Alors que toutes les thèses créditent la responsabilité du chef d’Ansar Eddine, Iyad Ag Ghaly, dans l’orchestration de la manifestation violente de Kidal, le 18 avril dernier, la MINUSMA dans son rapport d’enquête préliminaire nage entre deux eaux troubles. Un faisceau d’indices confondants existe pourtant qui devrait rapidement dissiper le mystère.
Selon les éléments de l’enquête préliminaire diligentée par la MINUSMA, afin d’établir les faits concernant une manifestation violente qui a eu lieu, le 18 avril dernier, à l’aérodrome de Kidal, ‘’les premières constatations n’ont, à ce stade de la procédure, pas permis de déterminer l’origine des tirs meurtriers avec certitude’’. Si le chef de la Mission onusienne, Mahamet Saleh Annadif, promet de procéder à ‘’une investigation plus approfondie pour établir les faits exacts’’, il n’en demeure pas moins qu’il existe d’ores et déjà de signes évidents d’instrumentalisation de cette manifestation qui ne résulte pas de l’opération du Saint-Esprit. D’où, les interrogations légitimes sur l’attitude ambiguë de la MINUSMA. N’éviterait-elle pas de vexer la Coordination des mouvements armés (CMA) et particulièrement le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad et le MNLA en produisant un rapport mi-figue mi-raisin sur l’origine des tirs et en faisant l’impasse sur les faits et circonstances ?
Le paradoxe
Paradoxalement, le chef de la Mission onusienne dans notre pays fait preuve de fermeté en martelant : ‘’cependant, le recours à la violence, sous quelque forme que ce soit, envers nos forces, ainsi que la destruction de nos installations au niveau de l’aérodrome sont inacceptables.
Point besoin d’être un foudre d’intelligence pour réaliser que la MINUSMA manie le bâton (pour une des rares fois) et la carotte (comme toujours) face à ces mouvements armés qui surfent sans modération sur une tradition d’intimidation bien ancrée. Toute capitulation, face à eux, revient à signer son arrêt de mort. Ce que la MINUSMA a malheureusement fait depuis son arrivée.
Autrement, il est difficile, voire impossible, de ne pas mentionner une connexion entre les manifestants et le chef d’Ansar Eddine. En effet, plusieurs témoins présents à la manif, ce lundi 18 avril à Kidal, rapportent que des combattants infiltrés d’Ansar Eddine ont été vus parmi les manifestants à l’aérodrome. Il y a peu de chance qu’il y ait erreur sur la personne dans la mesure où ces combattants résidaient à Kidal avant l’arrivée des militaires de Serval, s’ils n’en sont pas originaires.
Les mêmes sources indiquent qu’ils étaient là et bien armés ! Sous anonymat, elles rapportent toutes que ce seraient bien les combattants infiltrés d’Ansar Eddine qui auraient tiré les premiers vers la MINUSMA et probablement même vers la foule. Ces témoins sont encore vivants et encore à Kidal. Il est curieux que le rapport de la MINUSMA ne fasse cas d’aucun de ces témoins, de ce qu’ils ont vu et entendu.
Il faut noter également que de nombreuses sources indiquent que les manifestants ont été transportés à l’aéroport à bord de véhicules et de motos pour provoquer les forces internationales et lancer des slogans islamistes. Si Alghabass Ag Intalla reste encore dans le giron islamiste, il ne se risquerait tout de même pas à lancer des slogans islamistes, lui qui a été contraint et forcé de changer de dénomination de son mouvement (mouvement islamique de l’Azawad (MIA) devenu Haut conseil pour l’unité de l’Azawad) et de se laïciser pour être fréquentable comme le MNLA.
