L’agression dont a été victime Dioncounda Traoré jusque dans ses bureaux présidentiels à Koulouba, fera-t-elle l’effet d’un électrochoc sur tout ce que Bamako compte de forces armées ou pas, civiles ou militaires, politiques, associatives ou citoyennes ?
Les secouera-t-elle assez fort pour enrayer la glissade vers l’anarchie dans laquelle nous sommes engagés ? Car l’impression désespérante que nous donnons aujourd’hui est celle d’un pays qui devient fou, de décideurs qui abandonnent l’initiative à des boutefeux déterminés à rendre l’Etat ingouvernable, de forces vives qui restent sans réaction face à la nuée d’imposteurs que toute époque trouble charrie, d’une société civile parasitée par des opportunistes de tous bords qui prospèrent sur la confusion et, dans le cas d’espèce, sur un chauvinisme malsain, d’une administration et d’une justice sourdes aux appels à la haine et au lynchage lancés par des stations de radio.
Les hésitations de tous ceux qui détiennent l’autorité à prendre leurs responsabilités, ont directement ouvert la porte aux débordements de la journée de lundi dans une ville de Bamako paralysée par des bandes qui jouent un remake des « jeunes patriotes », commodément abritées derrière un paravent politique sommaire – « on ne veut pas de Dioncounda » - pour installer le désordre et prendre violemment en otage des milliers de personnes au nom desquelles elles prétendent parler. L’attaque des bureaux du président à Koulouba s’inscrit dans la même tactique d’instaurer l’ingouvernabilité, cette fois par des entités connues dont les représentants ont même été reçus en audience par Dioncounda Traoré un quart d’heure avant d’être molesté (lire l’Essor d’hier).
Que va-t-il se passer maintenant s’interroge la grande majorité des Maliens écoeurés par le désordre ? Devant l’inertie publique, chacun va-t-il se rendre justice et la rue continuer à prendre le dessus sur la République ? C’est déjà arrivé dans la soirée de lundi lorsque les jeunes des quartiers avoisinant le monument de l’Indépendance ont décidé de « nettoyer » l’esplanade des manifestants qui y campaient depuis le début du week-end. Exaspérés par le tapage incessant, les discours incendiaires et le désordre sciemment créé dans la circulation à ce carrefour important, les riverains ont entrepris de faire le ménage d’une manière musclée.
Voilà la pente insensée qu’il faut absolument inverser sans porter atteinte à la liberté d’expression et de manifestation qui fait la démocratie, ni au bouillonnement citoyen qui accompagne les soubresauts violents de l’histoire. Les opinions sont, en effet, respectables mais les moyens de les imposer peuvent l’être beaucoup moins. La république, à protéger aujourd’hui, garantit la liberté mentionnée plus haut mais la réglemente pour le bien général. L’arsenal légal est à la disposition de la puissance publique, à elle de s’en servir avec discernement.
Un discernement qu’a aussi réclamé le Premier ministre aux manifestants de ces jours derniers, en leur expliquant le caractère contreproductif et même nuisible des violences à un moment où les pouvoirs publics entreprennent de rétablir la confiance et de désembourber un pays en panne en très grande partie par sa propre faute.
Réveillons-nous à cette vérité : l’étranger - la CEDEAO en l’occurrence - a bon dos là où nous n’avons pas eu besoin « d’ingérence extérieure » pour transformer notre pays en grand n’importe quoi où le premier quidam venu peut aller, à son gré, violenter la première institution de la République dans ses bureaux super-sécurisés. Oui, il est grand temps de s’éveiller à ce que nous sommes devenus.