Dans une tribune diffusée sur maliweb.net du 21 mars dernier, Dr Makan Diallo, cet avocat émérite inscrit au barreau de Paris et de Bamako, a fait une analyse sans complaisance de la plainte du BIPREM FAsoko. En vrai professionnel du droit et patriote convaincu, Me Diallo a su éclairer la lanterne des lecteurs et internautes avides de s’informer mais bien Lisez plutôt l’intégralité de cette contribution de qualité
A entendre certains, le Bloc d’Intervention Populaire et Pacifique pour la Réunification Entière du Mali- Fassoko, en « portant plainte » contre le Président de la République devant la Haute Cour de Justice, a commis un crime de lèse-majesté. S’en est suivie une véritable levée de boucliers des partisans d’IBK. Que d’avalanches « d’amabilités », de propos peu amènes à l’endroit de ce mouvement qui a osé mettre en cause la gestion de l’actuel locataire de Koulouba. L’on fustige ce « sacrilège », l’on s’indigne à tout va, l’on rivalise dans la condamnation etc. On tire à boulets rouges sur cette association, chacun avec ses arguments. Des tirs groupés venant de thuriféraires, de laudateurs du régime et autres analystes politiques à la petite semaine pour dire tout le mal qu’ils pensent de cette démarche, et brocarder à l’envi ses initiateurs qualifiés de pas sérieux et de fauteurs de troubles.
L’acte du BIPREM donne du grain à moudre
L’acte du Biprem donne du grain à moudre aux uns et aux autres ; c’est le moins qu’on puisse dire. Mais, il soulève également un vrai débat politico- juridique quant au statut du Président de la République notamment sa responsabilité dans l’exercice de ses fonctions mais également l’étendue et les limites des droits des citoyens face au pouvoir. Et c’est là à mon avis, l’intérêt d’une telle démarche mettant à nu les insuffisances et lacunes de notre pratique démocratique. Toute chose qui permettra d’innover et de corriger dans le sens d’un meilleur exercice du pouvoir politique et démocratique.
L’expression « maladroite » d’un ras le bol………
Provocation ? Geste de dépit ? Ou simplement reflexe citoyen ?
Il est clair que le Biprem a osé, une première dans l’histoire politique du Mali et qui, au-delà de toute passion, invite à la réflexion. Pourquoi en est-on arrivé là ?
La réponse à cette question permettra de comprendre certainement les motivations de ce plaignant d’un genre nouveau. Mais déjà à l’analyse deux évidences s’imposent :
1.Le Biprem n’est pas légalement fondé à saisir la Haute Cour de Justice pour une quelconque plainte contre le Président de la République. A ce niveau, les choses sont claires, et la plainte ne pouvait qu’être déclarée irrecevable. En la forme, la plainte du Biprem pêche à plusieurs niveaux. D’ailleurs, d’éminents juristes se sont penchés sur la question à la lumière de notre loi fondamentale et des textes subséquents. Mais au-delà, quid des griefs reprochés par le Biprem, au Président de la République ?
2.La pertinence des griefs formulés dans la plainte du Biprem mérite qu’on s’y attarde. Les faits évoqués sont d’une gravité extrême. Depuis un certain temps, les scandales se suivent et se ressemblent avec comme dénominateur communl’IMPUNITE(surfacturations liées à l’achat de l’avion présidentiel, celles dans l’achat des équipements militaires, le scandale des engrais frelatés entre autres). Des dizaines de milliards de nos francs se sont évaporés, des personnalités et proches collaborateurs du Président de la République sont cités, des enquêtes sont ouvertes et malheureusement aucun résultat, aucune sanction. Bien au contraire, ces malfrats de la république sont à la limite protégés.
Dans le Mali démocratique, les choses sont tout autres
La plus lourde des sanctions étant le limogeage, sinon les mis en cause sont juste mis au garage, le temps que l’orage se passe, ou changent de poste tout simplement. Certains sont même promus, un pied de nez à l’endroit de tout un peuple ! En trois petites années d’exercice du pouvoir, il y a eu trop de scandales pour ne pas s’en inquiéter.
