L’opposition avait averti par les termes suivants : « Si le projet était voté, la loi constituerait un recul démocratique parce qu’elle va conduire à substituer des organes désignés par l’administration aux conseils communaux, conseils de cercle, conseils régionaux et conseil du district, élus et dont les mandats ont été prorogés par la loi n°2015-047 du 7 décembre 2015 jusqu’à la mise en place des nouveaux organes. La loi constituerait un recul démocratique parce qu’elle va marginaliser les partis politiques dans la gestion des collectivités en ce que les autorités intérimaires ne seront constituées que de personnes provenant des services déconcentrés, de la société civile et du secteur privé ainsi que des conseillers sortants, ces derniers étant les seuls membres de l’équipe représentant des partis politiques.
Si le projet était voté, la loi consacrerait une violation flagrante de la Constitution et des lois que le gouvernement se doit de respecter. Si le projet était voté, la loi consacrerait la partition de fait du pays puisque ces mesures ne concernent que les régions du nord que sont Gao, Tombouctou, Taoudéni, Kidal et Ménaka, et la désignation des membres est faite par le gouvernement, les groupes armés et les autorités traditionnelles. L’opposition prend à témoin l’opinion nationale et internationale sur le manque de volonté politique du Président de la République et du gouvernement et leur refus obstiné d’entendre les propositions de l’opposition républicaine».
Pourtant, malgré son rejet total et sans appel, le projet de loi permettant la désignation des autorités intérimaires dans les régions nord du Mali a bien été adopté à l’Assemblée nationale par l’intégralité des députés de la majorité présidentielle. Alors que, estimant que cette loi contient tous les germes de la partition du pays, son adoption est considérée par l’opposition comme une véritable prime accordée à la rébellion. Ainsi, a-t-elle menacé de saisir la Cour constitutionnelle pour dénoncer son anti constitutionnalité.
Son argumentaire, pour la réfuter, se base sur le fait que, non seulement la loi ne s’appliquera pas à l’ensemble des régions du pays, mais aussi et surtout parce qu’elle ne permettra qu’aux seuls groupes armés de la CMA et de la Plateforme ainsi que de l’Etat, au grand dam de la grande composante de la société civile et des politiques non armés, la faculté de désigner de façon désormais légale les hommes de leur choix, comme autorités transitoires. Or le camp de la majorité se défend opiniâtrement en indiquant que le vote de ladite loi, tout en entrant dans le cadre strict de l’application des accords issus du processus d’Alger, est une nette avancée. Puisqu’elle permettra à l’Etat de recouvrer son intégrité territoriale et sa souveraineté nationale, favorisant le retour rapide de l’administration dans les régions concernées. Ce qui, selon le pouvoir, permettra aux populations de bénéficier des services de base de l’Etat qui leur manquent depuis fort longtemps. Mais était-il vraiment nécessaire, voire opportun, que le pouvoir engrange une telle épreuve de force face à l’opposition, tant la discorde dans la perception de l’esprit de ladite loi est grande entre eux ?
Une chose est de toute façon évidente, la nouvelle situation va naturellement contribuer à empoisonner davantage le climat déjà délétère entre les deux camps politiques. Lesquels, au lieu de s’unir dans la diversité idéologique pour faire face aux problèmes essentiels de développement et de sécurité, vont malheureusement continuer de se regarder en chiens de faïence. De même que le pouvoir doit désormais compter sur la mésintelligence des élus sortants (toutes tendances confondues) et des populations civiles locales (qui réfutent majoritairement la légitimité des groupes rebelles) pour appliquer la loi.
Gaoussou M. Traoré