Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratiques    Le Mali    Publicité
aBamako.com NEWS
Comment

Accueil
News
Politique
Article
Politique

Procès de la loi sur les autorités intérimaires : Quels défis pour la Cour constitutionnelle?
Publié le lundi 25 avril 2016  |  L’aube
Validation
© aBamako.com par A.S
Validation des candidatures de l’élection législative en commune v
Bamako, le 29 avril 2015 la cour constitutionnelle a validé la liste des candidats retenus pour l’élection législative en commune v.




Après l’adoption par l’Assemblée nationale le 31 mars dernier de la loi instituant les autorités transitoires au nord du Mali, l’opposition malienne, à travers ses députés du groupe parlementaire VRD, a saisi la cour constitutionnelle aux fins de contrôle de constitutionnalité de la loi. Plus précisément, elle a formulé une requête en annulation de ladite loi pour non-conformité à la Constitution du 12 janvier 1992, notamment en ses articles 97 et 98 qui parlent sommairement des collectivités territoriales. Cette saisine de la Cour constitutionnelle est une aubaine pour celle-ci de s’affirmer et une occasion inespérée pour elle de dire enfin le droit. C’est du moins la conviction de Dr Brahima Fomba, Chargé de Cours aux Facultés de Droit de l’Université de Bamako.
Pour le politologue, 25 ans après sa création, la Cour constitutionnelle du Mali ne semble pas répondre de manière satisfaisante aux attentes de raffermissement de l’Etat de droit et de protection des droits et libertés fondamentaux. « En particulier, l’épanouissement du contrôle de constitutionnalité des lois au Mali se heurte à des difficultés complexes qui mettent en évidence les défis énormes à développer une justice constitutionnelle soustraite aux contingences politiques et d’allégeance et une justice constitutionnelle moderne ». Analyse :
En extirpant l’ancienne Chambre constitutionnelle des griffes de la Cour suprême et en la détachant ainsi de l’appareil judiciaire ordinaire pour en faire une juridiction à part entière dénommée Cour constitutionnelle, le constituant de 1992 avait fait la preuve de toute sa détermination à bâtir au cœur de la toute nouvelle IIIème République, un Etat de droit.
En plus de ces compétences contentieuses en matière d’élections politiques, la Cour constitutionnelle aux termes de l’article 85 de la Constitution, est juge de la constitutionnalité des lois et elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics.
Cependant, près de 25 ans après, force est de reconnaître que la Cour constitutionnelle du Mali ne semble pas répondre de manière satisfaisante aux attentes de raffermissement de l’Etat de droit et de protection des droits et libertés fondamentaux. En particulier, l’épanouissement du contrôle de constitutionnalité des lois au Mali se heurte à des difficultés complexes qui mettent en évidence les défis énormes à développer une justice constitutionnelle soustraite aux contingences politiques et d’allégeance et une justice constitutionnelle moderne.
Un « droit d’ingratitude » à réaffirmer
Dans quelle mesure les contingences politiques vont-elles épargner l’intégrité et la lucidité nécessaires au regard que la Cour constitutionnelle devra porter sur la loi n°16-06/5L portant modification de la loi n°2012-007 du 07 février 2012 modifiée portant Code des Collectivités Territoriales, quand on sait bien qu’il s’agit d’une loi votée aux forceps le 31 mars 2016 par l’Assemblée nationale en application de l’ Accord controversé d’Alger truffé de dispositions contradictoires avec la Constitution du 25 février 1992 que le gouvernement cherche à insérer directement dans l’ordonnancement juridique national.
Actuellement saisie pour se prononcer sur la constitutionnalité de cette loi, toute la question reste de savoir si les juges constitutionnels vont exercer leurs « devoirs d’ingratitude » comme on dit, notamment envers le Président de la République IBK et le Président de l’Assemblée nationale Issaka SIDIBE grâce auxquelles au moins six (6) Conseillers doivent les fauteuils qu’ils occupent aujourd’hui.
