MOPTI (Mali), Après deux jours de voyage sur le fleuve Niger, une pirogue accoste à Mopti, dans le centre du Mali, en provenance de Tombouctou, dans le nord. "Là-bas, chez nous, les islamistes ont commencé à fuir", dit un étudiant venant de débarquer. "Il en reste quand même", nuance un commerçant.
Au soleil couchant - que les touristes étrangers ne viennent plus
contempler depuis des mois à Mopti, "la Venise malienne"-, ces habitants de
Tombouctou, à 900 km de Bamako, échangent, presque gaiement, ce weekend, les
dernières nouvelles de "la guerre".
"J`habite à Tombouctou et nous sommes tous contents du président français
François Hollande! On a l`impression qu`on va être libérés très bientôt", dit
Sidi Touré, commerçant de 67 ans coiffé d`un turban vert, parti jeudi à bord
d`une grande pirogue de sa ville "coupée du monde", sans réseau téléphonique.
A son côté, un chauffeur songhaï de 44 ans, Mohamed Touré, dit vivre "comme
une fête" l`annonce de la reprise aux jihadistes de Gao, à 1.200 km au
nord-est de Bamako, par les militaires français et maliens. "Bien sûr, la
guerre, ce n`est pas bon. Mais la libération du nord, est-ce vraiment la
guerre? Ce sont les populations souffrant depuis neuf mois qui réclamaient
d`être libérés", argumente-t-il.
Loin des regards de la presse, les opérations de "reconquête" telles
qu`elles sont médiatisées se feraient quasiment "sans combats", relève-t-il
aussi, "sauf au moins à Konna où ça a bardé et il y a eu des morts".
En neuf mois, les islamistes armés n`avaient "pas tué", disent-ils, mais
"pris la population en otage".
"Il y avait des pillages, ils maltraitaient les gens", commence l`étudiant
Amadou Alassane Mega, 22 ans. Le pire qu`ils aient fait: "Détruire les
mausolées des saints musulmans" dans la ville mythique, vénérés par les
populations, et "couper les mains de ceux qui étaient accusés d`être des
voleurs", dit-il.
"leur faire payer ce qu`ils ont fait"
Y-a-t-il déjà à Tombouctou des gens qu`on accuse d`avoir "collaboré" avec
les groupes islamistes? "Non", assure le chauffeur, ajoutant: "comme ils
étaient armés, c`était obligatoire de leur obéir."
"Mais quand Tombouctou va être libérée, il y a des vérifications qui vont
être faites. Comme par exemple chercher les islamistes parmi les habitants",
avance le jeune Amadou. "Ils nous chicotaient (frappaient) quand on fumait,
quand on écoutait de la musique. On va leur faire payer ce qu`ils nous ont
fait. Les chicoter aussi".
Tous croient savoir que les jihadistes auraient fui vers la ville de Kidal,
dans l`extrême nord-est, et vers le Sahara.
Non loin de là, un garde républicain rapporte, sous couvert d`anonymat, ce
que d`autres piroguiers lui auraient confié: "à Mopti même, des jihadistes ont
été arrêtés, cachés dans des pinasses parmi les poissons et la glace. Au nord,
ils avaient obligé des piroguiers à les emmener et ces derniers les ont
dénoncés".
Sur une plage voisine, Amadou Massaya Traoré, 42 ans, "chef d`un campement
bozo" (une ethnie) installé sur l`île du Niger, accueille une pirogue
débordant de poissons, tout sourire: "Regardez ces carpes, ces poissons
chiens... On a organisé une petite pêche pour les offrir aux autorités locales
afin d`exprimer notre joie par rapport à la reconquête du nord".
"La semaine dernière, assure-t-il, on avait déjà offert une pirogue entière
de poissons aux militaires français et maliens".
Pieds nus sur le sable, cet homme élégant en boubou brodé n`évoque jamais
les conséquences d`une guerre à laquelle il ne veut voir que des avantages.
"La France, notre pays colonisateur, avait une dette envers nous et,
aujourd`hui, elle nous rend la monnaie".
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