Chargé à la communication de l’Association Ginna Dogon et membre de la coordination des associations des cercles de la région de Mopti, Seydou Tembiné invite dans cet entretien, le gouvernement du Mali à ne pas sous-estimer le rôle que peuvent jouer les ressortissants de la région de Mopti dans la gestion de la crise sécuritaire. Pour M. Tembiné, Mopti est autant victime de la crise que les autres régions du nord du Mali, mais l’Accord pour la paix et la réconciliation ne l’y associe pas encore moins sa mise œuvre qui se concrétise depuis quelques semaines par la votation de la loi portant mise en place des autorités intérimaires.
Le projet de loi portant mise en place des autorités intérimaires a été adopté par les députés. Qu’en pensez-vous en tant que ressortissant de la région de Mopti ?
Cette loi qui vient d’être votée et qui est relative à la mise en place des autorités intérimaires est prévue par l’Accord pour la paix et la réconciliation qui concerne en principe toutes les régions du nord du pays. En tant que ressortissant de la région de Mopti, je me sens concerné car on a toujours dit que la région de Mopti fait partie des régions du nord. Cependant, dans les faits et dans les activités qu’on mène par rapport au nord du pays et à la gestion de la crise, la région de Mopti est laissée un peu en marge. Nous décrions haut et fort cette situation. En clair, cette loi ne prend en compte que les ex-régions de Tombouctou, Gao et Kidal (la création de Taoudéni et Ménaka oblige, ndlr).
Nous avons dénoncé cette attitude et des responsables des associations des régions du nord et du gouvernement et de la communauté internationale lors des assises du 31 octobre au 1er novembre (sic). Chaque fois qu’il convoque une réunion pour des prises de décisions, le Coren a toujours « invité » la région de Mopti mais dans les faits, Mopti n’est pas associée à l’élaboration des grandes décisions.
Est-ce à dire aussi que les collectivités de la région de Mopti ne sont pas concernées par la mise en place des autorités intérimaires ? Et qu’est-ce que cela vous fait-il ?
Si cette loi est en effet une émanation de l’accord, je suis sûr qu’elle ne concernera que les régions de Tombouctou, Taoudéni, Gao, Ménaka et Kidal…Je n’ai toutefois pas eu la chance de parcourir tout le texte de la loi pour trancher.
Cette situation nous frustre évidemment dans la mesure où on nous dit que nous sommes, nous aussi, une région du nord du Mali voire que le nord commence toujours à partir de Mopti, mais dans les faits, il y a des pratiques qui méritent que des questions soient posées : qu’est-ce qui fait que la région de Mopti n’est pas associée à des prises de décisions sur les questions du nord ? Nous sommes pourtant membres du COREN et certains responsables de nos associations sont membres du bureau du COREN.
Quel appel avez-vous à l’endroit de la médiation internationale et aux autorités du Mali ?
L’appel que j’ai, est de demander à tous les acteurs impliqués dans la gestion de la crise de revoir l’appellation « régions du nord ». Qu’on nous définisse clairement si Mopti fait partie ou non des régions du nord !
Je voudrais rappeler par exemple que l’essentiel des déplacés de la crise étaient installés ou le sont encore dans la région de Mopti, moins touchée au début de la crise que les autres régions. La plupart des cercles de la région de Mopti ont été victimes de la crise.
Dans le cas où Mopti est vraiment région du nord, j’appelle le gouvernement du Mali à revoir sa copie. J’invite l’Etat et la communauté internationale à impliquer davantage les ressortissants de la région de Mopti dans la gestion de la crise que le pays connaît. On ne peut pas parler des régions du nord sans parler de celle de Mopti.
Interview réalisée par Hamadoun Kara