It faut cependant reconnaître que ce n’est pas tant la composition qui pose problème, même si l’on convient que sa procédure est loin d’être parfaite. Il est vrai en effet que le mode de désignation pour sept (7) ans renouvelables une fois de ses neuf (9) membres n’est pas une option idéale, compte tenu de sa politisation excessive et de sa monopolisation par le courant majoritaire en la personne du Président de la République et du Président de l’Assemblée nationale qui en choisissent chacun trois (3) membres. Il est évident que les trois (3) autres membres désignés par le Conseil supérieur de la magistrature présidé -faut-il le rappeler-par le Président de la République, n’adoucit en rien cette forte coloration partisane du côté du « Palais de la Cour constitutionnelle ».
Même si, comme le disait Charles EISENMANN, la nomination n’est pas en soi une compromission de l’indépendance, il reste que ce mode de désignation est un point critique du statut du juge constitutionnel, du fait de l’insuffisante institutionnalisation de ces fonctions nominatives.
Il n’est pas interdit toutefois d’espérer qu’en dépit de tout, le procès constitutionnel de la loi sur les autorités intérimaires puisse offrir l’opportunité de se rappeler au bon souvenir de l’Arrêt 96-003 du 25 octobre 1996 à travers laquelle la Cour constitutionnelle avait fait la preuve de toute son indépendance par rapport aux autorités politiques de l’époque. Elle avait notamment dépouillé cette loi électorale de 1996 de ses nombreuses inconstitutionnalités au point d’ébranler et de chambouler tout l’échafaudage politique qui la soutenait. Ce n’était évidemment pas pour faire plaisir au Président Alpha Omar Konaré à l’époque ! On pourrait tout reprocher à la première formation de la Cour constitutionnelle sauf son manque d’audace jurisprudentielle.
Un mode saisine archaïque à reformer
Au-delà du mode politisé de désignation de ses membres, ce qui cause aujourd’hui le plus de dommage à la Cour constitutionnelle du Mali est le mode de saisine qui permet de l’actionner en matière de contrôle de constitutionnalité des lois, étant entendu que le juge constitutionnel n’a pas la possibilité de s’autosaisir.
A part les lois organiques qui se font d’ailleurs de plus en plus rares, dont elle est systématiquement saisie pour contrôle de constitutionnalité par le Premier ministre, son intervention sur les autres catégories de loi est totalement aléatoire et soumise au bon vouloir du Président de la République, du Premier Ministre, du Président de l’Assemblée nationale ou du dixième des députés, du Président du Haut Conseil des Collectivités ou du dixième des Conseillers nationaux, et du Président de la Cour Suprême.
L’article 88 de la Constitution dispose ainsi à son alinéa 2 : « Les autres catégories de lois, avant leur promulgation, peuvent être déférées à la Cour Constitutionnelle soit par le Président de la République, soit par le Premier Ministre, soit par le Président de l’Assemblée Nationale ou un dixième des députés, soit par le Président du Haut Conseil des Collectivités ou un dixième des Conseillers Nationaux, soit par le Président de la Cour Suprême ».
Le constat qui se dégage de ce mode de saisine est son maintien sous le monopole des politiques y compris ceux de l’opposition à travers la petite ouverture des 1/10èmes de députés et de conseillers nationaux qui, le plus souvent, n’ont pas intérêt à courir le risque d’une appréciation constitutionnelle de certaines lois.
L'effectivité du contrôle de constitutionnalité dans ce mode de saisine est hypothéquée par le fait que la majorité qui, par hypothèse, a voulu et voté la loi, ne peut logiquement la déférer au juge constitutionnel pour la faire annuler. Le même jugement vaut également pour l’opposition parlementaire.
De façon générale, les autorités politiques n’ont pas une approche objective et désintéressée du contrôle de constitutionnalité. Sinon comment comprendre que la Cour n’est pas saisie y compris par l’opposition, de certaines lois ? Pourquoi en dépit de profonds doutes qui planent sur leur constitutionnalité, de plus en plus de lois sont votées par l’Assemblée nationale et promulguées, sans que personne ne daigne saisir la Cour constitutionnelle pour s’assurer de leur constitutionnalité ?
