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Ibrahim Boubacar Keita, président du RPM : Un «Kankélentigui» devenu caméléon
Publié le mercredi 30 janvier 2013  |  Le Matin


Ibrahim
© Autre presse par DR
Ibrahim Boubacar Keïta (IBK)


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S’il y a un leader politique qui a du mal à se positionner depuis le coup d’Etat du 22 mars dernier, c’est incontestablement Ibrahim Boubacar Kéita alias IBK ! Autrefois réputé par son courage et surtout craint pour son héréditaire franc parler, IBK n’est jamais parvenu à choisir son camp dans la crise actuelle. En effet, il n’a ni fermement condamné le coup d’Etat ni clairement soutenu les putschistes. Pis, il a multiplié les déclarations contradictoires en soufflant le chaud et le froid sans trop se découvrir. Une très mauvaise stratégie puisque la majorité des Maliens ont du mal à le reconnaître dans ce jeu sordide et peu honorable. Et pour beaucoup d’observateurs, IBK est ce «Kankélentigui» (homme de parole) devenu un caméléon politique. Hélas !

Si un adulte veut qu’on le respecte, il ne faut pas qu’il se mette au même niveau que les Bilakorow (incirconcis) ! Une sagesse mandingue qu’Ibrahim Boubacar Kéita (IBK), sans doute jusque-là le leader le plus charismatique de la classe politique malienne, n’a pas compris. Ladji Bourama, comme le surnomment certains de ses militants, a récemment perdu beaucoup de crédit en s’associant à la Copam pour exiger la démission du président de la République par Intérim et la tenue des concertations nationales supposées repenser la transition politique malienne.

Et pour en rajouter à ce désastre en matière de communication politique, il a essayé de se laver de tout soupçon sur une radio internationale en sachant que la marche engendrée par sa déclaration était unanimement condamnée par ses compatriotes.

Trop tard ! La grande majorité des auditeurs ou téléspectateurs l’avaient vu ou écouté dans la presse nationale et internationale mettant en cause la légitimité de l’Assemblée nationale et exigeant l’organisation des concertations nationales pour statuer sur la transition. Le hic, c’est qu’IBK est député élu en commune IV du district de Bamako et il n’a pas démissionné ! Il est aussi vrai que le ridicule ne tue pas les politiciens maliens dont les vestes ont plusieurs faces délavées à force d’être retournées.

Il n’en fallait pas plus pour que le cercle de ses admirateurs, en dehors du Rassemblement pour le Mali (Rpm) se rétrécisse. «IBK était le leader politique que je respectais le plus et en qui j’avais le plus confiance. Mais, en s’alliant à des organisations controversées comme la Copam, il a démontré qu’il est lui aussi prêt à tout pour conquérir le pouvoir. Il m’a beaucoup déçu comme beaucoup d’autres Maliens», souligne Salif Doumbia, un cadre de l’administration malienne.

Une popularité en chute libre

Presque tous nos interlocuteurs sont allés dans le même sens. «Je peux comprendre que des apprentis sorciers en politique continuent à distraire les Maliens en ce moment de crise grave. Mais, pas IBK. Il n’a aucune excuse parce qu’il a au moins assumé de responsabilités importantes au sommet de l’Etat, en ayant été notamment Premier ministre et président de l’Assemblée nationale. Comment peut-il alors se permettre de retomber si bas en se mettant au même niveau que ces mégalomanes irresponsables qui n’ont aucun respect pour eux-mêmes à plus forte raison pour le peuple malien ?», s’offusque un observateur averti de la scène politique malienne. «Si IBK n’a rien à dire qu’il se taise au moins», souhaitait un internaute dans un débat sur Facebook.

Pour cet autre Malien de la diaspora, toujours au cours du même débat sur Facebook, «les masques sont véritablement tombés. Et les Maliens aperçoivent aujourd’hui le vrai visage de ceux-là qui juraient, la main sur le cœur n’agir qu’au nom d’Un Mali Un et Indivisible. Il s’agit bien d’Ibrahim Boubacar Kéita et ses amis de la Copam, lesquels, en milieu de semaine dernière (les 9 et janvier 2013), battaient le pavé en vue d’obtenir la démission du président intérimaire et l’organisation de concertations nationales. Ce, au moment où le pays est menacé jusque dans son existence».

