Faut-il se réjouir de la présence de la Plateforme à Kidal aux côtés de la Coordination des mouvements de l’Azawad (Cma) ? La Plateforme ne serait-elle pas en train de retourner sa tunique contre Bamako ? Que faut-il attendre de tout cela ? Autant de questions auxquelles de nombreux observateurs n’ont pas encore les bonnes réponses.
À la question de savoir si la Plateforme ne serait-elle pas en train de retourner sa ‘’veste’’ contre Bamako, sans pouvoir répondre à ce jour par l’affirmative ou la négative, nous pensons que ce serait fort compréhensible. En effet, le président IBK est souvent allé un peu trop loin avec la Plateforme, notamment lorsque celle-ci s’était emparée de Ménaka et particulièrement, d’Anéfis. D’aucuns prétendent que c’était des ‘’sorties musclées spectacles’’ pour simplement ménager les partenaires, voire le seul patron de la situation, à savoir la France. D’autres estiment que les durs propos tenus par IBK à l’endroit de la Plateforme auraient été prononcés sous la contrainte. Nous disons que rien de tout cela ne saurait être une excuse pour le chef de l’Etat. Les autorités n’auraient jamais dû non plus œuvrer en faveur d’une alliance Cma-Plateforme, car c’était s’affaiblir soi-même. Et l’on sait très bien que ce projet sournois a été inspiré de l’extérieur, depuis la France certainement qui voyait que ses «protégés» de la Cma (particulièrement, du Mnla) perdaient du terrain chaque jour un peu plus. Au profit de la Plateforme, mouvement ‘’pro – Bamako’’ ou ‘’pro-Mali’’ tout court.
La donne aurait-elle changé ?
Trop tôt pour se prononcer définitivement sur la question, dans un dossier où c’est l’exception qui domine la règle, au regard des multiples rebondissements et d’autres retournements de situations. Toutefois, si quelque chose a intrigué bien de Maliens, c’est le fait que le fameux communiqué (‘’Cma-Plateforme sur l’accord d’Anéfis’’ et portant notamment sur les rapports entre les deux mouvements armés et la gestion de Kidal) ne fasse aucune allusion à l’Etat du Mali. Qui aurait été représenté pourtant à Anéfis dans le cadre dudit accord. Et ironie du sort, un tel communiqué est lu sur les antennes de l’Ortm. Cet Office qui est accusé souvent d’autocensure, de rétention de l’information. Mais, qui pour donner le change, ne semble pas avoir opté pour la meilleure façon.
«Propos significatifs»
Interrogé par un confrère sur la présence de la Plateforme à Kidal, un porte-parole de ce mouvement n’est pas allé de main morte. «La Plateforme y est allée par ses moyens, les Fama n’ont qu’à faire de même si elles veulent être là», a dit en substance ce porte-parole qui n’a fait que nous jeter à la figure la dure réalité que nous essayons de fuir. Au nom d’un hypothétique accord qui, à ce jour, n’a ni queue, ni tête.
L’accord d’Anéfis vaut mieux que celui d’Alger !!!
Ces propos sont ceux de Sidi Elmedi (Débat politique de Klédu). Sa lecture des événements est simple. C’est cet accord qui entérine la présence de la Plateforme à Kidal. Mais surtout, explique-t-il, depuis sa signature, il n’y a plus de combats entre les différents groupes armés et la circulation des populations se fait de façon beaucoup plus sécurisée. Un résultat qui n’a pas été obtenu par l’accord d’Alger et la Minusma depuis quelque huit mois maintenant. Pour autant, Sidi Elmedi mesure son optimisme. En effet, prévient-il, ‘’ce serait une erreur de penser que le Gatia est désormais à Kidal et que c’est fini’’. Non, martèle-t-il, «ce n’est pas fini, simplement ils [Cma] sont dans une position de faiblesse». Mieux, rappelle-t-il, «personne ne peut remplacer le gouvernement». Voilà qui est clairement dit.
‘’Pourquoi Bamako ne peut toujours pas se rendre à Kidal comme la Cma à Bamako ?’’
C’est la question que se posent de nombreux Maliens, indignés qu’ils sont que les rebelles, voire les terroristes de la Cma se rendent régulièrement à Bamako, dorment en toute quiétude dans des hôtels de luxe, et que le chemin contraire vers Kidal ne soit pas possible pour les autorités de Bamako. IBK a été clair à Ségou. ‘’Il ne va pas mettre de l’huile sur le feu en se rendant à Kidal’’, avait-il dit en substance, prouvant du coup toute son impuissance. L’argument qui est souvent mis en avant, à tort justement, c’est que l’on nous tord la main. «Si la France arrive à te tordre la main, c’est parce que tu n’es pas avec ton peuple», fait remarquer Dramane Diarra du Réseau Apem.
