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Mali : A Kidal, l’armée française au pied du mur
Publié le mercredi 20 avril 2016  |  Mondafrique.com
Serval
© Autre presse par DR
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Les manifestations anti françaises à Kidal, fief de la rébellion touareg, montrent une armée française prise en étau entre le pouvoir malien ses alliés traditionnels du MNLA.

Territoire ultra sensible aux confins du Sahel, le nord Mali subit une énième secousse portant coup dur aux militaires français. Après la mort de trois soldats de la force Barkhane tués le 12 avril suite à l’explosion d’une mine sous un véhicule de patrouille, une manifestation hostile à l’intervention militaire française a dégénéré, lundi 18 avril à Kidal, bastion des rebelles touaregs du MNLA.

Selon une source locale, le cortège de manifestants a pris d’assaut l’aéroport de Kidal tenu par l’armée française et la force de maintien de la paix de l’Onu (Minusma) en scandant des slogans anti français. Bilan, deux morts sous les balles des casques bleus et sept blessés graves. Les manifestations se sont poursuivies dans la journée et le lendemain, protestant contre les arrestations de civils et de membres du MNLA par Barkhane.

Le MNLA, allié historique de l’armée française

Une étincelle a mis le feu aux poudres : l’arrestation, le 12 avril, pendant plusieurs heures, de huit personnalités membres du MNLA accusés de trafic d’armes par les forces françaises. D’autres interpellations dénoncées comme arbitraires par les populations locales ont suivi, marquant un revirement dans la politique traditionnelle de l’armée française qui s’est longtemps appuyée sur le MNLA.



Informateurs sur le terrain et intermédiaires privilégié pour la négociation des otages français au Sahel, les rebelles touaregs ont, en échange de leurs services, bénéficié à leur tour du soutien de la France, notamment au moment de la crise de 2012. Dans un article daté du 14 octobre 2013, « L’avenir du Mali suspendu à la question touareg » le quotidien le Monde rapportait ainsi que « les services français ont fourni un avion contenant 70 000 litres de carburant et fait parachuter des armes pour soutenir les troupes du MNLA après leur éviction par les djihadistes d’Al-Qaida, à l’été 2012. (…) Pendant l’offensive française, la DGSE avait même préparé des livraisons de missiles antichar Milan au MNLA, mais ne les aurait pas fournis au regard de la faible résistance des troupes djihadistes. »

A cet appui logistique s’ajoute un soutien idéologique à peine voilé. « A Paris, surtout dans les cercles militaires, de nombreuses personnalités sont convaincues que l’Etat malien ne peut continuer à exister dans sa forme actuelle » relève un universitaire.

Des gages pour Bamako

Toutefois, les récentes arrestations qui ont provoqué la colère des populations de Kidal ont écorné cette alliance, plaçant la France face à ses propres contradictions. En lançant en janvier 2013 l’opération Serval pour stopper l’avancée des groupes djihadistes vers le sud du pays et aider les responsables maliens à stabiliser leur territoire, les autorités françaises se sont vite retrouvées dans une position inconfortable vis-à-vis du pouvoir de Bamako hostile à toute partition du pays voulue par les rebelles touaregs.

Or, aujourd’hui, la conjoncture incite plus que jamais Paris à renforcer coûte que coûte l’Etat central malien. Véritable test pour l’équilibre du pays, la tenue du sommet des chefs d’Etat franco-africains en décembre prochain constitue un premier enjeu de taille à la fois pour le Mali et la France. Alors que le contexte sécuritaire reste extrêmement fragile, marqué par des attaques terroristes récurrentes et une application lacunaire des accords de paix signés le 20 juin dernier, toute nouvelle déstabilisation d’ampleur porterait un coup dur à l’image de l’intervention militaire française dans le pays. Acte fondateur de la présidence de Hollande en matière de politique étrangère, celle-ci constitue l’une des réalisations clés du chef de l’Etat français en fin de bilan. « Hollande a fait de l’intervention au Mali la pierre angulaire de sa politique à l’extérieur. L’Elysée à tout intérêt à faire tenir l’édifice, même précaire, jusqu’aux présidentielles de 2017 » analyse un spécialiste.

Par ailleurs, la popularité en chute libre et l’état de santé fragile du président Ibrahim Boubacar Keïta qui vient d’être opéré d’une tumeur en France font planer la menace d’un vide au sommet de l’Etat qui fragiliserait encore davantage le pays.

Amalgames

Autant de préoccupations qui incitent les autorités françaises à donner des gages à leurs homologues de Bamako en dépit des intérêts des touaregs du MNLA que l’armée et le pouvoir maliens assimilent volontiers à des terroristes. A Kidal, les récentes arrestations de membres du MNLA par Barkhane sont perçues par la population comme un amalgame du même acabit.

« Les populations de Kidal accusent l’armée française de commettre des bavures physiques sur des personnes innocentes » affirme une source locale. Dans une déclaration publiée sur internet, l’un des porte-parole du MNLA, Attaye Ag Mohamed a par ailleurs attiré l’attention des organisations chargées des droits de l’homme sur « le mode opératoire des interpellations utilisé par l’opération française Barkhane dans les zones de Boghassa, Abeibara et Aguelhoc ». Selon lui, « des familles sont sans nouvelles de dizaines de leurs proches arrêtés et transférés sur Gao et Bamako. Cette situation qui pourrait être une nouvelle source de radicalisation des populations mérite l’attention des ONG, des médias, des organisations politiques acteurs du processus de paix. »


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