En théorie dans le Mali démocratique, les citoyens disposent de moyens pacifiques, démocratiques et légaux pour se faire entendre, même si dans la pratique, les choses sont tout autres. En cela, le curseur démocratique sous nos tropiques est d’une fébrilité incroyable provocant très souvent des heurts entre gouvernants et gouvernés dans l’exercice du pouvoir.
La gouvernance d’IBK en cause
En l’espèce, c’est la gouvernance d’IBK qui est en cause et un groupe d’individus a voulu le lui faire savoir à travers le dépôt d’une plainte. Pour paraphraser l’écrivain Martiniquais Aimé Césaire, le Biprem apparait ici, comme la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, sa voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cahot du désespoir.
En tant que premier responsable, chef de l’Etat avec toutes les prérogatives liées à cette fonction, ne pas agir face à de telles forfaitaires du reste répétitives, il est clair que IBK prête le flanc à la critique…… Que dis-je ?
Plutôt IBK se rend complice par sa passivité et son inertie, mais aussi par la même occasion se donne en pâture. « Qui peut, n’empêche pèche », un principe simple en droit pénal qui s’applique en l’espèce. En ne sévissant pas comme il se doit, le Président de la République engage sa responsabilité ! Donc qu’on ne soit pas surpris après, que « n’importe qui » se permette « n’importe quoi » !
Qui fait mouche malgré tout.
Le Biprem en portant plainte contre IBK devant la Haute Cour de Justice savait pertinemment qu’une fin de non-recevoir l’attendait. Que jamais IBK ne serait inquiété pour de telles « peccadilles » venant d’agités et de « Hassidis », prêts à tout pour le déloger. Néanmoins, ce fut un acte politique majeur et magistral de la part du Biprem sous une armature faussement juridique. Le politique leur importait plus que le juridique. L’objectif, c’était de faire le buzz, et à ce niveau, le Biprem a réussi son coup. IBK n’a pas été traduit devant la Haute Cour de Justice et ne le sera pas. Mais, cette plainte a le mérite de secouer le cocotier, d’attirer l’attention de l’opinion sur les errements du régime actuel et même d’un point de vue pédagogique, de poser la problématique liée à la saisine de la justice en cas de forfaiture des gouvernants. L’existant étant perfectible en termes des droits du citoyen, mais aussi par rapport à l’exclusivité du mode de saisine qui porte en lui ses propres limites, le débat doit s’ouvrir.
D’autres associations vont-elles lui emboiter le pas ?
Pas peut être de cette manière, avec l’irrecevabilité de la plainte et le rappel par des sachant, des textes de lois qui régissent la matière. Mais avec cette première, des enseignements doivent être tirés afin de parfaire notre architecture institutionnelle. Le Président est là, parce que le peuple l’a voulu ainsi ! Il lui est redevable. En cas de forfaiture, cette même faculté doit permettre aux citoyens, en plus des archétypes politico institutionnels d’être acteur du jeu, d’avoir son mot à dire pour ne pas dire, le dernier mot. C’est en cela que nos dirigeants sauront se comporter en véritables responsables et agiront en conséquence selon la volonté du peuple souverain.
Ne pas cacher le soleil avec nos mains
N’essayons pas de cacher le soleil avec nos mains. Les faits sont têtus et les polémistes de tout bord doivent tenir avec courage et abnégation, le langage de la vérité pour l’intérêt de la nation malienne. Le Mali de ses dernières années a subi beaucoup de torts de la part de certains de ses fils pour que nous continuions davantage à louvoyer. Le temps est à l’action, et surtout à l’action citoyenne ! Comme dirait l’autre « celui qui combat peut tout perdre, celui qui ne combat pas a déjà tout perdu ».
Biprem versus IBK, un scenario dont le Mali se serait bien passé en ces temps d’incertitudes et d’épreuves de toutes sortes. Mais hélas !
NB : Le chapô est de la rédaction
Makan DIALLO, Docteur en Droit Privé
Avocat aux barreaux de Paris et du Mali