La huitième session ordinaire du Comité de Suivi de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation Nationale au Mali (CSA) s’est tenue lundi et mardi derniers au CICB.
La session avait à son ordre du jour : présentation par le Gouvernement des suites données aux recommandations formulées par les sous-comités lors de la septième session du CSA, point sur le forum de Kidal. Elle a en outre examiné et discuté du rapport du sous-comité sur les questions politiques et institutionnelles, de défense et de sécurité.
Elle a enfin abordé des questions relatives au développement socio-économique et culturel, à la réconciliation, à la justice et à la composition du CSA.
Après deux jours de discussions tendues, les positions sont restées tranchées sur les questions de fond, en tout cas celles dites essentielles pour ne pas dire préalables.
Estimant que la période intérimaire constitue le premier pas dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord, la CMA et la Plateforme accusent le Gouvernement de bloquer la mise en place des autorités intérimaires et au niveau de l’opérationnalisation du MOC, le mécanisme opérationnel de coordination. Aussi, les groupes armés signataires, en bloc, conditionnent désormais tout progrès au niveau des mécanismes sécuritaires à des progrès tangibles sur les questions politiques.
Pour la CMA et la Plateforme, la priorité doit être accordée à l’installation des autorités intérimaires qui pourraient faciliter la mise en œuvre des autres aspects de l’Accord. En d’autres termes, les la CMA et la Plateforme disent «nous pas bouger » si le Gouvernement ne met pas en place les autorités intérimaires. Esseulé dans le ménage à trois avec les groupes armés qui trinquent désormais dans une parfaite symphonie, le Gouvernement se défend de tout blocage imputable à sa volonté. L’État étant de droit, le Gouvernement explique son souci d’avoir le feu vert de la Cour constitutionnelle, saisie par l’Opposition, avant de mettre en place les autorités intérimaires.
Comment surmonter la divergence sur la question ? La médiation ainsi que les garants de l’Accord mettent les signataires face à leurs responsabilités en vue de la pleine réalisation des objectifs fondamentaux inscrits dans l’Accord pour la paix auquel chacun a volontairement et totalement adhéré.
En effet, si hier, dans un optimisme partagé, chacun des signataires et la Communauté internationale se réjouissaient des progrès sur le terrain (absence de belligérance, concertations entre parties, cantonnement…), aujourd’hui donc force est de constater que la réalité sur le terrain semble valser. Les derniers développements de la situation, notamment au plan sécuritaire et humanitaire, sont autant des sources d’inquiétude que l’exigence supplémentaire des groupes armés quant à la mise en place du MOC (Mécanisme opérationnel de coordination). Même si un arrangement a, semble-t-il, été trouvé sur ce point.
Face aux positions presque inconciliables notamment sur la question des autorités intérimaires, la Médiation conseille aux signataires d’agir avec beaucoup de bonne volonté, une plus grande sincérité et le plus grand des engagements en faveur de la paix et de la réconciliation.
Parce que notre pays n’a pas le devoir de faire un rétropédalage a fortiori une remise en cause. Il devient donc fondamental pour les acteurs de restaurer entre eux le sérieux et la confiance en continuant à travailler ensemble, à réfléchir ensemble aux solutions idoines pour surmonter les difficultés réelles abordées lors de cette 8e session du CSA. Il y va des progrès tangibles que chacun souhaite en vue de l’accélération du processus de mise en œuvre de l’Accord.
Les difficultés constatées lors de la 8e session du CSA incitent-elles à l’optimisme quant à l’avenir du processus de paix dans notre pays ? Elles sont préoccupantes, mais leur règlement n’est pas au-dessus de la volonté des signataires. C’est ce qui ressort des différentes interventions que nous vous proposons ci-dessous :
Mahamat Saleh Annadif, Chef de la Minisma : «les obstacles qui nous ont posé quelques problèmes seront levés »
« Nous avons eu des débats assez francs, utiles même si quelques fois nous étions divergents sur un certain nombre de choses, ce qui est normal.
Je crois que ça impulse une certaine dynamique. Toutes les questions ont été abordées. C’est vrai qu’elles sont difficiles.
Le constat est qu’autant nous avons atteint notre vitesse de croisière, autant nous constatons que les défis demeurent nombreux, difficiles peut-être à surmonter. Mais je crois qu’avec les dispositions que nous avons prises, j’espère que la dixième session se tiendra dans une atmosphère de pleine confiance et on constatera que tous les obstacles qui nous ont posé quelques problèmes seront levés. Particulièrement par rapport à cette question qui revient à chaque fois dans nos débats, celle des autorités intérimaires, celle de l’opérationnalisation du Moc, les patrouilles mixtes et ainsi de suite ».
Almou Ag Mohamed, porte-parole de la CMA : « sur le MOC nous avons trouvé un arrangement »
«Aujourd’hui le plus grand blocage se situe au niveau de la mise en place des autorités intérimaires et au niveau de l’opérationnalisation du MOC, le mécanisme opérationnel de coordination.
Pour nous aujourd’hui la période intérimaire constitue le premier pas dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord. Parce que vous voyez, la période intérimaire doit suivre juste après la signature de l’Accord. Si jusqu’aujourd’hui cette question n’est pas traitée et qu’on veut sauter à d’autres questions ça voudra dire qu’on veut mettre la charrue avant les bœufs. Donc cette question doit être traitée et maintenant et tout de suite sinon ce n’est pas la peine de traiter les autres questions.
Mais malgré cela nous avons travaillé sur le mécanisme opérationnel conjoint. Nous avons trouvé un arrangement. Les groupes armés CMA et Plateforme ont déjà fourni la liste des hommes qui doivent constituer ces unités mixtes. Le gouvernement doit en fournir, les FAMAS doivent en fournir. Maintenant le blocage à ce niveau c’est au niveau du traitement qui sera réservé à ces hommes.»
Haballa Ag Hamzata, porte-parole de la Plateforme : «Tout le monde attend les autorités intérimaires avec impatience »
« C’est la question de chefferies au sein du CSA. Toute la question repose aujourd’hui sur la mise en place des autorités intérimaires. Tout le monde attend les autorités intérimaires avec impatience. C’est avec les autorités intérimaires que nous pouvons avoir de l’espoir. C’est avec les autorités intérimaires que nous pouvons dire aussi que l’État existe aujourd’hui au nord.
C’est pourquoi nous insistons auprès de la Communauté internationale, auprès du gouvernement malien pour que ces autorités soient installées dans les meilleurs délais. Une fois qu’on a mis en place les autorités intérimaires, ce sont ces autorités intérimaires qui vont contribuer à la sécurité et qui vont travailler aussi avec le MOC, qui vont travailler aussi avec les services sociaux de base, qui serviront aussi avec l’administration, le représentant de l’État qui sera auprès des autorités intérimaires.
Donc en quelque sorte pour nous c’est vraiment l’installation de l’État au nord du Mali et c’est avec l’État que les populations peuvent avoir les dividendes de l’accord. S’il n’y a pas une administration comment est-ce que nous allons appliquer l’Accord. C’est impossible ».
Par Bertin DAKOUO