Ainsi, les principes démocratiques de respect des droits fondamentaux garantis par la Constitution sont piétinés et sacrifiés sur l’autel de compromis politiciens entre l’exécutif et le législatif (majorité et opposition confondues) aux dépens du peuple souverain.
Ce fut le cas de la loi n° 2011-085 du 30 décembre 2011 modificative de la loi n°06-044 du 04 septembre 2006 portant loi électorale avec son article 105 L 2011-085 (Nouveau) discriminatoire en matière d’exercice du droit de vote par procuration et passablement regardante par rapport au principe constitutionnel d’égalité mais promulguée à l’abri de tout contrôle du juge constitutionnel.
Pour rappel, cet article dispose que seuls peuvent exercer leur droit de vote par procuration, les électeurs suivants : les agents des forces armées et de sécurité sur le théâtre d’opération, les membres de la C.E.N.I, les présidents des bureaux de vote, les assesseurs des bureaux de vote, les mandataires des candidats et des partis politiques, les délégués des partis politiques.
Le consensus mou de l’époque, propice à toutes les compromissions politiciennes, a conduit l’ensemble de la classe politique à accepter sans se donner les moyens de le vérifier constitutionnellement, que le droit de vote par procuration soit maintenu au profit d’une petite minorité d’électeurs.
Aucune autorité habilitée à le faire n’aura cependant jugé opportun de mettre en mouvement la procédure de contrôle de constitutionnalité des lois dans le but de savoir si les restrictions imposées par le législateur sur l’exercice du droit de vote par procuration n’ont pas pour effet de porter atteinte au droit de vote, ou si elles ne constituent pas des mesures discriminatoires inadmissibles dans un domaine aussi sensible que celui de l’exercice des droits politiques du citoyen.
L’article 27 de la Constitution est pourtant formel : « Le suffrage est universel, égal et secret. Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les citoyens en âge de voter, jouissant de leurs droits civiques et politiques ». C’est dans cette disposition constitutionnelle que le vote par procuration trouve son fondement juridique. Il permet à tout électeur matériellement empêché, de se faire représenter, le jour d'une élection, par un électeur de son choix qui vote à sa place.
Le principe constitutionnel d’égalité entre les électeurs tel qu’il résulte de l’article 2 de la Constitution selon lequel « tous les Maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoir… » aurait également pu justifier une saisine de la Cour constitutionnelle.
Certes il ne s’agit pas d’un principe intangible appelé à s’appliquer toujours avec la même exigence quelles que soient les matières et les circonstances. Il demeure néanmoins qu’il s’agit d’un pilier fondamental de l’ordonnancement juridique de notre pays et constitue sans aucun doute la norme de référence la plus invoquée et la plus utilisée par le juge constitutionnel.
Au gré des intérêts politiques
On pourrait également évoquer le cas de la loi n°2015-052 du 18 décembre 2015 instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives.
Cette loi qui est passée comme lettre à la poste ne fera pas oublier que de nombreux projets similaires initiés par le gouvernement n’avaient pu prospérer pour motif d’inconstitutionnalité.
D’ailleurs, l’examen de l’avant-projet de loi sur la promotion du genre discuté dans le cadre de «mesures particulières en faveur des femmes dans les fonctions électives et nominatives pour la promotion de cette frange de la population » au sein du Groupe restreint de réflexion sur les réformes constitutionnelles et institutionnelles placé auprès de la Primature et composé de juristes confirmés avait abouti à la conclusion suivante : « La solution pour la promotion des femmes dans la vie publique est de donner un fondement constitutionnel à ce principe, à l’instar de nombreux pays comme le Sénégal, la France, le Niger etc. ».
Au surplus, le Groupe de réflexion avait proposé d’ajouter un 2ème alinéa à l’article 2 de la Constitution ainsi libellé : « …Toutefois, l’accès des femmes aux postes électoraux, fonctions électives et nominatives peut être favorisé par des mesures particulières prévues par la loi et les textes réglementaires ».
