Notre pays s’apprête à vivre le 1er mai le plus fade de ces cinquante-six dernières années. Dimanche, la fête du travail s’annonce aussi noir pour les travailleurs de tous ordres que rouge pour le citoyen ordinaire au ventre creux. Au point que les sceptiques s’interrogent si le traditionnel défilé sur le Boulevard de l’indépendance et la Promenade des Angevins aura lieu, tant la marmite boue entre le gouvernement et les centrales syndicales et leurs membres affiliés.
Jadis, le 1er mai n’avait d’égal que le 22 septembre tant la fête internationale du travail et celle de l’indépendance nationale étaient célébrées avec faste et ferveur. Comme le défilé et les parades militaires à l’occasion du « 22 », les longues files indiennes des travailleurs (le 1er mai) offraient de belles vues d’uniformes rivalisant en éclat et en motifs, en rire et en sourire, en salutations et en démarches ; bref, les travailleurs et le public (amassé sous les bâches de la tribune de la Bourse du travail et aligné tout le long du Boulevard) vivaient un intense moment de fierté de soi, du pays et des richesses culturelles du Mali.
Si nous replongeons ainsi dans le passé, c’est pour mesurer la casse d’avec le 1er mai prochain qui présente tous les symptômes d’un échec patent à moins d’une hypocrisie montée par les autorités.
En effet, cette année, la fête du travail intervient dans un double contexte de guerre ouverte entre le gouvernement et tous les syndicats de travailleurs, et de crise économique et financière sans précédent. La Cstm affûte ses armes pour la grève des 3 et 4 mai. Le Syneb prend la relève le lendemain (5 et 6 mai). L’Untm brandit l’épée de Damoclès. L’UIG est en débrayage illimité depuis le 8 mars. L’Ensup a posé craie. Les écoles privées (cycle secondaire) sont en grève illimitée. Les travailleurs de l’hôpital Gabriel Touré ont instauré un sit-in quotidien. Les syndicats de la Police, de la Coses, du SAM, de l’Ortm etc. sont tous sur le pied de guerre. Trop de mécontentement, de déception, de griefs pour avoir le cœur et l’esprit à la fête !
Sékou Tamboura