Les malfrats ne finiront jamais de nous surprendre avec leurs méthodes sans cesse améliorées. Pour les contrer, il faut une police à la hauteur de la tâche. Voici comment un gang de six braqueurs opérait au Mali et au Sénégal avant d’être mis hors d’état de nuire par les agents de la Brigade de Recherche (BR) du 13e arrondissement de police de Bamako, sous les ordres du commissaire principal Oumar Dembélé
En gestion d’entreprise, il est de notoriété que des affaires qui ne se développent pas finissent par disparaitre. Pour se développer, toute entreprise doit diversifier ses activités et créer de nouveaux marchés. Il semblerait que c’est ce que le gang dirigé par le sieur Bouacar Coulibaly avait compris et décidé de mettre en pratique dans la gestion de leur entreprise criminelle.
La stratégie des braqueurs
Ce Bambara était à la tête d’une bande de six Maliens dont les cinq autres sont des Peuhls. A leur début, ils s’étaient spécialisés dans les braquages autour des sites d’orpaillage. Ils s’aiment trop, Bouacar et ses acolytes, pour descendre eux-mêmes dans les étroits puits sombres, chauds, avec très peu d’oxygène et où les éboulements sont récurrents. Alors, ils préfèrent laisser les autres faire la dure et salissante besogne.
Ainsi, lorsqu’un orpailleur croyait avoir la chance de sa vie en ayant trouvé des nombreux carats d’or, ces malfaiteurs lui démontraient que c’était plutôt un malheur pour lui. Car sans lui laisser le temps de savourer sa joie et profiter de l’or qu’il venait de tirer de la terre, le pauvre orpailleur recevait la visite de ces gangsters. Ou alors ils coupaient la route à la pauvre victime afin de la déposséder de ce que la force de ses bras et son courage venaient de lui offrir.
Alors l’espoir de sa vie lui est retirée manu-militari et sa santé mise à mal à cause de la bastonnade et autres sévices qu’ils lui infligeaient s’il se montrait réticent à se séparer de son or. Ces dangers publics ambulants, que sont Bouacar et son gang, réservaient le même sort à tout acheteur d’or ayant collecté une quantité considérable du métal jaune.
Pour que leurs braquages soient plus rentables, puisque l’or ne se découvre pas tous les jours, ils ont choisi de diversifier leurs domaines d’action. Ainsi, ils décidèrent d’ajouter à leur activité de braquage aux alentours des lieux d’orpaillage, les attaques contre les grands éleveurs de bétail et autres riches. Comme ça, adieu le chômage entre deux braquages. Et ce n’est pas tout. Pour élargir leur zone d’attaques, ils ont poussé la réflexion plus loin.
La bande entreprend d’opérer depuis le district de Bamako, les régions de Koulikoro et Kayes jusqu’aux sites d’orpaillage du Sénégal qui sont proches de la frontière malienne. Pour que six personnes puissent opérer dans une zone aussi large que ceci, ils ont mis sur pied un réseau d’indicts chargés de repérer et signaler les personnes à braquer.
Dès que l’information est reçue, les malfrats se rendent à l’endroit indiqué pour passer à l’acte. En retour, l’indict est récompensé par des billets de banques issus du fruit de l’opération criminelle. Voici comment la vie se passait pour eux jusqu’à ce qu’ils commettent le braquage de trop.
Le braquage de la caisse de la Mairie de Moutougoula
La caissière de la mairie de Moutougoula est chez elle à la maison pour profiter du repos nocturne comme le mérite toute personne ayant bien travaillé toute la journée. Et cela est une habitude chez elle comme chez bien d’autres travailleurs. Malheureusement pour elle, cette nuit ne sera pas comme les autres puisqu’une chose inhabituelle va se produire. Des visiteurs armés investissent son domicile et l’obligent à les suivre. .
Quelques minutes plus tard, elle et ses kidnappeurs se retrouvent face au bâtiment de la mairie. Le gardien des lieux qui tente de s’interposer reçoit un tir de la part des assaillants. Témoin de cela, elle comprend que les braqueurs sont prêts à tout pour atteindre leur but. Ils lui demandent de composer le code secret du coffre afin d’avoir accès à son contenu.
Elle s’exécute et leur offre la possibilité de disposer de l’argent qu’il contient. Ils s’en tirent avec la bagatelle de 12 000 000 de francs. C’est là que la BR dirigée par l’Inspecteur principal Moïse Baya et ses collègues entrent en scène. Les agents de cette brigade ont ceci de spécial qu’ils n’attendent pas toujours que les affaires viennent les trouver au poste avant d’agir.
Au lieu de rester à se tourner le pouce dans leur bureau, ils vont chercher les affaires pour mériter leur salaire et honorer leur serment prêté devant leurs supérieurs hiérarchiques au nom de la nation. Ainsi, ils tombent sur l’affaire et amassent le maximum d’informations sur les auteurs et leurs méthodes. Très vite, ils apprennent que l’un des braqueurs, Hamadi, est un habitué de Moutougoula.
C’est lui qui a reçu le message d’un de leurs indicts dans la commune. Ce dernier leur fait savoir qu’une certaine dame travaillant à la mairie de Moutougoula serait aisée financièrement et disposerait de fonds considérables. C’est ainsi que Hamadi contact le reste de la bande. Cet indict fait bien partie des malfrats arrêtés par la BR. Et le plus désolant pour lui est qu’il n’a reçu que 90 000 francs sur les 12 000 000.
C’est pour dire à tout ceux qui traitent avec les malfrats que les risquent qu’ils prennent sont plus grands que ce que les bandits leur offrent en récompense. Les hommes du commissaire principal Oumar Dembélé du 13e arrondissement ont secoué l’arbre de toutes leurs forces et les malfrats ont fini par tomber comme des fruits mûrs. Deux sont pris à Gouana, deux autres à Kalabancoura. Quant aux deux derniers, l’un a été appréhendé à Sabalibougou et l’autre à Sirakoro.
Plusieurs armes dont un fusil mitrailleur Kalachnikov, des pistolets, des munitions, des armes blanches et du matériel pour enfoncer des portes ont été récupérés dans leur sillage par les limiers du 13e arrondissement. Remis aux mains de la justice, les suspects attendent de répondre de leurs actes.
Abdoulaye KONATE