Pour la première fois, le Grand Palais de Paris accueille une exposition monographique consacrée à un artiste africain. C'est au père de la photographie malienne que revient cet honneur.
Entre juillet et novembre 1906, le Grand Palais des Champs-Élysées accueillait l’Exposition coloniale de Paris où, outre déambuler dans un « village d’Extrême-Orient », le visiteur pouvait assister à des « danses exotiques », regarder du « théâtre indigène » et contempler les peintures et sculptures du « Salon colonial des beaux-arts ». Un an plus tard, en 1907, Pablo Picasso peindrait Les Demoiselles d’Avignon, inspirées comme on sait par des masques africains, révolutionnant par ce geste le monde de l’art occidental. Et pourtant, il faudrait attendre encore cent dix longues années avant que les galeries dudit Grand Palais accueillent une exposition monographique consacrée à un artiste du continent. Enfin, c’est au Malien Seydou Keïta (1921-2001) que revient cet honneur : quelque 300 tirages de ses photographies y sont présentés jusqu’au 11 juillet 2016.
Grand Palais.
L’histoire de Seydou Keïta est connue des amateurs. D’abord apprenti menuisier, il obtient de son oncle – en 1935 – un petit appareil Kodak Brownie avec lequel il prend ses premières images. Essentiellement autodidacte, il reçoit les conseils du photographe-instituteur Mountaga Dembélé et ceux du fondateur du magasin Le Photo-Hall soudanais, Pierre Garnier. « Je suis tombé follement amoureux de la photographie, et notre relation a perduré », dira-t-il plus tard. Mais quand il se lance, après la Seconde Guerre mondiale, c’est pour gagner son pain quotidien qu’il réalise les portraits que l’on admire aujourd’hui. Dans le catalogue de l’exposition, le spécialiste Dan Leers cite ainsi ses propos : « Pour moi, la photographie a d’abord été un moyen au service d’une fin. »
En 1948, Seydou Keïta reçoit de son père un espace dans la parcelle familiale de Bamako-Coura, derrière la prison centrale, où il ouvre son studio. Le succès est rapide et le Tout-Bamako se presse chez lui pour avoir son portrait en échange de quelques centaines de francs CFA. « J’ai très bien vécu de ma photographie, déclarera-t-il au marchand d’art André Magnin. Je me suis acheté une Peugeot 203 en 1952, puis une Simca Versailles en 1955 pour aller me marier à Bougouni. » Cette superbe Peugeot 203 sert d’ailleurs de « décor » sur une image réalisée en 1954 – le reflet du photographe clairement visible sur l’aile avant droite de l’automobile.
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