Les députés de l’Assemblée nationale vont devoir se pencher sur l’éventualité de poursuites contre l’ancien président Amadou Toumani Touré. Le gouvernement malien a demandé que des poursuites pour « haute trahison » soient engagées contre l’ex-président, accusé d’avoir « laissé le nord du Mali tomber aux mains de groupes armés ». Au cours de cette session parlementaire d’avril, les 15 membres de la commission mise en place à cet effet rendront public leur rapport et leurs résolutions. Mais en attendant, la question divise les députés.
C’est l’un des dossiers très attendus de la session parlementaire. Chassé du pouvoir en mars 2012 par un groupe de militaires, Amadou Toumani est accusé d’avoir « facilité la pénétration et l’installation des forces étrangères sur le territoire national, notamment en ne leur opposant aucune résistance ». C’est ce qu’a indiqué le gouvernement malien dans un communiqué publié en décembre 2013.
C’est donc sur saisine du gouvernement que le parquet de la Cour suprême du Mali a demandé à la Haute Cour de Justice d’engager des poursuites pour « haute trahison » contre l’ancien président. Une commission parlementaire de 15 membres a été mise en place à cet effet. Celle-ci devra statuer sur l’éventualité de poursuites contre l’ex-président ATT.
Les résultats des réflexions de cette commission et des investigations menées devraient être rendus publics au cours de la session d’avril. La question divise les députés, mais aucun d’eux ne veut se prononcer sur le sujet. « Attendons le rapport de la commission et les résolutions... », a déclaré un membre de la commission qui n’a pas souhaité se réagir sur le sujet.
En attendant l’ouverture des débats à l’Assemblée nationale, la question crée des clivages au sein de l’opinion publique qui est partagée entre partisans et opposants aux poursuites contre l’ancien président Amadou Toumani Touré.
Certains observateurs pensent que la question d’éventuelles poursuites contre l’ex-président malien ATT reste « complexe ». Selon Me Amadou Tiéoulé Diarra, sur le plan du droit pénal pur cette décision pourrait faire long feu. Il juge que la notion de la haute trahison est une question dépassée dans certains droits aujourd’hui.
Me Amadou Tiéoulé Diarra est avocat au Barreau malien, chargé de cours de cours à l’Université de Bamako. Il a été joint par Fatoumata Togola :
« La commission d’enquête certainement c’est pour édifier l’Assemblée nationale. C’est l’Assemblée nationale, en bloc tous les députés, qui votent la décision de mettre un ancien président en accusation pour haute trahison. Et une fois la personnalité qui a géré le pays (président de la République ou encore toute autre personnalité mise en accusation) à ce moment la Haute Cour de Justice peut statuer sur son cas. Si on veut juger le président ATT pour haute trahison, c’est assez complexe, pour la simple raison qu’un candidat indépendant en première année qui est réélu en 2007 avec évidemment le soutient de 45 partis politiques et dont les représentants ont siégé dans le gouvernement, et donc la volonté commune exprimée sur toutes les questions. Alors, vous voulez le mettre en accusation pour haute trahison, comme si le président de la République prenait à lui seul les décisions personnelles. C’est là où le bas blesse pour notre cas. Si on prend en compte effectivement les amertumes que les uns et les autres avaient contre ATT, ils vont avoir sa tête. Car les amertumes personnelles entre en ligne de compte évidemment dans ce dossier là. Sur le plan du droit pénal pur, je pense que vraiment ça ne devrait pas prospérer. C’est à moins que l’on ne cherche des poux dans sa tête ».