PARIS, 28 jan 2013 (AFP) - François Hollande a remporté un premier pari
avec la reconquête éclair du Nord-Mali menée par les forces françaises, mais
le président s'apprête désormais à affronter de multiples périls militaires et
politiques, du sort des otages du Sahel aux risques d'attentats.
Les forces françaises et panafricaines sont en train de "gagner la
bataille" au Mali, s'est félicité lundi le chef de l'Etat français mais pour
souligner aussitôt et prudemment qu'il appartenait désormais aux Africains de
poursuivre la traque des "groupes terroristes" qui contrôlent encore le nord
du pays.
La France n'en a pas fini de sitôt avec le Mali, souligne toutefois
François Heisbourg, de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) même
si "cette victoire militaire entraîne une victoire politique, le
rétablissement de l'intégrité territoriale du Mali".
Le plus dur reste à faire et prendra "des années", selon lui: parer la
menace terroriste, régler le sort des otages français, favoriser la
réconciliation nationale au Mali, assurer le développement économique du
Sahel, éviter les exactions, former et équiper les forces maliennes et
africaines...
Ces derniers jours, observe également cet expert, François Hollande a
conduit "l'exécutif dans ce qu'il a de plus radical: on donne l'ordre et 24
heures plus tard, des soldats français interviennent dans un autre Etat".
Et M. Heisbourg d'enchaîner: il "habite désormais pleinement la fonction",
après avoir "réagi vite et bien" à l'offensive des islamistes sur Bamako,
stoppée nette par les forces françaises.
"Il ne faut pas se laisser abuser par l'apparente facilité des opérations:
on va très probablement réussir à chasser les jihadistes des villes mais ils
vont sans doute se réfugier dans les zones désertiques du Nord-Mali", avertit
de la même manière Bruno Tertrais, autre expert de la FRS.
En terme d'image, estime-t-il, l'intervention militaire française au Mali
est positive pour le chef de l'Etat: elle contribue "à une réorientation de la
posture, plus grave et plus posée" qui est "sans doute une bonne chose" car
"en phase avec la gravité de la situation économique et sociale".
"Il y a une forte adhésion des Français à l'intervention au Mali mais, dans
les sondages, Hollande ne regagne que très peu", tempère Frédéric Dabi (Ifop).
"Le Mali intéresse, mais il est loin d'être au coeur des préoccupations des
Français", souligne-t-il.
Ainsi la cote de popularité du président de la République se redresse, de
quatre points à 44%, dans un sondage BVA publié lundi, mais les avis négatifs
restent largement majoritaires.
Quant au risque d'enlisement des troupes françaises au Mali, cette question
ne tardera pas à se poser, estime Bruno Tertrais: "Le temps médiatique veut
qu'en général ce mot apparaisse au bout de 15 jours, trois semaines, c'est
presque une règle du débat politico-médiatique".
"Nous ne voulons pas nous enliser", a déclaré le chef de la diplomatie
Laurent Fabius, prenant les devants dès lundi. "Nous tirons les leçons de
toute une série de conflits et il n'y aura pas d'enlisement", a-t-il insisté,
évoquant implicitement l'Afghanistan.
Au Mali, l'ex-puissance coloniale compte sur la montée en puissance des
forces maliennes et africaines pour réduire son empreinte sur le terrain
--quelque 3.000 hommes actuellement--, son objectif étant d'apparaître en
soutien plutôt qu'en première ligne.
Près de trois semaines après le début de l'intervention, la France doit
encore s'assurer d'une contribution internationale jusqu'ici très timide. "On
ne peut pas parler d'isolement. En revanche, on ne peut qu'être déçu par
l'attitude des Etats-Unis. Il a fallu deux semaines pour que l'administration
Obama accepte d'aider la France gratuitement pour les transports et le
ravitaillement", relève Bruno Tertrais.
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