TOMBOUCTOU (Mali) - "Aujourd`hui à Tombouctou, tous les
Arabes et tous les nomades (les Touareg, en rébellion depuis des années contre
le gouvernement de Bamako) sont des jihadistes!", hurle un grand jeune homme
en jean et tee-shirt.
L`heure des comptes semble avoir sonné à Tombouctou: des centaines
d`habitants de la mythique cité du nord du Mali ont pillé mardi des magasins
appartenant selon eux à "des Arabes", accusés d`être "des terroristes" alliés
aux islamistes armés qui ont récemment fui la ville.
En fin de journée, des dizaines de boutiques avaient été pillées à travers
Tombouctou, reprise lundi par les soldats français et maliens sans combat, les
jihadistes qui l`occupaient depuis 10 mois ayant fui vers le Nord avant leur
arrivée. Seuls restaient les murs nus, tout le reste avait disparu.
Les esprits avaient commencé à s`échauffer mardi matin dans le quartier
pilleurs n`en a cure, occupés à se saisir de télévisions, antennes satellite,
nourriture, meubles, vaisselle, tapis, jusqu`aux portes métalliques qui
protégeaient les marchandises, démontées et emportées.
Certains se battent pour la possession d`objets, quelques-uns sont piétinés
par la foule en furie, sans grand dommage. Chaque magasin est vidé en quelques
minutes.
"Ces gens (les propriétaires des boutiques) sont les vrais terroristes, ce
sont eux qui travaillaient avec Aqmi" (Al-Qaïda au Maghreb islamique), affirme
Mohamed Dicko, 32 ans, selon qui "si on trouve des Arabes, on va les mettre à
disposition des autorités. Maintenant, c`est vrai que s`il n`y a pas
d`autorités, on va passer à l`exécution...".
L`ONG Human Rights Watch (HRW) a demandé lundi aux autorités maliennes de
prendre "des mesures immédiates" pour "protéger tous les Maliens de
représailles", évoquant "des risques élevés de tensions inter-ethniques" dans
le Nord, où la rivalité est forte entre Arabes et Touareg la plupart du temps
assimilés à des islamistes, et les Noirs, majoritaires au Mali.
Après une heure de chaos, l`armée malienne revient avec plusieurs véhicules
et des dizaines d`hommes armés. Le pillage s`interrompt, des "Vive l`armée!"
fusent de partout.
"On ne va pas laisser les gens piller. Mais il est vrai que des munitions
ont été trouvées dans certains magasins", déclare un officier malien.
La trêve sera de courte durée: les soldats ne sont pas encore repartis que
le pillage reprend avec entrain. Les militaires semblent dépassés ou
désabusés, ne réagissant pas.