Considérée par certains comme partie intégrante du nord du pays et par d’autres comme étant du sud, la région de Mopti souffre de sa position géographique ambiguë. Autant victime de la crise sécuritaire que les régions voisines du nord pays, Mopti n’est pas prise en compte dans la résolution de la crise qui a détruit son artisanat, son tourisme….son économie. Qu’il s’agisse de la nomination des gouverneurs des régions de Taoudéni et de Ménaka ou qu’il s’agisse de la mise en place prochaine des autorités intérimaires ou de l’intégration des ex-combattants dans les rangs de l’armée et l’indemnisation des victimes, Mopti en a marre du flou dans lequel la maintiennent et la communauté internationale et les autorités politiques nationales. Ses élus ne décolèrent pas.
Désertée par les touristes depuis le déclenchement de la rébellion, Mopti s’est économiquement effondrée bien qu’officiellement zone sous contrôle gouvernemental. Les secteurs connexes de l’artisanat et de l’hôtellerie ne sont pas épargnés par la crise sécuritaire qui sévit officiellement au nord du pays. Mais, dans la réalité, Mopti a été et reste toujours un repaire et terrain d’action de terroristes d’Ançar Eddine et du Front de Libération du Macina. Elle reçoit régulièrement la visite des indépendantistes touaregs, qui s’y croient en territoire conquis.
Dans des commues des cercles de Youwarou, Ténenkou et Douentza, des services sociaux de base sont désertés par des agents de l’Etat non originaires de la région voire fermés. Les populations des cercles de Douentza, Ténenkou, Youwarou et Koro sont régulièrement victimes du vol de leurs biens, d’enlèvements de leur bétail ou d’attaques de forains, des services publics et d’assassinats ciblés sur des civils ou des agents de l’Etat. Les cercles de Djenné, Bandiagara et de Bankass n’y échappent guère.
Dans leurs discours, les responsables du Collectif des ressortissants des régions du nord du Mali (COREN) et certains groupes rebelles reconnaissent Mopti comme faisant partie du nord du pays, mais quand il s’agit des avantages liés à ce statut (attribution de postes de responsabilité, partage de dividendes, gestion de la crise, prise des grandes décisions…) Mopti devient région du sud. Et Mopti en a marre de grossir les rangs pour faire profiter les autres.
Ni les termes de l’accord pour la paix et la réconciliation ni la nomination des gouverneurs des nouvelles régions de Taoudéni et de Ménaka encore moins l’adoption récente du projet de loi portant mise en place des autorités intérimaires n’ont fait cas de la région de Mopti. Les postes de responsabilité confiés à des responsables d’organisations de la société civile ou de mouvements politico-militaires des régions du nord n’ont pas concerné ceux de Mopti.
Pour un élu du cercle de Douentza que nous avons approché, « Mopti en a marre de jouer les seconds rôles alors qu’on est victimes de la crise au même titre que les autres régions du nord. Il faut que nos autorités prennent leurs responsabilités et nous situent par rapport à cette crise. », Un autre responsable de l’Association Ginna Dogon et ressortissant du cercle de Bandiagara s’en offusque également : « nous sommes révoltés par plusieurs faits dont la non prise en compte de la région de Mopti dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation ainsi que des décisions qui en ont découlé comme la mise en place des autorités intérimaires et la non nomination des gouverneurs des nouvelles régions dont Douentza et Bandiagara si tant est que Mopti est bien entité du nord. »
La question dérange et crée le malaise au niveau également de la Coordination des associations des cercles de la région de Mopti et les associations communautaires comme Ginna Dogon et Tabital Pulaaku, qui estiment ne pas être associés au processus de sortie de crise. Pour le moment, l’on priorise certes la prise en compte des victimes de la région dans le programme de reconstruction et d’indemnisation, mais l’on voit mal le trop peu d’importance accordée aux cadres et élus de la région.
Les députés de la région ne sont pas en reste. A leur demande, une délégation du gouvernement de la République composée de 4 ministres (Zahaby Ould Sidi Mohamed, Housseyni Amion Guindo dit Poulo, Barthélémy Togo, Sambel Bana Diallo et un représentant d’Abdoulaye Idrissa Maïga de l’administration du territoire) s’est rendue en début de mois dans les 8 cercles de la région pour écouter les populations qui en ont, elles aussi, marre du traitement inique réservé à la région.
Des acteurs de l’hôtellerie et du tourisme de Mopti souhaitent eux aussi être entendus et pris en compte dans le règlement de la crise pour la première fois de l’histoire des rébellions au Mali. Ils veulent jouer leur partition en proposant un plan d’urgence de sortie de crise qui concerne les secteurs connexes du tourisme, de l’hôtellerie, de l’artisanat…., bref de la culture et qui plombe toutes les régions à forte fréquentation touristique (Gao, Tombouctou, Mopti et Ségou…).
Hamadoun Kara