Les établissements privés du District de Bamako et du cercle de Kati sont en grève illimitée, depuis lundi dernier, pour protester contre ‘’la retenue, à la source’’, des impôts qu’ils doivent à l’État. Pour justifier un combat que les promoteurs privés savent d’avance illégal et illégitime, ils avancent l’absence de base légale, pour la retenue à la source de ces sous. A la veille des examens de fin d’année, l’AEPAM qui veut mener un chantage sur l’État en renvoyant les enfants à la maison, mesure pourtant toutes les conséquences pédagogiques et psychologiques de cette mesure.
De quoi s’agit-il réellement ?
C’est suite à son assemblée générale extraordinaire du 23 avril dernier que l’AEPAM a finalement décidé de renvoyer les enfants à leurs parents.
Le motif : « suite aux retenues à la source effectuées sur des paiements des établissements privés du secondaire et en l’absence de toute solution à ce problème, il a été décidé : la fermeture des établissements scolaires du niveau secondaire jusqu’à nouvel ordre », peut-on lire dans le communiqué sanctionnant son AG.
Dès le lundi 25 avril 2016, l’Association des promoteurs d’écoles privées agréées du Mali mettra sa décision à exécution, comme si toutes les portes du dialogue étaient fermées.
Surprise au ministère de l’Éducation nationale
‘’Nous avons été surpris de constater que depuis lundi 25 avril 2016, l’Association des Écoles Privées Agréées du Mali (AEPAM) a procédé à la fermeture des établissements Privés scolaires du niveau secondaire jusqu’à nouvel ordre. Cette fermeture intervient à un moment où le dialogue était régulier entre le département et son partenaire l’AEPAM, autour de plusieurs sujets d’intérêt commun, dont la situation des retenues à la source effectuées sur des paiements des établissements privés’’, nous a confié une source au ministère de l’Éducation nationale.
Reconnaissant toute la place et l’importance de ces établissements d’enseignement privés dans la satisfaction de la demande d’éducation au Mali (65 % des effectifs d’élèves de l’État encadrés), le ministre de l’Éducation bien que souscrivant à la logique de paiement des impôts par les établissements privés, comme le veut la loi des finances, s’est impliqué auprès de celui de l’Économie et des Finances pour trouver un terrain d’entente entre les deux parties en vue de la prise en compte de certaines spécificités pour lesdits établissements, en raison de leur accompagnement au système éducatif malien.
Dans sa correspondance en date du 21 avril intitulée : « lettre d’information » au ministre de l’Éducation nationale, l’AEPAM reconnait bien cette bonne foi du ministre de l’Éducation nationale à trouver rapidement une issue heureuse à sa préoccupation.
Refus déguisé de se soumettre au fisc
‘’Le bureau de l’AEPAM a tenu une réunion extraordinaire ce 21 avril 2016. Le seul et unique point à l’ordre du jour a concerné la retenue à la source des fonds alloués à certains établissements opérée à la perception de Kati. Devant cette situation extrême, malgré votre implication personnelle, ce problème d’imposition reste entier’’.
Malgré cette implication réelle, il semble que l’AEPAM n’est pas dans la logique de faire pression sur ses brebis galeuses qui ont quand même l’obligation d’être en règle vis-à-vis du fisc. Pour un règlement de la divergence, l’AEPAM, au lieu de reconnaitre sa faute et de trouver un terrain d’entente semble monter les enchères : ‘’dans l’espoir de parvenir au plus vite à l’apaisement dans l’espace scolaire, l’AEPAM fonde toujours l’espoir que votre auguste autorité est encore sollicitée pour aboutir : au reversement intégral des sommes retenues ; à la cessation de toutes formes de retenues’’, appelle l’association.
Aussi, entre le jour de la tenue de sa dernière Assemblée Générale extraordinaire (samedi 23 avril et le lundi 25 avril (jour de la fermeture des classes, deux jours non ouvrables)), l’AEPAM n’a laissé aucune chance au ministre TOGO d’entreprendre une quelconque démarche auprès de son homologue des Finances pour dénouer la situation. Aujourd’hui, ce sont les enfants du Mali qui sont ainsi pénalisés à quelques encablures des examens de fin d’année.
Le forfait des promoteurs indélicats
Si l’AEPAM parle de retenue d’impôt à la source sur des bases illégales, à Kati d’où est partie la grève, le chef du centre des impôts, Alidji Sidi TOURE, se défend pourtant sur les motifs de sa décision de retenue.
Selon M. TOURE, que nous avons pu rencontrer, la plupart des écoles relevant du cercle de Kati évoluaient sans déclarer leurs chiffres d’affaires aux services des impôts. Malgré les nombreuses campagnes de sensibilisation initiées par son service pour les amener à se mettre règle, la situation n’a pas évolué. Ainsi, face au ‘’refus des promoteurs d’écoles de collaborer avec ses services, il a donc décidé, l’année dernière, de prendre la situation réelle de chaque école privée du cercle avec les services de l’éducation au moment du versement des subventions’’.
Après obtention de cette situation, il s’est rendu compte que la plupart des établissements privés qui bénéficiaient de la subvention de l’État, depuis des années, n’étaient pas en règle vis-à-vis des impôts. Pire, il s’est aussi rendu compte que les promoteurs qui payent les impôts n’avaient pas déclaré leurs chiffres réels d’affaires. C’est là entre autres motifs qui l’ont poussé à agir ainsi.
Oeuvre sociale à caractère lucratif
Si les promoteurs d’écoles privées pensent qu’ils exercent une activité à caractère social, il n’en demeure pas moins qu’elles perçoivent des rémunérations en échange de leurs activités. Donc, il s’agit bien d’une activité lucrative, sur laquelle l’État doit percevoir des impôts. C’est d’ailleurs dans ce sens que le Gouvernement leur verse une subvention pour la prise en charge des élèves qu’il envoie à ces établissements privés, dont le montant annuel dépasse plusieurs milliards de francs CFA. Comment alors ces établissements peuvent-ils être exempts d’impôts ? La question a tout son pesant d’or, car autant ces établissements se battent chaque année pour bénéficier des élèves de l’Etat, autant il est normal qu’ils paient à l’État ce qui lui revient.
Fermer les établissements scolaires à ce moment crucial de l’année pour exiger de l’État de renoncer à ses impôts de la part des promoteurs d’écoles privées est plus qu’un chantage. C’est une défiance vis-à-vis des pouvoirs publics et des parents d’élèves qui consentent eux aussi des sommes importantes pour l’encadrement de leurs enfants par lesdits établissements.
En effet, pour l’encadrement des enfants inscrits à leur établissement respectif, un contrat lie les promoteurs à l’État et aux parents des élèves. Ainsi, la fermeture des établissements en cette veille de fin d’année, avec ses conséquences incalculables, entraîne une violation des termes de ces contrats que chacun des partenaires est aussi en droit d’exiger l’application.
Cet acte de l’AEPAM est encore plus une invitation à l’État afin de penser encore plus à la réalisation et au recrutement d’enseignants pour la prise en charge efficace et efficiente d’un droit que la Constitution consacre à tous les enfants de ce pays (l’éducation pour tous). Aussi, tous les enfants sont-ils égaux face à ce droit inaliénable.
PAR SIDI DAO