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Art et Culture

Rétrospective Seydou Keïta : la photographie africaine entre au Grand Palais
Publié le mercredi 30 mars 2016  |  AFP




Paris, 30 mars 2016 (AFP) - Considéré comme un des plus grands
portraitistes de la seconde moitié du XXe siècle, le photographe malien Seydou
Keïta est le premier artiste africain exposé seul au Grand Palais. Une
rétrospective inaugurée par François Hollande rend hommage à cet autodicacte
inspiré.
Tissus
Entre 1948 et 1962, Keïta photographie des milliers de ses compatriotes
dans la cour de sa maison à Bamako. Il innove en réalisant ses clichés devant
des fonds en tissu imprimé, le plus souvent en wax, une technique ancienne à
la cire. "Le premier fond, c'est son dessus de lit", raconte Yves
Aupetitallot, commissaire de l'exposition (jusqu'au 11 juillet), "mais il se
souvient à peu près de la succession des différents tissus", ce qui permet de
reconstituer l'ordre chronologique des photos, où ne figurent ni la date, ni
le nom des modèles.
S'il a influencé un peu Malick Sidibé, l'autre grand photographe malien,
"il n'y a pas eu vraiment de transmission, son travail a été peu montré en
Afrique faute de structures", souligne le commissaire.
Tirages
Seydou Keïta, décédé en 2001, travaillait essentiellement à la chambre 13 x
18, uniquement en noir et blanc. 300 tirages sont présentés, dont pour la
première fois ses tirages d'époque, des planches contacts aux mêmes dimensions
en raison du coût du papier. Beaucoup ont été retrouvés chez l'encadreur qui
se chargeait parfois de coloriser certains détails, surtout les bijoux.
Les tirages modernes, souvent de grande dimension, ont été réalisés plus
tard par Keïta lui même, qui n'a jamais étudié la photo et n'a fait que des
portraits. Lorsqu'il a arrêté son activité pour devenir photographe du
gouvernement, "il a conservé ses négatifs dan une malle en acier sous son
lit", raconte Yves Aupetitallot. Quant à son travail de photographe officiel,
il n'a jamais été retrouvé, pas plus que celui de photographe de l'identité
judiciaire, fonction qu'il occupa également.
Modernité
Keïta fournit à ses clients des accessoires allant de la montre à la
voiture - une Peugeot 203 - en passant par la radio, le Solex ou la Vespa. Ces
signes de modernité et d'ouverture sur le monde voisinent le plus souvent avec
coiffures et tenues traditionnelles pour les femmes et amulettes animistes
pour les enfants. "Les photos sont magnifiques, souligne le commissaire de
l'exposition, mais en même temps, elles disent quelque chose du Mali de
l'époque", encore colonie française et qui n'obtiendra son indépendance qu'en
1960.
Signes
Les coiffures des femmes sont très codifiées entre les "porte-manteaux", le
foulard "à la De Gaulle" (noué bas sur le côté gauche) ou "à la Versailles"
(très symétrique). Beaucoup portent des bijoux en cornaline, d'autres des
Louis d'or attachés au fichu, détail indiquant qu'elles sont Sénégalaises.
Chez les hommes, le feutre européen est volontiers porté en arrière, à la
"Lemmy Caution", détective privé interprété par Eddie Constantine dans des
séries B dont le succès était considérable en Afrique de l'ouest. Ancêtres des
"sapeurs", les "zazous" rivalisent d'élégance et arborent la pochette marquant
leur appartenance au club "Fleur de Paris" (titre d'une chanson de Charles
Trenet).
Pose
Comme le montre un documentaire présenté dans l'exposition, Seydou Keïta
accordait le plus grand soin à la pose de ses modèles, rectifiant chaque pli
de la robe, déplaçant la main ou le bras de quelques centimètres, inclinant la
tête d'une jeune femme ou la faisant pivoter légèrement. Il n'hésite pas à
employer des cadrages inclinés, asymétriques.
Il fait poser certaines modèles étendues sur un tapis de prière telles des
"odalisques", une autre le visage reposant sur le dossier d'une chaise ou se
retournant vers l'objectif - comme "La Jeune fille à la perle" de Vermeer. Il
joue aussi de la superposition des imprimés entre tapis, robe et fond, au
point dans certains clichés de quasiment "dissoudre" le sujet. "Il y a là
quelque chose qui relève de la peinture", commente Yves Aupetitallot.
fa/na/phc
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