Cependant comme par enchantement, on voit bien que subitement, l’ensemble de ces soucis légitimes ont disparu et le gouvernement est passé outre l’avis de ses experts juridiques en concoctant son projet de loi instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives et en le faisant voter par l’Assemblée nationale.
Mais comme les débats en plénière de l’Assemblée nationale l’ont démontré, de forts soupçons d’inconstitutionnalité ont continué de peser sur cette loi qui instaure indirectement en fait des quotas pour les femmes. Jusqu’à preuve du contraire, sa conformité constitutionnelle demeure douteuse.
On aurait pu légitimement s’attendre, au nom des grands principes constitutionnels, à ce que la Cour soit saisie de cette loi afin de la laver de ce soupçon pour le moins encombrant. Pourtant personne dans le petit club de privilégiés habilités à déclencher le contrôle de constitutionnalité y compris le Président de la Cour Suprême, n’a osé recourir au juge constitutionnel. Il en fut de même pour bien d’autres lois où l’on a vu que, pour leurs intérêts politiques et partisans évidents, les autorités politiques ont soigneusement tenu la Cour constitutionnelle à l’écart. En revanche, lorsque leurs intérêts politiques le recommandent, les mêmes autorités sollicitent la Cour constitutionnelle comme c’est le cas actuellement avec la loi sur les autorités intérimaires. Cette saisine atteste une fois de plus que l’opposition parlementaire n’agit en la matière que lorsque la loi incriminée porte atteinte à ses intérêts politiques fondamentaux et vitaux.
Il faut d’ailleurs également avoir le courage de s’interroger aujourd’hui sur la valeur ajoutée réelle de la présence du Président de la Cour Suprême sur la liste des autorités habilitées à saisir la Cour constitutionnelle. A l’épreuve, cette valeur ajoutée paraît quasi inexistante dans la mesure où ce dernier semble avoir soigneusement évité en quelque sorte de « se mouiller » dans des « querelles » politiciennes. Il est vrai qu’un Président de la Cour suprême qui s’aventurerait à s’en référer trop souvent au juge constitutionnel contre une loi votée par l’Assemblée nationale, pourrait très rapidement se voir taxer de faire de la politique plutôt que de défendre des droits garantis par la Constitution.
Le mode de saisine politiquement fermé et restreint explique la situation de léthargie institutionnelle dans laquelle est actuellement plongée la Cour constitutionnelle et l’extrême pauvreté de sa jurisprudence en matière de contrôle de constitutionnalité des lois.
C’est pourquoi outre le courage et l’indépendance d’esprit dont ses membres se doivent de faire montre à l’occasion des rares saisines de l’institution en matière de contrôle de constitutionnalité, les défis de la Cour constitutionnelle engagent également le constituant malien lui-même à la sortir de l’archaïsme de son mode de saisine en matière de contrôle de constitutionnalité des lois. La modernisation du mode de saisine de la Cour constitutionnelle en cette matière doit permettre au citoyen et justiciable de faire valoir lui-même les droits fondamentaux qu’il tire de la Constitution d’une part et d’autre part de purger l’ordonnancement juridique national de toutes dispositions inconstitutionnelles.
C’est ce double objectif qui est susceptibles de garantir l’existence d’un Etat de droit et la protection des droits et libertés fondamentales du citoyen. Le dernier projet avorté de révision constitutionnelle en avait heureusement conscience en préconisant que « les dispositions de loi qui concernent les droits fondamentaux reconnus à toute personne par la Constitution peuvent être soumises à la Cour constitutionnelle par voie d’exception à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction suivant les modalités définies par une loi organique».
Dr Brahima Fomba
Chargé de Cours aux Facultés de Droit
Coordinateur scientifique de l’Association de recherche Groupe ODYSSEE
Copyright Malijet © 2008 - 2016. Tous droits réservés
Commentaires

Titrologie



L’aube N° 429 du

Abonnez vous aux journaux  -  Voir la Titrologie
Sondage
Nous suivre

Nos réseaux sociaux


Comment