A Tombouctou, du 5 au 7 avril 2016, nous avons constaté de visu à travers des patrouilles et des rencontres avec des responsables militaires des FAMAS et de la MINUSMA, l’évolution de la situation sécuritaire sur le terrain. L’objectif de cette visite, organisée par la MINUSMA était de permettre aux hommes de médias d’avoir un aperçu réel des activités de la mission onusienne au Mali et d’interagir avec les Casques Bleus qui opèrent pour la sécurisation et la stabilisation du nord Mali. Il ressort du constat que malgré la présence des FAMAS, de la MINUSMA et même des forces de l’opération Barkhane, la situation sécuritaire dans la cité des 333 Saints reste très précaire comme en témoignent l’enlèvement la semaine dernière d’une ambulance du CSRF de la ville et les récurrentes attaques des forains par des bandes armées. Reportage !
Patrouilles mixtes MINUSMA, Police et garde nationales du Mali
Dans la nuit du mardi 5 avril 2016, les hommes de médias, composée de quatre journalistes, avaient rendez-vous avec la police de la MINUSMA (UNPOL), la Police et la garde nationales du Mali pour une patrouille nocturne à travers la ville de Tombouctou. Et cela de 22 heures à 2 heures du matin. Cette patrouille conjointe qui se fait chaque nuit et conduite par les Forces de Défense et de Sécurité du Mali, entre dans le cadre de la mission régalienne de défense des populations pour le maintien de l’ordre public. Vue la situation précaire qui sévit dans la ville des 333 Saints, cette patrouille joue aussi un rôle de dissuasion pour d’éventuelles menaces djihadistes ou d’autres bandits armés et permet également de rassurer la population face à cette situation imprévisible de Tombouctou. Selon les responsables de la patrouille, il leur arrive souvent de faire des interpellations. La population, comme en témoigne M. Amadou Maïga du village de Kabara, salut cette initiative conjointe des forces de Défense et de Sécurité Malienne avec les éléments de la MINUSMA.
En plus de cette patrouille de la MINUSMA à Kabara dans la matinée du 6 avril, la délégation a suivi une autre surveillance la même journée à Kouriomé, toujours avec UNPOL. Ainsi dans ce village, le Sergent Amadou Kanté des FAMAS, nous a fait savoir que la population composée, surtout de Bella et de Touareg, vit en parfaite symbiose. Il a indiqué par ailleurs qu’il n’y a pas eu d’attaques dans la localité depuis son arrivée, il y a de cela plus de 4 mois. Il a en outre salué la bonne collaboration qui existe entre les FAMAS et les Forces de la MINUSMA en termes d’échanges d’informations. Mais il faut dire que malgré ces multiples patrouilles, la situation sécuritaire à Tombouctou reste problématique.
Tombouctou fait face à des menaces malgré un calme précaire
Le colonel Oumar Diarra, commandant du Secteur 3, de la zone N°5 et de la 5ième région militaire, nous a, au cours des échanges, brossé la situation sécuritaire, les directives du Commandement hiérarchique, les acquis et les perspectives de leur mission. Pour le Colonel Diarra, la situation sécuritaire à Tombouctou est calme dans la mesure où il n’y a pas d’affrontements entre les groupes armés et les Forces de Défense et de Sécurité du Mali depuis la signature de l’Accord de Paix et de Réconciliation. Néanmoins, reconnait-il, il existe des menaces qui se traduisent par des propagandes et des attentats terroristes comme celui du 5 février 2016 à l’entrée de la ville de Tombouctou, en provenance de l’aéroport. Pour lui, la sécurité et la défense de l’ensemble du territoire reviennent d’abord à l’Armée malienne, les Forces Barkhane et la MINUSMA ne venant qu’en appui. L’autre menace à la quiétude de la population de Tombouctou, reste les engins explosifs comme les mines. A cela, il faut ajouter le banditisme avec son lot d’enlèvement de véhicules qui revêt aujourd’hui un aspect commercial en vue du cantonnement prochain des groupes armés. Comme autres difficultés dans le maintien d’ordre dans la ville des 333 Saints, le Colonel Diarra, soulignera la floraison un peu partout des sites de regroupement des combattants des mouvements armés dits signataires de l’Accord de Paix et de Réconciliation. Ainsi, selon notre interlocuteur, il n’est pas facile de contrôler la situation, car chacun essaye de se regrouper avec ses clans. Il reconnait sans ambages que la région de Tombouctou n’est pas sous contrôle des FAMAS dans la mesure où leur présence se limiterait à quelques endroits à environ 15 km autour de la ville. Cette situation s’explique par l’immensité de la frontière de la région avec des pays comme la Mauritanie et l’Algérie et aussi par le manque de prévisibilité des groupes armés.
Comme directives de la hiérarchie, le Colonel Diarra ajoutera le respect de l’Accord, du cessez-le-feu, l’appui au redéploiement de l’administration, la facilitation du retour des réfugiés et des déplacés et la formation continue des hommes. Le premier responsable de la 5ième région militaire du Mali saluera aussi la bonne collaboration avec les forces partenaires comme la MINUSMA.
Comme acquis, il soulignera, le redéploiement des FAMAS dans certaines zones d’avant 2012 et leur autonomie à faire des opérations. «Il y a beaucoup d’amélioration en termes d’équipements car, chaque militaire sur le terrain a aujourd’hui un gilet par balles, un casque, une ration alimentaire de 1500 FCFA et 50.000 FCFA de prime de terrain, en plus de leur salaire ». Parlant des perspectives, le colonel Diarra, souhaite un déploiement plus large des FAMAS sur le terrain et plus de moyen dans le cadre de la mise en œuvre de la Loi d’orientation et de programmation militaire.