Pour Sidi Elmedi, qui ne comprend pas non plus que l’Etat donne tout à la Cma qui ne lui permet pas d’accéder à Kidal. «Tant que le processus de cantonnement et de désarmement ne sera pas une réalité, les autorités de Bamako pourraient difficilement se rendre à Kidal. Il faut libérer Kidal», conseille-t-il. La rencontre récente entre IBK, Plateforme et Cma suscite un peu d’optimisme. Sauf que les retournements sont si nombreux et les protagonistes si insaisissables que notre optimisme ne peut qu’être mesuré.
«Les jeunes du Nord se disent trahis par Bamako»
Ils sont les héros de la lutte contre le terrorisme et la partition du Mali. En effet, malgré le rôle joué par les Fama et les forces françaises, il a fallu que les jeunes du Nord (particulièrement de Gao et de Tombouctou, dans une moindre mesure) expriment leur attachement sans réserve à la Mère-Patrie pour que les puissances néfastes mettent de l’eau dans leur vin et cherchent une solution moins douloureuse pour l’intégrité du Mali. Aujourd’hui, de nombreux mouvements de jeunes du Nord se disent trahis par Bamako qui mise tout maintenant sur la seule Cma. Dont les jeunes ont droit à tous les honneurs ‘’pendant que ceux-là qui se sont battus pour l’intégrité du Mali, sont complètement ignorés’’. Ce sentiment d’injustice que dénonce Sidi Elmedi est corroboré, selon lui, par la nomination comme Conseiller technique dans un ministère d’un jeune de la Cma, détenu précédemment par la Sécurité d’Etat. «Le pays ne se gère pas avec des sentiments», prévient Sidi Elmedi, qui rapporte cette complainte de jeunes du Nord.
Faut-il négocier avec Iyad Ag Ghali ?
Cette question fait de plus en plus débat. Le ton avait été donné par l’opposant du Parena, Tiébilé Dramé qui s’interroge sur le refus de négocier avec un fils du pays. Et qui plus est, ‘’n’a jamais souhaité la partition du pays’’. Il est souvent repris par le ‘’prêcheur’’ aux relents jihadistes de Sikasso, Yacouba Doucouré. Le discours de Tiébilé Dramé étant récemment soutenu aussi par Seydou Diawara de l’Urd et Dramane Diarra du Réseau APEM.
Sidi Elmedi n’en dit pas moins, d’autant plus que cela fait quelque deux ans que la France dit combattre le terrorisme, mais apparemment, sans grand succès, puisque les attaques terroristes se multiplient. Dans tous les cas, résume Sidi Elmedi, «il faut que le gouvernement s’assume sur la question ».
Mais le problème, reconnaissent tous, est qu’Iyad est affilié à un mouvement terroriste. Or, l’accord d’Alger ne prévoit aucunement de prendre langue avec un terroriste. Ensuite, Iyad prétend se battre pour l’Islam, tout en massacrant des vies humaines innocentes. Sans compter qu’il veut appliquer la charia dans un pays connu pour sa diversité confessionnelle. Alors, vouloir négocier avec Iyad Ag Ghali ne serait-il pas une façon de légitimer une lutte qui s’oppose à tous nos principes républicains, et même aux valeurs de l’Islam qui est une religion de tolérance et qui n’a demandé à personne de tuer en son nom ?
Bref, le débat est ouvert et les partisans pour négocier avec le terroriste gagnent de plus en plus du terrain. La position de la France sur la question est contradictoire. Elle a accepté à un certain moment de mettre Iyad à contribution pour faire libérer des otages français. Elle a contraint Bamako à mettre en liberté des terroristes, uniquement pour défendre ses intérêts, violant du coup tous les principes qu’elle semble s’imposer. Ainsi qu’aux autres. À l’image de Manuel Valls, le Premier ministre français, dont le discours tenu dernièrement lors de sa visite dans notre pays, était sans ambiguïté : «On ne négocie pas avec les terroristes ; la lutte contre le terrorisme sera renforcée».
Pour notre part, la porte de la négociation peut s’ouvrir, à condition qu’Iyad renonce à son projet terroriste et d’application de la charia. Cela doit être la condition sine qua non. En attendant, l’Etat doit s’affirmer et le combattre tout le temps qu’il faudra.
La REDACTION