En dépit de la bonne volonté des autorités politiques d’alors de notre pays à jouer aux bons offices dans les discussions de relaxe des otages enlevés sous d’autres cieux, qui connaissent les mêmes problèmes de contrôle des frontières, le Mali a été arbitrairement divisé en trois zones sécuritaires par le gouvernement français.
Les trois couleurs sont : le vert, qui concerne le Sud du pays, l’orange : le Centre et le rouge : le Septentrion. Il dissuadait les citoyens français, ainsi que ceux de l’Union Européenne et des pays amis d’outre Atlantique, notamment des Etats-Unis, du Canada, du Japon, à y mettre pied etc. Cette décision totalement incompréhensible par le citoyen lambda, notamment les professionnels du secteur du tourisme dans les quatre (4) régions, a surpris tout le monde. Elle est tombée comme un cheveu dans la bonne soupe, coupant l’appétit aux convives et déstructuré toute l’économie locale.
A la faveur d’une mission à Mopti, nous avons eu à échanger avec une française, promotrice d’une Auberge. Très remontée contre la décision de son gouvernement, elle avait laissé son cœur parler. Dans cet entretien qu’elle nous a accordé, elle a déploré l’initiative qui allait lui faire perdre beaucoup d’argents.
« J’ai mis toutes mes économies dans cet Hôtel. Je me suis même endettée auprès d’une banque en France pour effectuer des travaux complémentaires en vue de mettre mon établissement aux normes de mes compatriotes de passage à Mopti », avait-elle indiqué d’un ton emprunt d’amertume. A notre retour à Bamako, nous avons publié cette interview dans nos différents journaux. Quelques jours plus tard après la diffusion des différents articles, la bonne dame a appelé un confrère qui était de la mission pour lui faire part de la remontrance qu’elle a reçue de son Ambassade.
C’est dans cette atmosphère surchauffée que le ministre de l’Artisanat et du Tourisme d’alors avait convoqué l’Ambassadeur de France d’alors dans notre pays pour lui faire part de l’amertume des autorités maliennes par rapport à la décision arbitraire de son gouvernement à vouloir punir le Mali pour une faute qu’il n’a pas commise. A savoir les enlèvements des otages qui avaient lieu en Algérie, au Niger et en Mauritanie.
Certes, la plupart de ces affaires se dénouaient au Mali, mais cela ne pouvait faire de notre pays un Etat voyou et justifierait une telle sanction. En réponse à son interpellation, l’Ambassadeur de France aurait retourné l’accusation contre le Mali au motif que les Autorités d’alors ont sevré la France de toutes les opportunités d’affaire au Mali. N’est-ce pas une façon voilée de lui dire qu’effectivement son pays est derrière les évènements qui étaient en cours contre notre pays ?
Cette hypothèse peut être confirmée par une analyse géostratégique menée par l’universitaire Aymeric Chauprade, publiée le 7 février 2013 sur son site d’information ‘’3w.reapolitik. tv/2013/’’ sous le titre « Crise du Mali, troisième partie : les intérêts pétroliers ». Aymeric Chauprade est Professeur de géopolitique et directeur de la Revue française de géopolitique et du site cité dessus. Il est l’auteur de l’ouvrage de référence « Géopolitique, constantes et changeantes dans l’histoire ».
Dans son analyse, Aymeric Chauprade dira que la bande Tchad/Niger/Mali/Sénégal doit rester sous contrôle sécuritaire français. Il en va des intérêts stratégiques de la France (hydrocarbures, uranium, or, et autre ressources) comme du maintien de son influence (la France conservera son intérêt aux yeux des Africains, à la condition de garantir à ceux-ci leur sécurité).
Selon lui, en sa qualité de Puissance francophone et historiquement liée à tous les Etats de la région (Afrique du Nord et Sahel) par des liens coloniaux, la France est légitime pour aider les pays de la zone à se débarrasser des groupes islamistes mafieux et restaurer la stabilité. Mais, il avertit les décideurs français sur d’autres convoitises dans la région. Il s’agit de l’Algérie et du Qatar. « Sur les ruines de la Libye de Kadhafi, il est évident que d’autres puissances islamiques cherchent à contrôler la zone : l’Algérie bien sûr, qui a de grandes ambitions dans la région, mais aussi le Qatar », a-t-il indiqué.
De son point de vue, c’est l’Algérie qui manipule certaines franges de l’islamisme radical. Au Mali, les accointances entre l’Algérie et le leader d’Ançar Dine, Iyad Ag Ghali ont longtemps été indexées par les services de renseignement maliens et étrangers. La stratégie algérienne est si raffinée qu’elle s’auto-inflige des attaques (mais contrôlées dans leur portée : In Amenas qui représente 18% de la production de gaz algérien n’a pas sauté ni subi de dommages importants) afin de se présenter comme une puissante garantie de lutte contre le terrorisme.
Selon l’universitaire français, l’Algérie ne veut pas de l’islamisme à sa tête et elle a bien raison, mais hélas ! son Etat profond contribue lui à maintenir l’incendie terroriste à un niveau de « basse intensité » de sorte que les Américains et les Européens ne se mettent pas à imaginer un quelconque changement à Alger. Il accuse le Qatar de soutien ouvert aux groupes terroristes. Selon lui, le Qatar joue clairement le rôle de déstabilisateur au Mali. En conclusion, il tente de créer un nœud de rapprochement entre la France et les Américains, qui sont pour lui plus pragmatiques et ne respectent que la force.
« Nul doute qu’ils considèrent mieux la France après son opération militaire au Mali et qu’ils chercheront un terrain d’entente avec elle ». Pourquoi vouloir créer un tampon entre les deux puissances ?
La suite dans nos prochaines parutions.
M. A. Diakité