Malaise social, insécurité galopante, crise économique et financière, mal vivre généralisé, corruption à grande échelle, impasse politique… Le Mali va mal. Les Maliens souffrent et ne savent plus à quel saint se vouer. Elu en août 2013, avec plus de 77% des suffrages, Ibrahim Boubacar Keïta, fait face à la déception de la population. Le mythe IBK s’est effondré. Et pour cause, les Maliens, dans leur grande majorité, se sont vite rendu compte que le projet de société ‟Mali d’abord″ (un projet rangé aux oubliettes… A ban na péou) ainsi que les beaux discours du candidat IBK n’était que des leurres… Le Mali nouveau promis par IBK ?
Pour rafraichir les mémoires, un petit rappel s’impose. La profession de foi du candidat IBK lors de la campagne présidentielle en 2013 était ainsi libellée : “Chers Compatriotes, La situation actuelle du Mali est marquée par de sérieuses difficultés sociales, économiques et sécuritaires. Cette situation appelle des politiques nouvelles et des solutions fortes. Elle appelle un homme d’expérience, qui a un sens élevé de l’Etat, un homme honnête et libre, pour lequel la chose publique est sacrée. Un homme d’Etat capable de moderniser le Mali, de s’adresser à vous tous, Maliennes et Maliens de toutes les générations, de toutes les régions. Vous êtes nombreux, au Mali, comme à l’extérieur, à me faire l’honneur de penser que je peux être le prochain Président de la République. Ce grand mouvement m’a poussé à me déclarer candidat à l’élection présidentielle du 28 juillet 2013, porté par la “Coalition le Mali d’abord”. Le Mali d’abord, ce n’est pas qu’un slogan de campagne. C’est avant tout une philosophie, un état d’esprit, car je veux mettre le Mali au-dessus de tout. Pour affronter tous les défis, le Mali a besoin d’un grand rassemblement, et c’est tout le sens de ma candidature. Je l’ai voulue au-dessus des structures d’un seul parti, pour puiser ma force dans une alliance féconde de plusieurs formations et de nombreux mouvements de la société civile. J’invite d’autres partis, d’autres associations, d’autres citoyens, au Mali ou à l’extérieur, à nous rejoindre pour renforcer le puissant mouvement déjà en marche. Ensemble, avec mon «Projet présidentielle Mali d’abord », mon énergie, ma détermination, votre participation et votre enthousiasme, nous allons amplifier la formidable dynamique qui nous porte déjà, et faire en sorte que demain nous puissions enfin faire le Mali de nos rêves. C’est tous ensemble, rassemblés, solidaires, que se construira le Mali de demain. Le Mali rayonnant, le Mali créateur de richesses et de valeurs au service de tous ses fils. C’est le combat auquel je vous convie dès maintenant, à la lecture de mon projet présidentiel. Mon projet, je l’ai voulu volontariste et ambitieux, mais réaliste. Réaliste, car je veux tenir un langage de vérité. C’est à l’image de la gouvernance que je mettrai en place si les maliens me donnent leur confiance. Mon projet est axé sur le retour de l’honneur du Mali, à travers le rétablissement de la paix et de la sécurité et la réconciliation entre maliens. Le deuxième axe est le bonheur des maliens. Pour que chaque citoyen se sente heureux avec des services sociaux de base à leur portée. Le troisième axe concerne l’avenir du Mali, à travers des mesures qui permettront de bâtir une économie robuste et créatrice d’emplois dans de nombreux domaines. Enfin, mon projet propose de revisiter les institutions du Mali pour bâtir une réelle démocratie, à laquelle participeront tous les maliens. Je le dis, je le ferai, c’est mon engagement. Le Mali d’abord, pour l’honneur du Mali, pour le bonheur des maliens!”.
Il y eut entre temps trois premiers ministres (en deux ans d’exercice du pouvoir), une bonne cinquantaine de ministres, les affaires de l’avion présidentiel, deux grosses surfacturations liées aux différents marchés de fournitures d’équipements aux forces armées et de sécurité; l’abandon de Kidal et les affaires relatives à l’attribution des logements sociaux, aux engrais frelatés et aux tracteurs présidentiels. Ainsi, les rapports du VEGAL (exercices 2013-2014) posent ce constat accablant : 153 milliards de FCFA de manque à gagner au trésor public du fait de détournements ou de mauvaise gestion!
Détournez les fonds publics. Tel semble avoir été le message lancé par le “Mali d’abord” lorsque le chef de l’Etat a affirmé publiquement lors de la remise de ces rapports que le « VEGAL n’est pas un père fouettard… » Où sont passés les discours de début du mandat qui faisaient de la lutte contre la corruption et la délinquance financière le cheval de bataille des pouvoirs publics ?
153 milliards de F CFA volatilisés du fait de détournements ou de mauvaise gestion en
seulement 2 années (2013-2014).
Combien d’écoles, de centres de santé, d’infrastructures routières, d’équipements pour les forces armées et de sécurité, voire même une augmentation des salaires auraient pu être pris en charge par un tel montant bien géré? D’ailleurs, les 77% d’électeurs maliens qui ont porté leur choix sur le candidat IBK, n’avaient- ils pas l’espoir qu’une fois devenu président, il y aurait un changement notoire sur le front de la lutte contre la délinquance financière et la corruption ?