L’appui aérien de la MINUSMA
Dans le super Camp de la MINUSMA où nous étions logés avec le contingent Salvadorien chargé de la conduite des hélicoptères, notre délégation a eu droit à un briefing sur le personnel, les réalisations et les défis de l’opération. Ainsi, selon le Major Allemand, son unité compte 90 personnes pour la Force aérienne et navale qui viennent en soutien dans le secteur ouest à savoir Tombouctou, Mopti et Ségou. Et cela pour contrer les attaques contre la population, pour légitime défense, soutien de feu, démonstration de force, escorte aérienne, vol de surveillance, de reconnaissance, de recherche de personne, d’évacuation médicale et de vol tactiques. A ceux-ci, il faut ajouter l’aspect recueil d’informations, de prise de photos et d’exploration d’endroits inconnus. Ces hélicoptères, au nombre de 3 volent 400km/h et ont fait au total 1000 heures de vol sur 350 sorties en un an. Comme difficultés, le Major Allemand évoque le climat changeant, l’environnement et l’étendue du territoire à contrôler.
Les Forces militaires Onusiennes en présence
Là, le lieutenant-colonel Sylvain de Pontavice, un des responsables du Secteur Ouest, dont Tombouctou, la ville mystérieuse fait partie, reconnait que la cité n’est pas facile à sécuriser. Il nous apprend la présence de trois régions d’infanterie à savoir : deux burkinabés et une togolaise avec 4 compagnies de 160 personnes. S’y ajoute l’escadron de renseignement du contingent suédois avec des drones supers équipés pour faire le travail de jour comme de nuit, la compagnie d’appui aérien salvadorienne, le personnel soignant composé de 80 agents de santé sont là pour la prise en charge médicale de l’équipe de la MINUSMA. Il y a aussi la compagnie de communication et de transmission, composée du contingent du Bangladesh, l’équipe cambodgienne de déminage des engins explosifs et la police militaire égyptienne. A retenir que le Super Camp où est logé tout cet arsenal militaire est gardé par la force libérienne.
Quant au suédois, le colonel Torbjorn Larsson, commandant du secteur ouest, il nous a signalé de passage que les forces onusiennes tentent d’aider chaque jour Gouvernement et mouvements armés à respecter leur engagement pour faire avancer le processus de paix.
Rappelons que ces forces en présence ont pour missions entre autres de sécuriser les camps, les sites de cantonnement et ceux de la MINUSMA. Elles participent aussi à leur construction et escortent des convois de personnalités de l’ONU et des ONG. Ces forces effectuent également des patrouilles de longue ou courte durée et d’autres opérations au bénéfice de la population. Parmi celles-ci nous pouvons citer, Gergovie, Laura et l’opération Isabelle qui est en cours en liaison avec les FAMAS dans la zone du Goundam, l’opération Patience du mois de mars dans le Gourma et Sophia du mois de mai prochain. Le tout, pour traquer les groupes terroristes comme AQMI, le Front de libération du Macina et Al-Mourabitoune qui opèrent jusque-là dans la zone.
Les trois groupes terroristes de la zone
AQMI compterait entre 40 et 80 combattants qui auraient des liens familiaux et financiers avec des arabes Berrabiches et le groupe Ansar Dine et disposerait d’une zone de refuge au nord du 47è parallèle. Ce groupe détiendrait 3 otages dont un suédois, un sud-africain et un suisse. Quant au front de libération du Macina d’Amadou Kouffa, il disposerait de près de 200 combattants repartis sur les régions de Mopti et de Ségou. Ces éléments seraient en grande partie d’origine peulh et se déplaceraient en petits groupes de 10 à 20 individus, surtout en motos. Le groupe Al-Mourabitoune, quant à lui, est actif dans la région de Gao, Tombouctou et au nord du Niger. Une partie de ses combattants sont liés financièrement au trafic de stupéfiants. L’organisation dispose également de contacts en Tunisie, en Libye, au Soudan, ainsi qu’en Égypte avec le Groupe des partisans de la maison sacrée et au Nigeria avec Boko Haram. Le 20 novembre 2015, le groupe a revendiqué l’attentat de l’hôtel Radisson Blu de Bamako qui a fait une vingtaine de morts. [Il compterait aujourd’hui encore entre 500 à 800 hommes. [
A retenir aussi que le groupe de journalistes, guidé par M. Piergiorgio Paglialonga chef du bureau de l’information publique de la Minusma de Tombouctou, était composé de M. Boubacar Keita dit Foukin de la Radio «La voix du Citoyen», de Amadou Sidibé de «Les Echos», de Aguibou Sogodogo du «Le Républicain» et votre serviteur Dieudonné Tembely du journal «InfoSept».
En définitive, le constat est clairement établi que les forces de la MINUSMA, malgré qu’elles disposent de moyens militaires, ne sont pas là pour faire la guerre aux terroristes et que les FAMAS, qui doivent le faire, manquent, entre autres de moyens aériens pour mener cette guerre. Et, la force Barkhane, bien que équipée semble ne pas maitriser le terrain qui reste tout de même vaste et difficile d’accès en plusieurs endroits. Quant aux trois groupes terroristes, ils opèrent, souvent avec la complicité de la population locale dans leurs zones de refuge.
Comme quoi, la mission semble être impossible pour les Forces de sécurité en présence dans ce secteur. Alors, pour faire cette guerre aux terroristes et sécuriser la zone et au-delà le Mali, vivement un mandat robuste de la MINUSMA.
Dieudonné Tembely