam force l’admiration sur scène par son talent. Et à la ville par la longévité de son amour. L’épouse Mariam livre les secrets de leur réussite professionnelle et familiale.
Le couple d’artistes non-voyants malien Amadou et Mariam est devenu au fil des années une référence musicale en Afrique, en Europe et aux États-Unis. Il a glané de nombreux prix et fait des grandes scènes avec des sommités comme Stevie Wonder. Malgré cette réussite qui peut faire tourner la tête à plus d’un, le couple Amadou et Mariam demeure très soudé. Plus "collé-serré" que jamais. «Ça fait 30 ans que Amadou et moi sommes mariés. On a trois enfants qui sont aussi mariés. On est heureux et notre couple se porte bien», confie l’épouse Mariam à l’émission "Paroles de femme" de Radio BBC Londres diffusée le mercredi 2 mars dernier.
Elle ajoute que la longévité de leur couple à la ville comme sur scène est liée à leur grosse capacité mutuelle de tolérance et de compréhension.
A commencer par Amadou, qui dit-elle, ne se fâche presque jamais. Quand il y a un problème, le couple le règle au coin de l’oreiller sans faire de vagues. Et le fait que Amadou et Mariam se soient rencontrés très jeunes à Bamako, leur a permis de bien se connaître avant de vivre ensemble. «J’ai rencontré Amadou pour la première fois en 1972, quand j’ai été inscrite à l’institut des aveugles de Bamako. Depuis, on ne s’est plus quittés», rappelle-t-elle.
Avant de préciser que c’est Amadou qui a fait le premier pas. Car dans leur coutume, c’est l’homme qui va vers la femme et non l’inverse. Et c’est surtout son élégance et sa voix qui attirent Amadou. «A l’Institut, on m’avait surnommée madame la coquette, à cause de mes beaux habits et mes bijoux. J’étais très élégante et je chantais bien. Il y a été très sensible», se souvient-elle.
De son côté, c’est d’abord la virtuosité du jeune guitariste Amadou qui l’impressionne. Puis suit l’amour. A la grande satisfaction de leurs amis communs qui les trouvent séduisants et faits l’un pour l’autre. Sur le plan artistique, chacun continue dans un premier temps ses prestations en solo. Avant qu’Amadou ne propose qu’ils chantent ensemble pour valoriser leurs talents. Et c’est le succès dans les mariages, baptêmes et autres manifestations. C’est là que naît le tube "Dimanche, c’est jour de mariage à Bamako". Et le duo enchaîne les succès depuis un quart de siècle. Une carrière qui prend son envol principalement à partir d’Abidjan. Mais après un début très calamiteux. «Lors de notre premier concert à Abidjan, on a joué devant deux personnes. C’était la déception totale. Et comble de malheur, on a égaré notre guitare dans un taxi», raconte Mariam.
Mais après, le succès leur sourit. Les spectacles s’enchainent avec beaucoup plus de spectateurs. Et le couple Amadou et Mariam s’impose sur la scène internationale. Il se permet même le luxe d’être accompagné un jour sur scène à Abidjan par Stevie Wonder (himself) au piano. «C’est un moment très fort, dont on se souvient toujours», dit-elle.
Pour le travail, Mariam compose ses chansons à la maison très tard dans la nuit, quand tout est calme. Elle les soumet le lendemain à Amadou qui lui, aime travailler très tôt le matin. Il y apporte des retouches si nécessaire et crée la musique.
Quand ils ne sont pas occupés par le show-biz, Mariam est une bonne femme au foyer qui fait la cuisine et s’occupe de la maisonnée. Amadou fait parfois la cuisine et la vaisselle. Car très jeune, il aidait dans les tâches ménagères sa mère qui était souvent malade. Un couple moderne, mais avec les pieds dans la tradition. Et le fait qu’ils soient tous les deux non-voyants ne fait pas d’eux un couple différent des autres. «On est aveugle, mais nous sommes des personnes normales comme les autres. Seulement, nous sommes très sensibles avec un instinct très développé. Des gens nous déconseillaient pourtant à l’époque de nous marier parce que nous sommes tous les deux aveugles. Nous leur avons donné tort aujourd’hui. Notre couple se porte bien, ainsi que nos enfants», souligne Mariam, qui a perdu la vue à l’âge de 5 ans. Elle a commencé à chanter à 6 ans.
Par Eric Cossa