Obsession de l'explorateur français René Caillié, Tombouctou, la "Cité des 333 Saints" a connu son âge d'or et ses années de plomb.
Tombouctou, la "perle" du Nord du Mali, a les élans et les frayeurs du captif au sortir du cachot. Entre ivresse et vertige, le reclus cligne des yeux tant la lumière du soleil l'éblouit et avance d'un pas hésitant et craintif, encore calibré par l'étroitesse de sa cellule. Il se souvient des heures de gloire comme de l'instant de la déchéance.
"La ville exquise, pure, délicieuse"
Gloire, déchéance: Tim-Buktu -le puits de la vieille Buktu- a connu souvent l'une et parfois l'autre. Enfant du pays, le lettré Es-Sadi célébrait au XVIIe siècle "la ville exquise, pure, délicieuse", "l'illustre cité bénie, plantureuse et animée". Tandis que dans son fameux Journal, cité par l'historien Bernard Nantet, le pionnier René Caillié, premier Européen revenu vivant de Tombouctou, notera sous le coup du dépit que "tout, ici, respire la tristesse" (1). Etrange verdict que celui de cet explorateur singulier, fils de galérien natif des Deux-Sèvres, voyageur en guenilles ravagé par le scorbut, mais tenaillé par le désir de rallier la cité mythique. "L'atteindre ou périr", répétait-il. Il finira par l'atteindre, le 20 avril 1828. Et périra une décennie plus tard, terrassé à 38 ans par l'épuisement et la tuberculose.