L’orchestration
L’organisation de la manifestation, sa dégénération, le défouloir choisi (les forces internationales) attestent à suffisance que cette manifestation de Kidal avait tout sauf l’image d’une spontanée manifestation d’humeur de la population. Tout cela a été planifié et exécuté avec une précision d’horloger. Question d’imposer l’arrêt des arrestations de narcotrafiquants opérées par la Force Barkhane. Il faut dire aussi que dans le cadre des recherches visant à retrouver les auteurs de la charge explosive sur laquelle un véhicule militaire français a sauté, après la violente manifestation, la Force Barkhane a décidé de sévir.
Le chef de la MINUSMA devrait logiquement comprendre et dénoncer la complicité entre les responsables de la CMA et les orchestrateurs de la Manif qui a eu de lourdes conséquences. Ce, d’autant plus qu’il n’a pas hésité à soutenir : ‘’ce sont des actes délictueux qui n’honorent personne et bénéficient avant tout aux ennemis de la paix, à moins que les instigateurs de ces manifestations soient eux-mêmes contre la paix’’.
La vérité est que ceux qu’on désigne comme tels, à savoir Iyad dans le cas présent, ne sont pas les seuls ennemis de la paix. En pactisant avec ce chef djihadiste, la CMA le devient forcément. D’ailleurs, tous les indices concordent à dire qu’elle l’a toujours été.
Accusation fondée
L’accusation est loin d’être gratuite. Et pour cause, les campeuses de l’aéroport de Kidal qui seraient au nombre d’une vingtaine, selon des sources bien informées, «sont instrumentalisées par leurs maris, des gens du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) et du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA). L’on en veut pour preuve que c’est Zeina Wallet llady, la femme de Cheick Ag Aoussa, le N° 2 du HCUA et ex-chef militaire du groupe djihadiste Ansar Eddine, qui est à la tête de ces femmes qui campent sur la piste d’atterrissage de l’aéroport de Kidal.
L’activisme de cette dame lève définitivement le voile sur les rapports qu’entretiennent les anciens chefs rebelles avec Iyad, dont les éléments sont fortement soupçonnés d’avoir délibérément tiré en direction des soldats de la paix et de la foule. Les faits parlent d’eux-mêmes. Iyad a revendiqué l’attentat qui a causé la mort de trois soldats français. En représailles, la Force Barkhane procède à des arrestations. Et ce sont les épouses et enfants des chefs de la CMA qui manifestent violemment et vandalisent l’aéroport pour exiger la libération des individus alpagués. Il devient donc clair et limpide que CMA et Ansar Eddine ont des atomes crochus et des intérêts communs à défendre ensemble. Ce d’autant plus, rapportent beaucoup de sources, toutes les personnes arrêtées par la Force Barkhane sont liées au narcotrafic et ont des liens établis avec les djihadistes, notamment Ansar Eddine. Même au prix du sang, il fallait mettre un terme aux arrestations de personnes qui gêneraient considérablement le business juteux du narcotrafic à Kidal.
La cruauté
À la lumière de ce qui précède, l’on comprend aisément le sens des revendications des campeuses de l’aérodrome de Kidal : la libération et la remise à la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) de toutes les personnes détenues par la force Barkhane qu’elles soient coupables ou non ; l’arrêt immédiat des perquisitions de domicile par les forces françaises ; la reconnaissance par la Minusma des deux victimes décédées lors de la manifestation de lundi dernier ; l’évacuation urgente par les forces onusiennes des blessés et la délocalisation de l’aéroport de Kidal loin des habitations de la ville.
En définitive, que les femmes et leurs maris de narcotrafiquants défendent leur beefsteak, cela les engage. Que Iyad décide de représailles contre la France à qui il a déclaré la guerre et qui lui a fait l’offense d’arrêter certains de ses combattants, à travers cette morbide manifestation de Kidal, l’engage. Mais le fait d’aller chercher des enfants à l’école, en plein cours, pour les mettre ensuite au cœur d’une manifestation dont la violence était connue d’avance, parce que suscitée à cet effet, est un crime. C’est dire jusqu’à quel point, les djihadistes (Ansar Eddine et CMA) sont prêts à aller, pour défendre leurs intérêts.
Par Bertin DAKOUO