Aujourd’hui, faites un tour sur les berges du fleuve Niger à Bamako, ou encore dans certains quartiers huppés de la capitale, le constat est là : l’arrogance d’un luxe ostentatoire fait de villas et d’appartements luxueux, principal indicateur de la corruption qui sévit dans le pays. Cette exposition de richesses subites s’oppose à une paupérisation généralisée qui touche les populations maliennes. Ce qui exacerbe les tensions sociales. La situation du Mali sous l’ère IBK ? « L’insécurité, la précarité dans les affaires, l’indigence du panier de la ménagère et bien d’autres fléaux qui nous accablent quotidiennement ont pour nom : la mauvaise gouvernance dans laquelle nous ont installés ceux qui sont au pouvoir. On nous a promis le ciel, nous sommes tombés dans un gouffre profond. On nous a promis l’honneur et la dignité, pour nous servir l’humiliation et la honte. On nous a promis le paradis et nous voici aux portes de l’enfer », s’indigne Madame Tamboura Mah Keïta, présidente du mouvement des femmes du Parena. Un journaliste malien, basé à Ségou, à son explication sur la gouvernance actuelle. « Depuis ses déconvenues à l’Adema, en 2001, et son départ de ce parti, IBK a carrément tourné le dos aux réalités politiques et sociales du Mali. Malgré la création par lui d’un parti politique (le RPM), il n’a jamais été proche des populations. L’on a senti cette rupture dès la formation du premier gouvernement dirigé par Oumar Tatam Ly. Plus de la moitié des ministres était avec lui, quand il était premier ministre sous Alpha Oumar Konaré. En réalité, il a reconduit en 2013, presque une équipe gouvernementale des années 2000. C’est dire qu’il nous a ramené treize ans en arrière… ».
La gestion d’IBK irrite aujourd’hui, associations, syndicats et partis politique membres de l’opposition.
Ainsi, le bloc d’intervention populaire pour la réunification entière du Mali(Biprem) a , le 1er mars 2016, porté plainte contre Ibrahim Boubacar Keita .Une première dans l’histoire de la République du Mali ! « Notre souveraineté est maintenant déchirée, Kidal et plusieurs localités du nord sont coupés du Mali, notre sécurité est démantelée, agressions sanglantes et courantes…Notre honneur est ruiné corruption galopante, concussion grimpante, pauvreté cinglante et impunité… ». Voilà, entre autres arguments qui fondent la plainte du Biprem contre le président de la République. Celui- ci est accusé de « haute trahison » ; à cause de sa « gestion calamiteuse ».
IBK et le pouvoir…
En deux et demi de mandats, Ibrahim Boubacar Keïta n’a offert au Mali et à la population malienne, aucune infrastructure de base. Or, le chef de l’Etat continue de dépenser l’argent public pour son confort personnel. « Depuis qu’il était premier ministre, il a toujours agit ainsi. Ce qui n’était pas du goût de Konaré qui est resté cet enseignant humble et modeste. À l’opposé, IBK a toujours manifesté un grand intérêt pour le pouvoir et ses attributs. Pour lui, le pouvoir, c’est surtout les honneurs, pas les obligations et contraintes », affirme un ancien ministre qui a servi sous Moussa Traoré.
Pour nombres de ses compatriotes, le président Keïta n’a guère de souci pour les maigres ressources de l’Etat. Chaque déplacement à l’intérieur et à l’extérieur (près d’une centaine de voyages) occasionne une saignée financière importante dans un pays qui est sous assistance des partenaires.
Les « bandits armés » deviennent les invités du palais
Autre problème auquel fait face IBK : l’impasse dans l’application de l’accord de paix signé (en juin 2015) avec les groupes armés de Kidal. Lors de la campagne présidentielle le candidat du “Mali d’abord” avait merveilleusement joué sur la fibre patriotique des Maliens. Il avait rejeté toute idée de dialogue avec « les gens armés ». « Aucun bandit ne se hissera à mon niveau… On ne me trimbalera pas… ». Ce sont là, entre autres discours chocs, entendus à Bamako.
Mais après la débâcle de Kidal, en mai 2015, le chef de l’Etat changea à la fois son discours et son attitude vis à vis des groupes armés qui sont désormais appelés « nos frères… », et conviés à des banquets au palais présidentiel de Koulouba… Au grand dam des Maliens qui reprochent à IBK de faire preuve de laxisme à l’égard de la CMA (coordination des mouvements de l’azawad). Malgré la signature de l’accord, cette coordination continue de défier les autorités. Kidal reste toujours aux mains des rebelles. Ce n’est pas tout, l’Assemblée nationale vient de voter (le 31 mars dernier) la loi portant la mise en place des autorités intérimaires dans les régions du nord. Une loi décriée par l’opposition (lire l’interview de Djiguiba Keïta, PPR).
Crise économique et financière, insécurité, grogne sociale… Les problèmes s’entassent pour Ibrahim Boubacar Keïta. Mais le plus grand problème pour le chef de l’Etat, c’est sa famille, son entourage et ses alliés (alimentaires). Tous contribuent à isoler d’avantage un Président qui est totalement coupé des réalités du pays. Cet isolement contribue aujourd’hui à élargir le fossé entre Keïta et les Maliens. Conséquence : En deux et demi d’exercice du pouvoir, IBK a vu sa côte de popularité se réduire comme peau de chagrin.
CH Sylla