Une coalition de forces conduites par les Etats-Unis a lancé une vaste campagne militaire visant à déloger l’Etat islamique (E.I ou Daech en Arabe) des territoires qu’il occupe, aussi bien en Syrie qu’en Iraq. Ce qui accroit les craintes de voir cette vague criminelle, que représente l’EI, se déverser dans le bassin libyen et déborder jusqu’au Mali.
Lors de leur rencontre du jeudi 21 mars dernier à Washington, les présidents Obama et Hollande se sont félicités du recul de Daech grâce aux frappes de la coalition. Tout en réaffirmant leur détermination à œuvrer pour la stabilité en Iraq, en Syrie et en Libye.
Les conséquences pour le Mali
Les services secrets français et américains, selon les agences Reuters et AFP, ont détecté des mouvements de terroristes depuis les zones de l’EI et de Boko-Haram en direction de la Libye. Pays dont le gouvernement d’union nationale ne détient aucun pouvoir sur les groupes armés dont plusieurs sont à caractère terroriste. Pour ce faire, les deux chefs d’Etat américain et français ont affirmé qu’il faudra soutenir ces autorités libyennes reconnues par la communauté internationale, afin d’éviter que les jihadistes fassent de la Libye une nouvelle « base à l’avenir » après leur probable éviction des territoires qu’ils occupent actuellement au Moyen-Orient. Puisque l’EI a une stratégie expansionniste, si cette situation devrait exister (les probabilités sont réelles), elle se révélerait calamiteuse pour le Mali. Etant donné que notre pays est confronté à une crise majeure pouvant lui coûter son intégrité territoriale.
Pour se préparer à affronter un tel scénario, il nous faut une armée unifiée. Une armée qui intègre les différentes forces et états-majors en conflit dans le Nord et surtout qui inspire à chacun de ses soldats le sentiment d’appartenir à un seul pays. Mais pour y parvenir, il faut l’aboutissement rapide et entier du processus DDR. Ce processus dont la réussite constitue le gage de l’armée forte dont le Mali devra se doter afin d’affronter un ennemi plus redoutable que Mokhtar Belmokhtar et ses franchises. C’est-à-dire l’EI qui, acculé depuis des mois et en perte de vitesse dans les territoires qu’il occupe en Syrie et en Iraq, semble déménager en Libye. Que pourra-t-on faire contre ces tueurs si nous en sommes encore à débattre de comment installer les autorités dans le Nord ? .
Le bienfondé de la loi sur les autorités intérimaires
Le succès du processus DDR est assujetti à l’aboutissement des négociations inter-maliennes dont le point phare reste la gestion politico-administrative de notre Septentrion. Sans sa résolution, il serait difficile de progresser dans l’application des accords de paix avec sincérité et en toute confiance pour les différentes parties. C’est en cela que le vote du jeudi 31 mars trouve toute sa place. Elle permet de doter notre septentrion des hommes par qui le pouvoir d’Etat devra s’exercé pour un retour plein et entier de l’administration. Ainsi, le pouvoir régalien se manifesterait avec acuité dans cette zone. Pour diriger un véhicule à sa guise, il sied de se trouver à ses commandes. Un mauvais accord vaut mieux qu’un bon procès, dit le dicton. La réalité est que le pouvoir de Bamako n’est pas maître suprême du Nord. Quand on est face à une situation difficile, il faut agir avec les moyens dont on dispose. Si la loi votée permet le redéploiement du pouvoir étatique dans le Nord, il faut s’en contenter. Elle pourrait être meilleure.
Ainsi sont faites toutes les lois. D’où la présence dans toute constitution de mesures correctives par le biais d’amendements car les vérités d’aujourd’hui ne sont pas forcement celles d’hier. S’il y a des limites, il faut s’organiser pour y remédier une fois la situation du pays stabilisée, car c’est ce qui est en jeu en ce moment. Sinon, nous risquerons de subir les forces terroristes au mieux de leur forme tandis que nous serions au pire de la nôtre.
Les certitudes de voir la Libye servir de future base de l’EI
Si la sincérité de la détermination des présidents Obama et Hollande peut être ressentie en Iraq et en Syrie, il n’en est pas de même pour la Libye.
A analyser les propos de François Hollande au sujet de la Libye lors de cette rencontre bilatérale avec son homologue américain, organisée en marge du sommet sur la sécurité nucléaire, on ne peut qu’être perplexe. Car son engagement ne se limite qu’à plaider pour que les grandes puissances « accordent une pleine reconnaissance au gouvernement d’union nationale formé sous l’égide de l’ONU et fassent tout pour que la stabilité soit la priorité». Quand on sait que cette situation émane de la France qui a tourné le dos au chao qu’elle a créé avec le renversement de Kadhafi, et qu’elle n’entreprend aucune action militaire sur le terrain pour stabiliser le gouvernement d’union nationale, malgré l’afflux de jihadistes venus du Moyen-Orient et des zones de Boko-Haram, on ne saurait accorder aucun crédit à «l’engagement» du Président français quant à la Lybie. Couplé au fait que les Américains se seraient jurés de ne plus jamais intervenir militairement sur le sol africain depuis l’humiliation subie en Somalie dans les années 90, une seule conclusion s’impose alors ; la Libye est fortement prédisposée à devenir le nouveau territoire de l’EI et de Boko-haram.
Que le scénario-catastrophe se produise en Libye ou pas, il nous faut veiller à vite installer nos autorités intérimaires consensuelles avant de s’y retrouver. Et pas seulement. Il le faut, surtout, pour nous sortir de cette crise qui n’a que trop duré afin de renouer avec la normalité. Economisons toutes nos forces pouvant retarder ce processus pour les investir dans beaucoup plus noble.
Abdoulaye KONATE