«Les troubadours de la Copam et d’IBK 2012 (un regroupement politique) venaient tout simplement de perdre le peu d’estime qui leur restait encore au sein de l’opinion nationale. Leurs concitoyens venaient subitement de rendre compte que leurs discours manquaient de sincérité et que le Mali comptait en réalité, très peu pour eux. Seul le pouvoir les intéresse. Et rien d’autre ! Quelle bassesse ! Et surtout, quelle hypocrisie», avait alors commenté un confrère de la place.

Une communication politique nulle

Et pourtant, cette alliance contre nature entre IBK et les «Satans» de la politique malienne n’est pas surprenante. En effet, IBK n’est jamais parvenu à choisir son camp depuis le déclenchement de l’actuelle crise institutionnelle et sécuritaire suite au coup d’Etat du 22 mars 2012. En effet, Ladji Bourama n’a ni fermement condamné le coup d’Etat ni clairement soutenu les putschistes.

Seul leader politique influent qui n’a pas été arrêté par la junte, ils étaient nombreux ceux qui ont alors pensé qu’il était de mèche avec le Capitaine Amadou Haya Sanogo qui ne cacherait plus son désir de le voir diriger le pays, ne serait-ce que l’exécutif de la Transition. Visiblement, IBK a naïvement cru que cette parenthèse douloureuse lui ouvrait un boulevard sur Koulouba parce qu’il jouissait du respect et de l’estime de ces jeunes militaires surpris eux-mêmes par leur acte.

Loin de démentir ce soupçon, IBK a multiplié les déclarations contradictoires en essayant de souffler le chaud et le froid sans trop se découvrir. On l’attendait naturellement au sein du Front uni pour la sauvegarde de la Démocratie et de la République (Fdr). Mais, il a très vite pris ses distances quand les leaders de ce front n’ont voulu faire aucune concession politique au Cnrdre sans le rétablissement de l’ordre constitutionnel.

Sur le conseil des putschistes ? En tout cas, il a alors préféré créer son propre regroupement baptisé «IBK 2012» et composé d’organisation hétéroclites d’organisations opportunistes, à quelques exceptions près. Ce qui fait que la majorité des Maliens se demandent à quoi il joue.

Une réputation entachée

Et après des propos controversés, d’aucuns n’hésitent plus à le qualifier de «caméléon politique». Le comble pour celui qui, jusque-là, était réputé comme un «Kankélentigui», c’est-à-dire un homme qui n’a qu’une parole et qui tient ses promesses. Hélas !

Il est vrai, qu’ils sont nombreux ceux qui pensent qu’Ibrahim Boubacar Kéita est l’homme de la situation pour diriger le Mali de l’après crise. Et cela parce qu’il avait une bonne réputation de fermeté, de rigueur et surtout du sens élevé des responsabilités régaliennes.

Mais, aujourd’hui, ses déclarations hasardeuses et ses alliances contre nature ont sérieusement entamé sa crédibilité aux yeux de l’électorat malien. Il est donc temps pour lui de prendre position et d’arrêter de vouloir jouer sur tous les tableaux. Ce n’est pas en voulant plaire à tout le monde que l’on devient populaire. Bien au contraire, cela peut plus fragiliser qu’on ne le croit.

Ibrahim Boubacar Kéita doit savoir qu’un bon chef ne peut pas être aimé de tous. Cela a d’ailleurs été l’une des erreurs politiques du président déchu, Amadou Toumani Touré, qui a imposé un modèle politique dit de «gestion consensuelle du pouvoir» pour avoir tout le monde autour de lui.

Aujourd’hui, tout le monde sait où cela a conduit le Mali. Dans une vraie démocratie, on tire des enseignements aussi bien des conseils de son camp que des critiques d’une opposition objective. Le «IBK» que les Maliens admirent et respectent, est ce leader charismatique qui prend position sans ambigüité aucune et qui est à cheval sur des valeurs républicaines comme le courage politique, le patriotisme et surtout le sens élève du devoir.

Des valeurs découvertes pendant six ans chez le 5e Premier ministre de l’histoire du Mali (4 février 1994 -14 février 2000) qui a permis au premier régime démocratique de survivre à une opposition systématique et irresponsable. Des valeurs aussi perpétuées par le président de l’Assemblée nationale entre 2002 et 2007. Ladji Bourama a donc intérêt à ne pas raser cette «touffe de cheveux» qui le distinguait des autres hommes politiques maliens.

Kader Toé

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