L'or ne brille pas pour tout le monde dans trois zones minières du Mali (Kayes, Koulikoro et Sikasso) pour ce qui est de la répartition des richesses minières extraites des dix mines aurifères en exploitation dans le pays, estiment les spécialistes.
Ce constat a été fait dans différents rapports établis par des organisations internationales et de la société civile. En 2014, selon le ministère malien des Mines, la valeur totale des exportations d'or a atteint 863 milliards de F CFA (près de 1.484.360.000 USD), soit plus de 70% des recettes d'exportation totale du Mali, et contribué au budget à hauteur de 254,3 milliards (environ 437.396.000 USD), soit 25% des recettes budgétaires et 8% du PIB.
Malgré ces chiffres impressionnants, les attentes des communautés et des collectivités locales en matière de contribution au développement local ne sont pas satisfaites.
En 2014, ces allocations étaient estimées à environ 1.179.694.000 F CFA pour l'ensemble de la région de Kayes (ouest du Mali). "Les attentes des communautés locales en ce qui concerne l'amélioration du niveau de vie socio-économique (éducation, formation, création d'emplois, réalisation d'infrastructures) ne sont toujours pas comblées", souligne Séga Sissoko, un élu local.
"Franchement, nous ne savons pas ce que l'exploitation minière a apporté aux populations de Syama, de Fourou, voire du cercle de Kadiolo. La preuve, c'est que la Somisy (Société minière de Syama) n'est pas parvenue à bitumer un tronçon de moins de 100 km entre la mine et la route nationale reliant le Mali à la Côte d'Ivoire. Pendant l'hivernage, cet axe est presque impraticable. Sans compter que les populations de Fourou souffrent toujours d'une grave pénurie d'eau en saison sèche", regrette Amadou Konaré, un opérateur économique de Fourou, dans l'extrême sud du Mali.
"C'est vrai que les sociétés font beaucoup, mais les populations attendent plus", déclare dans un rapport Yacouba Koné, secrétaire général de la mairie de cette commune rurale.
En réaction, la Somisy a rappelé avoir doté Fourou, entre autres, d'un lycée public, d'une salle de spectacle, d'un deuxième château d'eau et de salles de classes.
La déception des populations est également mise en exergue dans le dernier rapport d'International Alert, une ONG britannique, qui rappelle que "les communautés à la base bénéficient peu de l'exploitation minière", notamment dans la région de Kayes.
En matière d'emplois, "les attentes des populations n'ont pas été comblées. Il n'y a que 7.972 emplois formels créés sur une population totale de la région avoisinant les 2 millions d'habitants, dont une majorité de jeunes désœuvrés", note le rapport.
"Les emplois et les projets communautaires ne bénéficient pas à tous les villages affectés par l'exploitation minière. Ce qui crée des tensions", indique le rapport, qui ajoute que "si la plupart des mines contribuent à une certaine amélioration du cadre de vie des communautés environnantes, les sentiments sont mitigés de part et d'autre, eu égard à la quantité et à la qualité des investissements communautaires".
Ainsi, même si les populations et les autorités locales et coutumières sont régulièrement mobilisées, il s'agit plus d'une consultation que d'une participation effective des populations à toutes les prises de décision concernant les projets financés. "Au lieu de montrer les sociétés du doigt, je pense que les communautés devraient plutôt s'interroger sur ce que font réellement leurs élus avec les recettes fiscales et les projets financés après leur approbation", a estimé un responsable minier qui a requis l'anonymat.
Un universitaire de la région, Adama Berthé, est du même avis. "Nous ne devons pas en vouloir aux sociétés minières, mais au gouvernement et surtout à nos élus qui ne défendent pas comme il se doit les intérêts communautaires", dénonce-t-il.
Le gouvernement malien explique ce constat par le manque de coordination entre les actions des différentes sociétés minières opérant dans les mêmes zones géographiques. Ainsi, chaque société dispose d'un plan de développement communautaire qu'elle met en œuvre sans concertation avec les autres.
Pour changer la donne, un atelier sur le "développement communautaire à travers le secteur minier" a été organisé pour la première fois dans l'histoire du pays à Kéniéba. A l'issue de cette rencontre, l'accent a été mis sur la nécessité de multiplier les espaces de rencontre entre les sociétés minières et les communautés locales. Il ne s'agit plus d'écouter et de décider avec les seuls élus, mais avec les populations à travers les notabilités et les associations de femmes et de jeunes, selon un communiqué final.