Dans l’entretien qu’il nous a accordé, Pérignama Sylla aborde la gestion des démocrates de notre pays, la réhabilitation de l’ex-dictateur Moussa Traoré, l’occupation de notre pays par la France. Pérignama Sylla n’est pas un inconnu du landerneau politique malien. Il fut responsable de l’UNEEM. Contraint à l’exil par le régime de Moussa Traoré, il dépose ses valises à Dakar, où il fréquente l’Ecole d’architecture et d’urbanisme de cette ville. A la fermeture de cet établissement, il part à Lomé où il décroche un diplôme en architecture et en urbanisme.
Acteur du Mouvement démocratique, après la chute de Moussa Traoré, il crée avec ses camarades le PARENA. Après des problèmes internes au sein de ce parti, il se retrouve avec Yoro Diakité pour fonder le BARA. Parti qu’il quitte lorsque son président apporte en 2013 son soutien à la présence française dans notre pays. C’est à la faveur du coup d’Etat du 22 mars 2012, que Pérignama Sylla devient secrétaire général du Mouvement populaire du 22 mars (MP-22) favorable aux militaires qui ont renversé le général ATT. Ce mouvement mène des actions pour que la France quitte notre pays. En dehors de ces activités politiques, il dirige le cabinet d’architecture et d’urbanisme Agence Arno.
L’Inter de Bamako : Quel bilan tirez- vous des 25 ans de la démocratie malienne ?
Pérignama Sylla : Le bilan que je tire de 25 ans de démocratie, est un bilan mitigé. D’une part, il y a le système démocratique lui-même qui bien qu’ayant connu des avancées notables reste à parfaire sur bien des plans.
Sur le plan de l’éducation, de la santé et des infrastructures routières, beaucoup de choses ont été accomplies malgré la longue période de stagnation voire de dégradation de 1968 à 1991 !
Le vrai problème de notre période démocratique actuelle est constitué par le développement dans des proportions effrayantes de la corruption dans laquelle se plaisent les plus hautes autorités du pays. On a l’impression qu’elles l’encouragent même.
Est- ce que la déclaration du président de la République IBK qualifiant l’ex- dictateur, Moussa Traoré, de grand républicain, n’a pas remonté le moral des anciens responsables de l’ancien parti unique, l’UDPM, à le réhabiliter par la publication d’un livre faisant l’éloge de son régime ?
Pérignama Sylla : Sans aucun doute, cette déclaration fracassante qui n’honore pas le président IBK, et encore moins notre démocratie chèrement acquise au prix du sang de centaines de nos compatriotes a donné des ailes aux udpémistes qui oublient allègrement que sous leur règne les rues de la capitale, la Vitrine de notre pays ressemblait plutôt à un champ de carrière dans lequel les conducteurs ne pouvaient pas éviter les trous mais choisir ceux dans lesquels ils pouvaient rouler, pour limiter les dommages faits à leur moyen de locomotion selon une célèbre formule de Jeune Afrique de 1991.
Cette réhabilitation de Moussa Traoré ne constitue- t- elle pas à vos yeux un échec du Mouvement démocratique et une insulte à la mémoire des victimes des événements de mars 91?
Pérignama Sylla : Ecoutez, cette réhabilitation de Moussa Traoré est l’œuvre cumulée des présidents Alpha Oumar Konaré, Amadou Toumani Touré et d’Ibrahim Boubacar Keita, ce dernier par ses déclarations fracassantes ne fait qu’étaler ses propres limites et avouer aux Maliens et à la face du monde le peu de cas qu’il fait de la démocratie !
D’une certaine manière, le 26 mars 1991 est celle de l’échec de la démocratie car l’intervention des militaires sur la scène politique fut un aveu de faiblesse du Mouvement démocratique qui voyait la plénitude du pouvoir lui échapper. Il fut donc- le Mouvement démocratique- obligé de composé avec les militaires et certains courants moussaïstes.
