Désormais deux exclus, l’un de la vie sociale, les syndicats et l’autre du champ politique institutionnel cohabitent ensemble avec en commun une égale amertume contre la gestion du pays par le régime en place. Alors à quoi vont ressembler les prochains jours ?
Dans un moment de détresse, Shakespeare le célèbre dramaturge anglais s’écriait : ”combien le train du monde me semble lassant, insipide, banal et stérile”. Au Mali, les affaires en sont aujourd’hui à cette étape où la déprime semble prendre de l’ascendant sur l’enthousiasme des beaux jours qui ont vu le triomphe de l’avènement du régime d’Ibrahim Boubacar Keita.
Les débats sur la mise en place des autorités intérimaires ont provoqué une césure entre les membres de la mouvance présidentielle, qui se répartissent désormais entre partisans et adversaires. A cette donne vient se greffer l’effet de contagion sociale qui a aujourd’hui affecté les milieux syndicaux. La semaine passée, la CSTM a, au cours d’une marche pacifique battu le pavé pour dénoncer les tares du régime. Selon les organisateurs, par cette manifestation, ils attendaient protester contre les mauvaises conditions de vie et de travail des masses laborieuses ”le non respect des engagements pris par l’Etat, les multiples violations des lois, des conventions internationales ratifiées par le Mali, des droits humains et des libertés individuelles et collectives ainsi que l’état de dégradation de la situation scolaire et de la santé”.
D’autres griefs des marcheurs, selon Hamadoun Amion Guindo, concernaient l’accaparement des terres et l’expropriation des paysans de leurs champs et même parfois de leurs villages, les licenciements massifs et abusifs des travailleurs, notamment dans les secteurs des mines, l’accroissement du taux de chômage des jeunes, la cherté de la vie et la paupérisation galopante de la population alors que les dirigeants vivent dans un luxe isolent. Au nombre des récriminations formulées par les syndicalistes à l’endroit du pouvoir figuraient aussi la gabegie, la corruption, le népotisme, le clientélisme, la discrimination qui ont atteint un niveau inquiétant et qui constituent aujourd’hui les piliers de la mauvaise gouvernance.
L’opposition qui a ajourné sa marche, a par la voix de son chef l’honorable Soumaila Cissé rompu le dialogue avec le pouvoir. Ainsi semblent se multiplier, petit à petit, les points de rupture entre le pouvoir en place et quelques secteurs assez importants de la vie sociale et politique. Le pire pour tout régime, fut-il populaire doit craindre, c’est l’effet de contagion. Pas besoin de jouer au mauvais prophète, mais c’est un signe du temps que le président convalescent soit confronté à une telle protestation.
Amadou COULIBALY