La fraude constitue une menace sérieuse pour la survie de l’Assurance maladie obligatoire (AMO). Afin de lutter contre le phénomène, la Caisse nationale d’assurance maladie (CANAM), en collaboration avec l’Initiative d’information, de communication et de plaidoyer sur la protection sociale au Mali (ICP-Mali), a organisé une journée d’échanges sur le thème : « rôle et place des médias dans la prévention et la lutte contre la fraude des prestations liées à l’AMO ». La journée s’est déroulée samedi à Siby en présence de représentants de l’ASSEP (Associations des éditeurs de la presse privée), de l’Union nationale des journalistes du Mali (UNAJOM) et de nombreux confrères.
Lors de la cérémonie d’ouverture, le maire de la commune rurale de Siby, Kany Makan Camara, a invité les participants à cerner les contours de la fraude afin de mieux informer et sensibiliser les populations sur ce problème. Pour le directeur général adjoint de la Caisse nationale d’assurance maladie, le Dr. Alassane Balobo Dicko, « si la fraude n’est pas maîtrisée, le système de réforme de la protection sociale sera plombé » car la CANAM rembourse 1 milliard de Fcfa par mois aux prestataires de services.
Après la réussite de leur première journée d’échanges l’année dernière à Sélingué, l’AMO et l’ICIP-Mali ont choisi ce thème car elles considèrent la presse comme un allié sûr dans la lutte contre la corruption. « Si aujourd’hui, les prestations garanties par le régime de l’AMO sont un énorme soulagement pour ses assujettis, il est urgent que des mesures soient appliquées pour permettre de prévenir et de lutter contre la fraude. Pour ce faire, l’implication stratégique des hommes de médias est d’une importance majeure de par le rôle de relais qu’ils jouent entre les institutions et les populations à travers les canaux modernes et traditionnels d’information », a analysé Ousmane Daou, le président de l’Initiative d’information, de communication et de plaidoyer sur la protection sociale au Mali.
Instituée par la loi n° 09-015 du 26 juin 2009, le régime d’Assurance maladie obligatoire est, selon le directeur adjoint de la Canam, un des piliers de la déclaration de politique nationale de protection sociale. Celle-ci a été adoptée par le gouvernement en 2002 et révisée pour la période 2015-2023. Il a rappelé ensuite les grands axes de l’Assurance maladie obligatoire qui vise à améliorer et élargir la couverture des frais inhérents à la maladie des personnes assujetties et des membres de leurs familles.
Il faut souligner que seules les personnes assujetties et les membres de leurs familles à charge (conjoints ou conjointes, enfants et ascendants directs) peuvent bénéficier de l’AMO. Les enfants adoptifs sont aussi couverts par l’AMO mais le tuteur doit, au moment de son adhésion, joindre une pièce attestant qu’il assure la tutelle de ces enfants.
Les taux de cotisation sont fixés à 4,4% (Etat employeur), 3,5% (employeur du privé), 3,06% (fonctionnaires civils et militaires, députés, salariés), 0,75% (retraités, veuves) et 6,56% (assurés volontaires de l’INPS).
Le taux de prise en charge est fixé à 70% pour les soins ambulatoires et à 80% pour les hospitalisations. Le pourcentage payé par l’assuré et ses ayants droits, appelé ticket modérateur, est donc de 30% pour les soins ambulatoires et de 20% pour les hospitalisations.
S’agissant du panier de soins, figurent les soins ambulatoires, les hospitalisations, les soins de maternité, les analyses de laboratoire et examens d’imagerie médicale, les médicaments, les évacuations sanitaires sur le territoire national. Quant aux prestations exclues du panier, on retient les lunetteries, les prothèses dentaires, les évacuations sanitaires à l’extérieur du pays.
Evoquant la typologie de la fraude, le directeur général adjoint a évoqué l’existence d’une complicité entre les assurés et les prestataires permettant à d’autres personnes non adhérentes de bénéficier des prestations de l’Assurance maladie obligatoire. « On a enregistré des plaintes émanant de certaines coépouses et responsables de tontines par rapport aux cas de fraudes », a noté le directeur général adjoint de la CANAM, en indiquant que de hauts cadres politiques et administratifs, sans citer de noms, sont impliqués dans des affaires de fraude.
Dans le cadre de la prévention et de la lutte contre la fraude aux prestations de l’AMO, la CANAM a entrepris un vaste chantier de système d’information intégré de web services. Elle entend renforcer sa collaboration avec les acteurs clés pour favoriser une meilleure synergie dans la riposte et la gestion des cas de fraude.
Alassane Balobo Dicko a relevé qu’un système de prévention contre la fraude est déjà appliqué par sa structure. Parmi les moyens de lutte, figurent l’élaboration d’outils de détection des fraudes et abus ; le suivi régulier des activités des prestataires de soins et des assurés ; l’élaboration de statistiques régulières sur la consommation médicale et la modernisation du système d’information intégré du type web. Le dispositif prévoit également des sanctions contre les auteurs de fraude. La CANAM a ainsi pris des dispositions pour qu’un assuré ne puisse se rendre chez deux médecins généralistes pour une même maladie, en moins de 24 heures.
B. M. SISSOKO