L’on apprend de l’Agence Reuters que l’Union africaine envisagerait de déployer des forces au Mali pour, dit-on, aider le pays à gagner la guerre contre les terroristes. Fort étonnant à un moment où les discussions inter-maliennes sont au mieux de leur forme. Une décision que nos autorités se doivent de tuer dans l’œuf pour éviter une nouvelle inconnue dans une équation déjà casse-tête.
En temps de guerre, les alliés sont si importants qu’on en recherche car avoir l’avantage du nombre et de la qualité tant en hommes qu’en matériels peut être synonyme de victoire. Ainsi, avons-nous sollicité et accueilli, aux premières heures des attaques Jihadistes, les troupes françaises et onusiennes dont une majorité de pays africains. Aux dires de l’Agence, la France aurait signifié l’inopportunité de ce déploiement faisant remarquer que les difficultés rencontrées n’étaient en rien relatives à un quelconque manque de personnels.
Il est question de fonds, pas d’une nouvelle force armée
Alternant le bon et le moins bon, nous en sommes arrivé aujourd’hui au stade où les frères du Nord et ceux du Sud se retrouvent pour travailler face à face à faire émerger, pour résolution, les points qui font patauger le processus tout en mettant en route ceux qui font consensus. Que souhaiter de mieux alors si ce n’est de voir les choses s’accélérer un peu plus significativement. Pour se faire, les parties maliennes en conflit ont convenu de trouver les moyens utiles à concrétiser les projets socio-économiques qui, il faut le rappeler, sont la clé de voûte pour l’édification d’une paix durable. Etant entendu que la situation de précarité des populations déroule tout naturellement le tapis rouge aux Jihadistes tout en affaiblissant le pouvoir d’Etat. Certains de nos frères dans le nord sont devenus des mules pour les Jihadistes, malgré eux, afin de voir la marmite sur le feu dans la maisonnée. Quand d’autres intègrent ce camp ennemi en lui fournissant des renseignements utiles à accroître sa nocivité. Depuis l’annonce des appuis financiers de Paris en faveur de notre septentrion, les regards sont restés pointés en direction de la France. L’impatience faisant son nid, nos autorités ont lancé des appels à l’aide pour parer au plus pressé, car il y a urgence. On a besoin de fonds. Fournir le nord en infrastructures socio-économiques de base aurait le double avantage de soulager les populations et de renforcer l’aura du pouvoir d’Etat auprès de ces dernières. Il est donc crucial que nos partenaires comprennent cela. L’UA ferait plus œuvre utile en nous aidant dans ce chantier-ci plutôt que de nous encombrer de ses soldats. Conscients de ce que pourrait coûter une telle force, nous accorder une part de cette manne financière nous permettrait de réaliser nos projets urgents dans le nord et de surcroit, ferait l’économie de vies humaines.
Les risques de la présence d’une nouvelle armée
Plusieurs pertes en vies humaines enregistrées dans les rangs de nos soldats et ceux de nos secoureurs sont imputables aux couacs dus à la pléthore d’états-majors sur le terrain. Les tâches n’étant pas correctement reparties et coordonnées, nos ennemis ont largement profité de ces flottements pour nous porter l’estocade à plusieurs reprises. Et cela est toujours d’actualité. La présence d’une nouvelle troupe ne ferait qu’accentuer cet état de fait. Notre scepticisme est d’autant plus grand quand on sait que le gros de la force onusienne est composé de contingents africains. Il serait plus efficient de soutenir cette dernière avec les moyens qu’elle (l’UA) pourrait mobiliser. Absente aux périodes chaudes, la présence de cette force sonne vraiment faux à pareil moment. Cela ressemble fort bien à du marketing institutionnel. Et cela nous gonfle ! Si l’UA ne prétend pas ainsi se servir de notre douleur, de notre souffrance, de nos blessés et de nos morts pour se faire remarquer, alors elle serait en voie de se donner bonne conscience.
Le plus répugnant serait sans nul doute le bradage de notre souveraineté. Il ne nous resterait donc aucun honneur, aucune gloire. Digne, notre peuple l’a été. Digne, il le restera. Nous sommes secoués mais pas coulés. S’il y a une chose que tout Malien protège sans relâche, c’est bien son honneur, celui de sa famille et par ricoché celui de son pays. Et cela est su de tous. On ne saurait accepter que notre appel à l’aide se mue en une perte de souveraineté. Déjà que nous avons quelques fois maille à partir avec ceux qui sont présents, pour cause de décisions contradictoires aux nôtres, il est certain que si nous ouvrons notre sol à l’UA, qui d’ailleurs n’a pas d’expertise avérée en lutte anti-terroriste, notre voix décisionnaire s’en trouverait beaucoup plus affaiblie.
S’il est vrai que cette volonté de l’UA de déployer ses troupes sur notre sol n’est qu’à l’état d’étude, elle est loin d’être anodine car nos confrères de Reuters nous font savoir que le Chef d’état-major général de nos armées aurait déjà été approché par l’institution africaine sans être allée en profondément dans le dossier. Sachant que les retombées négatives seront énormes pour le Mali, notre gouvernement se doit de signifier son opposition afin que la fécondation de ce monstre soit interrompue.
Abdoulaye KONATE