La gestion des démocrates sincères et patriotes convaincus a placé le Mali, depuis janvier 2013, date à laquelle l’opération Serval a mis pied sur notre sol, sous tutelle française, que préconisez-vous pour que notre pays sorte de cette situation humiliante ?
Pérignama Sylla : En parlant de «démocrates sincères et patriotes convaincus», je crois que vous faites de l’humour noir, dénigrant ainsi même involontairement les révolutionnaires qui ont payé de leur vie la victoire contre le régime sanguinaire de Moussa Traoré.
Certes, le président intérimaire Dioncouda Traoré, président intérimaire de la CEDEAO et donc de la France qui manipulait cette organisation à travers son président en exercice Alassane Dramane Ouattara et d’autres chefs d’Etat à la botte de la France, en signant une lettre illégale en janvier 2013 qui autorisait le colonisateur français à faire débarquer ses troupes d’occupation sur le sol sacré de notre pays, nous a mis dans un état de servage face aux impérialistes français qui sont aujourd’hui en train de voler les ressources minières dans le nord de notre pays sous l’œil complaisant et complice du Conseil de sécurité des Nations unies.
Face à cette situation, il y a deux solutions possibles. Ou un gouvernement au service de la nation et non des intérêts français demande le départ immédiat et sans condition des troupes coloniales françaises ou le peuple lui-même se saisit de la question en lui apportant la solution appropriée par les voies et moyens qui lui conviennent.
Quel rôle, selon vous, la France a joué dans la crise malienne ?
Pérignama Sylla : Le rôle que la France a joué dans la crise malienne, est connu aujourd’hui de tous les Maliens. Elle a initié la rébellion MNLA qui visait à la partition de notre pays. Sur ce plan, elle a été désavouée par la communauté internationale qui n’a pas voulu reconnaître la prétendue République de l’Azawad parrainée par la clique criminelle des dirigeants français !
C’est elle qui a parrainé toutes les résolutions des Nations unies sur le Mali mettant fin aux désillusions des apprentis politiciens maliens qui croyaient que les Nations unies allaient faire la guerre à la place du Mali pour son intégrité territoriale, chose jamais vue nulle part depuis la création de cette organisation en 1945.
Enfin, last but not the least, la France a fait signer un accord dit «accord d’Alger» par le gouvernement d’Ibrahim Boubacar Keïta qui menace gravement les fondements unitaires de la République.
Qu’est-ce que les Maliens doivent faire pour chasser les forces d’occupation ?
Pérignama Sylla : Pour chasser les forces d’occupations, les Maliens doivent se mobiliser. Il y a deux possibilités. La première, c’est d’exiger du Parlement et du gouvernement de chasser immédiatement les troupes françaises.
Au cas où cette voie s’avérerait inopérante, c’est de chasser le Parlement, le gouvernement et les troupes françaises ensemble.
Quel message à l’endroit du peuple malien ?
Pérignama Sylla : Le message que j’ai à l’endroit du peuple malien est celui-ci : le monde entier est en crise. La France plus que beaucoup d’autres pays dits développés ! C’est pourquoi les élites françaises se rabattent sur le Sahel pour se faire leur beurre sur nos immenses ressources minières en maintenant nos différents pays dans la misère de l’exploitation impérialiste !
Leur présence militaire dans notre pays pour soit disant nous protéger du terrorisme n’est que pur cynisme car elle entretient elle-même le terrorisme pour pouvoir justifier sa présence militaire aux yeux d’une catégorie d’hommes politiques corrompus et incompétents !
Il est connu de beaucoup de Maliens que la France est en train de voler nos ressources minières au Nord ! Pour la paix, l’unité nationale et le développement, levons-nous comme une seule personne et boutons l’armée française hors de notre pays. Les attaques du Radisson Blu à Bamako, de Ouagadougou et de Grand Bassam prouvent si besoin en était, que les français ne sont pas des super hommes et qu’ils ne peuvent protéger ni eux-mêmes ni personne contre le terrorisme.
Seule une armée nationale forte peut nous protéger contre le terrorisme et toutes les autres menaces sécuritaires asymétriques.
Propos recueillis par Yoro SOW