«Coûte que se paye par coûte que», dit l’autre. Depuis le début de ce mois, une délégation de l’Assemblée permanente de la chambre d’agriculture du Mali (APCAM), conduite par son président, Bakary Togola, était en tournée de sensibilisation dans la zone cotonnière de Siksaao. Cette délégation venue de Bamako a été bien accueillie dans quelques villages par des gens à la solde de M. Togola. Mais, il ne fallait pas oublier que des braves paysans ont encore en mémoire les bévues commises par Bakary Togola durant la campagne 2015-2016.
On se rappelle qu’après la campagne agricole 2014-2015, plus d’une dizaine de paysans de la zone de Koutiala avaient été arrêtés pour avoir réclamé des ristournes. Le nom de celui qui se classe «premier paysan» du Mali a été cité dans cette affaire. Il est parvenu à confisquer les dus de nos parents.
Après la campagne écoulée (2015-2016), les cotonculteurs du Mali ont encore été privés de leurs ristournes. La majorité des paysans de la région de Sikasso étaient prêts à boycotter la culture de l’or blanc courant la campagne 2016-2017 si leurs ristournes de la saison écoulée ne sont pas payées et si le prix du kilo du coton graines ne grimpe pas.
Campagne pour l’APCAM
Alors que Bakary Togola, en fin de mandat et espérant revenir à la tête de l’Assemblée l’APCAM, il était au four et au moulin pour défendre la cause des producteurs. C‘est ainsi que lors de sa campagne dans la région de Sikasso, il a été interpellé par rapport à la situation des ristournes. M. Togola, ne pouvant pas donner une réponse immédiate, était obligé de prendre un rendez-vous, s’il est réélu.
Sans gène, ni honte, le nomade politique herche à balayer le chemin. Il choisit un point de chute. C’est ainsi qu’il atterrit avec armes et bagages dans les rangs du RPM, le parti au pouvoir. L’enfant de Niamana est arrivé à s’imposer à la section RPM de Bougouni. Il est élu secrétaire au Développement. Avec la complicité du ministre de l’Agriculture de l’époque, M. Togola est réélu président de l’APCAM.
Il faut noter que chaque année, les autorités de notre pays transmettent la nouvelle tarification du kilo du coton graines aux cotonculteurs courant le mois d’avril.
Ainsi, cette année, le prix du kilo du coton graines pour la campagne 2016-2017 est fixé à 250 FCFA contre 210 FCFA lors de la campagne précédente. Soit une augmentation de 40 FCFA.
Cette décision a été prise au cours de la 6ème édition du Conseil supérieur de l’agriculture tenu, le 31 mars 2016, au palais de Koulouba. On comprend aisément cette politique d’augmentation du gouvernement quand on sait qu’il projette une production de 650.000 tonnes pour la campagne 2016-2017. On le sait, cet objectif ne pourrait être atteint sur fond de tension.
Bakary Togola, au parfum de la décision gouvernementale, a voulu prendre le devant pour annoncer la bonne nouvelle dont il pense être le seul à engranger les bénéfices. C’est ainsi que depuis le début de ce mois d’avril, il a commencé à sillonner certaines zones favorables à ses tripatouillages pour, selon lui, les remercier de la campagne battue à sa faveur et les informer de la nouvelle augmentation du prix du kilo du coton graines pour la campagne à venir, mais en gardant le silence radio dans l’affaire des ristournes.
Au cours de sa tournée, le paysan pilote et sa délégation ont été applaudis par certains cotonculteurs à qui il a toujours distribué de l’argent. Par contre, d’autres ont encore en mémoire l’affaire de leurs collègues arrêtés dans la zone cotonnière de Koutiala en 2015 pour avoir défendu une cause commune : les ristournes de 2014-2015. Aujourd’hui, nos paysans vivent encore les séquelles des 40.000 tonnes d’engrais frelatés que Bakary Togola et son ministre Tréta avaient distribués aux paysans durant la campagne 20145-2016. Aujourd’hui, ces engrais sont encore dans nos murs. Des magasins ont reçu déjà des engrais de mauvaise qualité.
En janvier dernier, un village de la commune de Kléla a reçu 300 sacs et sur les 300 sacs, seuls 45 sacs étaient de bonne qualité. M. Togola en sait quelque chose et ne devrait pas oublier qu’il était attendu de pied ferme. Il n’était donc la personne idéale qui devrait aller sensibiliser les cotonculteurs pour qu’ils acceptent de cultiver du coton et surtout d’augmenter les surfaces cultivables, afin atteindre les objectifs du gouvernement.
C’est dans cette situation chaotique que la tournée régionale du président de l’APCAM lui a conduit dans le village de Doumanaba, le dimanche 10 avril 2016. A leur arrivée, la délégation a été bien accueillie. Au cours de la rencontre avec la population, la parole a d’abord été donnée aux hôtes comme pour dire «aw bisimila».
Les complices de Bakary Togola ont fait ses louanges, avant d’agresser toute la communauté paysanne de Sikasso en ces termes : «Vous les paysans, vous dites toujours que les intrants sont chers, ils ne sont pas de bonne qualité. Qui peut nous dire qu’il ne vend pas ses intrants. Vous prenez les produits d’un hectare à crédit et vous utilisez la moitié dans un hectare et demi.
Le reste, vous le vendez aux ruraux, sachant que vous devrez à la fin de la campagne. Comment voulez-vous s’attendre au rendement prévu ? Est-ce que c’est Bakary Togola qui les vend. Alors, il faut situer la responsabilité. Vous êtes vos propres ennemis. M. Togola est là pour la réussite du monde paysan. Lui-même il est cotonculteur comme vous. Donc soyons sérieux et appeler les choses par leur nom, M. Togola ne peut que chercher à vous aider…».
Furieux, le chef de village de Doumanaba retire la parole à l’idole de Bakary Togola et la donne au porte-parole du village qui, à son tour, a d’abord remercié la délégation pour son courage. Sans autres formes de procès, il a posé une seule question à la délégation à savoir : «Par la volonté de qui et par quel chemin vous êtes venus dans notre village pour parler de la sorte» ?
Avant d’ajouter : «Où étiez- vous l’année dernière quand Bakary Togola et Bocari Tréta nous ont apporté 40.000 tonnes d’engrais frelatés ? Vrai ou faux ? Donc, nous avons toujours en mémoire cette affaire. Ne venez pas nous agresser chez nous. Nous savons que ces propos ne sont pas de vous les intervenants.
Ils vous ont été dictés par qui de droit, sans savoir que nous sommes là aussi. «Vous aviez oublié que le serpent est sur terre, le pied est sur terre, un jour ils se croiseront». Est-ce que c’est parce que nous vendons les intrants que Bakary Togola a bloqué nos ristournes des deux dernières campagnes. Donc, sans aller loin, si vous pouvez, déguerpissez notre village avant que les choses ne tournent mal.»
Après l’intervention du village, le chef de la délégation a tenté de calmer les ardeurs «A y sabali- A yi sabali», mais en vain. Sur ce, la population n’a pas tardé à se révolter. «Foutez le camp, foutez le camp, vous êtes de escrocs. Toi, on va te tuer». Il s’agit du dernier intervenant de la délégation.
Cette réaction a été immédiatement suivie de jet de cailloux. Sage qu’il est, le chef village de Doumanaba est arrivé à calmer la population. Mais la réunion n’a pu se dérouler à hauteur de souhait. M. Togola et ses hommes ont quitté le village la tête basse. Quelle honte !
Ainsi, s’est interrompue la tournée régionale de la délégation de l’APCAM.
Y.C