Il est arrivé enfin, est-on tenté de dire. Au bout d’un suspense intenable, la tragédie suscitée par la longue absence du chef de l’Etat a finalement connu son ultime épilogue avec l’atterrissage de l’avion présidentiel sur le tarmac de l’Aéroport International Modibo Kéïta Sénou, hier après-midi, aux environs de 16 h 30. Aussitôt arrivé, le président de la République a été discrètement et modestement acheminé à son domicile qui tient lieu également de résidence, mettant fin ainsi aux ragots et autres affabulations du reste provoqués par une approche très peu habile de la situation de la part de l’administration présidentielle. Et pour cause.
Evacué en catimini pour un soin médical peu ordinaire, le peuple n’a appris mot de l’absence de son président, ni des motifs de son déplacement qu’à la fin de l’opération, dont il a été l’objet dans un centre de santé français.
On apprend, par la même occasion, que le président de la République souffrait d’une tumeur bénigne et qu’il en a été finalement soulagé par une intervention menée de main de maître par de grands spécialistes en la matière. Comme pour savourer un triomphe du chef de l’Etat d’une situation où il aurait pu laisser la vie, les communiqués qui en font cas poussent la jubilation au point d’entrer dans les moindres détails, avec des précisions sur la zone spécifique que l’intervention a concernée : la parathyroïde. Mais, il nous revient, de source documentaire, que les «tumeurs bénignes» au niveau de l’organe en question ne nécessitent point une intervention. De quoi justifier un rebondissement des suspicions et commentaire sur la nature réelle du mal dont souffre le chef de l’Etat.
Qu’à cela ne tienne, l’illustre patient donne l’air d’être quand même requinqué à bloc de son alitement. Quoique quelques séquelles de sa brève convalescence soient perceptibles à l’œil nu, il est apparu, Mercredi soir sur le petit écran de l’Ortm, au mieux de sa forme avec notamment une voix beaucoup plus vigoureuse que naguère. Au bas mot, IBK ressemblait moins à un revenant qu’avant son épreuve médicale et la dextérité des gestes tout comme la clarté de son articulation verbale en dit long sur un personnage apparemment ressuscité.
Au demeurant, à la résurrection physique s’ajoute une impressionnante résurrection politique qui peut se juger au niveau du langage ainsi qu’à la claire perception qu’il semble désormais se faire de son rôle de premier responsable de la nation. C’est du moins l’impression qui se dégage de l’intervention qu’il a faite en langue nationale pour expliquer les contours de sa souffrance et l’heureux aboutissement de l’intervention qu’elle a suscitée. Pour la circonstance, le chef de l’Etat a pris soins de se passer de toute démarcation entre ses concitoyens, en appréciant notamment la compassion populaire, dont il a été l’objet de leur part, toutes tendances confondues.
«Je ne fais aucune distinction entre les Maliens et je demande au Tout-Puissant de faire en sorte que je ne l’oublie jamais», a-t-il déclaré en substance, invitant par la même occasion ses compatriotes à se donner la main pour faire face à la grande crise qui menace le pays depuis 2012.
Ce faisant, le ‘’tout nouveau’’ président de la République donne l’air d’avoir tiré suffisamment d’enseignements de son épreuve pour prendre la mesure réelle de la situation au Mali : un pays soustrait à l’autorité de l’Etat sur deux tiers de son territoire où, le consensus et le rassemblement autour de l’essentiel semblent manifestement plus de mise que la logique d’opposition pour laquelle le chef de l’Etat nouvellement élu avait lui-même opté en poussant le camp de son challenger hors de la gestion des affaires.
Mais, avec la nouvelle posture ainsi affichée, on peut s’attendre, en définitive, à ce que le président IBK change de fusil d’épaule au nom de l’impérieuse nécessité de tirer profit de l’ensemble des valeurs dont regorge le Mali pour le préserver des menaces qui continuent de peser sur son existence, en dépit d’avoir décroché un accord avec les groupes sécessionnistes. À l’adversité des facteurs qui font obstacle à sa mise en œuvre ne peuvent ne sauraient se greffer une adversité politique interne. C’est ce qu’IBK semble avoir intégré désormais.
A KEITA