Définitivement « empruntés » par des indélicats, charcutés par des étudiants, mal entretenus et en nombre insuffisant, les documents sont également peu adaptés aux programmes scolaires
La bibliothèque est un environnement éducatif et culturel qui favorise le développement de l’élève en cohérence avec le programme de formation de l’école. Mais, celle-ci ne peut remplir sa mission pédagogique, éducative et culturelle sans une implication réelle des principaux acteurs de la formation, c’est-à-dire les élèves, les enseignants et la direction de l’école.
De nos jours, beaucoup d’écoles publiques et privées au Mali sont dotées de bibliothèques, aussi bien au niveau fondamental que supérieur. Cependant, la plupart de ces bibliothèques subissent une crise de documentation. En effet, peu d’entre elles possèdent des livres adaptés aux programmes scolaires. Cette situation constitue un réel handicap pour, à la fois, les enseignants, les élèves et les étudiants.
Quel est l’état des bibliothèques dans les écoles de la capitale ? A l’école fondamentale Mamadou Konaté, il n’existe qu’une poignée de livres dans l’unique bibliothèque. La plupart des élèves de cet établissement du centre-ville sont obligés d’aller lire à la bibliothèque toute proche du Centre d’animation pédagogique (CAP) de Bamako-Coura, riche de 501 livres de fiction et de 188 documentaires. La structure est gérée par Boukari Fofana. Dans la circonscription du CAP de Bamako-Coura, témoigne-t-il, les bibliothèques scolaires sont presque inexistantes à l’exception des écoles catholiques privées. « Dans certaines écoles publiques, il y a certes des bibliothèques, mais elles ne sont pas fonctionnelles à hauteur de souhait à cause du manque de documents », explique le bibliothécaire. Notre interlocuteur souligne d’autres problèmes comme le manque d’intérêt pour la lecture chez les élèves et l’insuffisance de documents adaptés aux programmes scolaires.
A la bibliothèque de l’École normale supérieure (ENSUP), devinez que est le problème majeur ? La documentation. « La plupart de nos documents sont très anciens et, du coup, ils ne sont pas adaptés aux programmes. Dans ces conditions, il est très difficile d’appliquer le système LMD », souligne Badjan Diarra, le responsable de cette bibliothèque dotée de 1780 ouvrages. Le bibliothécaire assure que de 2002 à nos jours, la bibliothèque n’a reçu aucun livre de l’Etat. « C’est l’UEMOA, indique-t-il, qui est venue faire un don de 18 titres il y a de cela un mois ».
A l’Université des lettres et sciences humaines de Bamako (ULSHB), la bibliothèque souffre également d’un problème de documentation. Pourtant, avec le système LMD (licence, master, doctorat), la bibliothèque est primordiale car ce sont 55% du temps de l’étudiant qui est consacré à la recherche. « Cette bibliothèque a été créée en 2009, mais jusqu’à nos jours elle n’a reçu que deux dotations, en 2010 et 2014 : un don de la coopération française et un autre de l’ambassade des États-Unis. Le fonds affecté à la documentation est insignifiant », juge le conservateur de cette bibliothèque, Touré Sané Ahmadou Sidi. « Il est souvent difficile de trouver certains documents demandés par des chercheurs et étudiants. Et parfois même, les livres inscrits au programme ne sont pas disponibles. Les étudiants sont alors obligés d’aller à l’Institut français ou au Centre culturel américain », ajoute-t-il.
A la Faculté de droit public logé dans l’enceinte de l’ex-ENA, le centre de documentation possédait en 2001 environ 13 000 livres et 60 000 mémoires. Mais au fil des ans, une partie de ces documents a été abîmée par la pluie. « Aujourd’hui, il n’y a plus que 5.000 livres et 22.000 mémoires. En dehors des intempéries, d’autres mauvaises pratiques ont contribué à appauvrir la bibliothèque. Certains professeurs prenaient des livres et ne les ramenaient pas, tandis que des étudiants enlevaient des pages pour les garder », confie le bibliothécaire Mohamed Altanata.
Avec l’arrivée d’une nouvelle équipe de direction, la bibliothèque de la Faculté de droit public est redevenue fréquentable. Les étudiants viennent y préparer leurs travaux dirigés (TD). « Depuis 7 ans, cette bibliothèque n’était presque pas opérationnelle. Je dirai même qu’elle était à l’abandon. Quand il pleuvait, l’eau entrait de tous les côtés. Le reste des documents que l’on a pu récupérer a été transféré au niveau de la faculté de droit privé. Mais, 80% des livres récupérés avaient des pages en moins car les étudiants les enlevaient au lieu de faire des photocopies.
Avec l’aide de la coopération luxembourgeoise, la bibliothèque est redevenue utile fréquenter à partir de 2015 », explique le vice-doyen de la faculté, Yacouba Koné. Ce dernier déplore qu’aucune politique n’ait été mise en œuvre par l’Etat pour faire de cette bibliothèque un temple du savoir digne de ce nom.
Compte tenu des multiples difficultés qu’ils rencontrent au quotidien, les bibliothécaires de l’enseignement supérieur ont créé un regroupement baptisé Association des professionnels de l’information documentaire de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (APID/ESRS). Elle s’emploie à promouvoir et développer des unités documentaires au sein des établissements de l’enseignement supérieur.
Babba B. COULIBALY