Une délégation des Forces alternatives pour le renouveau et l’émergence (Fare An Ka Wuli), conduite par son président, l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé, a été reçue mardi dernier en fin d’après-midi par la direction de Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (Sadi) au siège dudit parti sis à Djélibougou.
Durant quasiment trois heures d’horloge, les deux partis, respectivement membres de l’opposition politique et de la majorité, ont abordé des sujets tant d’intérêt national que bilatéral.
Il ressort de la rencontre que malgré une parfaite convergence de vues sur plusieurs sujets relatifs à l’état de la nation, les deux partis ont encore des positions fondamentalement divergentes sur d’autres questions de fond, qu’il va falloir aplanir au fil des prochaines étapes de leurs discussions. On note à ce sujet une volonté commune des deux partis à y parvenir en vue d’un renforcement de la démocratie et de la gouvernance au Mali.
En effet, dans le cadre des échanges entre les deux formations politiques entreprises depuis quelques semaines, la visite du mardi 26 avril 2016 visait à répondre, d’une part, à celle effectuée récemment par la direction du Sadi au siège des Fare et de poursuivre, d’autre part, les discussions autour des sujets d’intérêt national et bilatéral.
Outre le président Modibo Sidibé, la délégation des Fare comprenait plusieurs membres du Secrétariat exécutif national (SEN). Du côté de Sadi aussi, le Dr. Oumar Mariko était entouré de plusieurs proches collaborateurs.
Après les civilités d’usage, Dr. Oumar Mariko a souhaité la cordiale bienvenue au président des Fare ainsi qu’à la délégation qui l’accompagnait. Il s’est félicité du nouvel état d’esprit qui caractérise les relations entre les deux formations politiques dont la première rencontre avait permis d’établir une certaine confiance et une convergence de vues sur des sujets d’intérêt commun, tant au plan national que bilatéral. La présente rencontre vise donc à approfondir les échanges afin d’en dégager des perspectives à court, moyen et long termes.
Prenant la parole, le président des Fare, Modibo Sidibé, a campé le décor à travers un bref rappel des principaux points de discussion ayant meublé la première rencontre et qui nécessitent un approfondissement. Selon le président des Fare, il s’agissait notamment de la situation nationale du pays et des questions de gouvernance, de l’accord pour la paix et la réconciliation, issu du processus d’Alger ; du positionnement des deux partis respectivement dans l’opposition politique (Fare) et la majorité présidentielle (Sadi) ; de la participation du Sadi au Forum de Kidal ; du regroupement des forces de la Gauche au Mali, entre autres.
À l’issue de longs débats autour de ces différents sujets, il ressort que les deux parties partagent une large convergence de vues sur des questions relatives à la mal gouvernance actuelle et le constat d’insatisfaction générale qui en résulte ; aux difficultés réelles qui affectent la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger ; à la généralisation de l’insécurité sur l’ensemble du territoire national ; à l’absence de perspective qui en rajoute au désespoir des populations ; à la crise de confiance entre la classe politique et les citoyens, notamment entre l’Etat et les populations...
Face à une situation si peu reluisante et à la limite inquiétante, les deux parties ont convenu de la nécessité d’une refondation de l’Etat post-colonial, qui visiblement a atteint toutes ses limites ; de la convocation d’un dialogue national regroupant toutes les composantes de la nation autour des grands sujets de préoccupation du moment afin de dégager les voies et moyens visant à consolider le tissu social, à redéfinir les rapports entre l’Etat et les citoyens en vue de récréer la confiance et l’espoir chez les populations sur toute l’étendue du territoire national ; du rassemblement des forces progressistes de la gauche autour de principes et valeurs fondés sur les réalités socio-économiques et culturelles de notre pays et de notre continent ; de reconstruire une alternative crédible capable de répondre efficacement aux enjeux et défis actuels et futurs.
Sur ce dernier sujet, les Fare proposent la création d’un «pôle de gauche» pendant que le Sadi suggère plutôt la construction d’une «gauche révolutionnaire». À ce niveau, on ne note aucune divergence de fond, malgré une approche différente.
Cependant, les deux partis ont encore des positions plus ou moins divergentes sur d’autres sujets, notamment l’inviolabilité des principes et des valeurs républicaines chère au parti de Modibo Sidibé ; le soutien réaffirmé du Sadi au gouvernement malgré tous les griefs et reproches formulés à l’encontre de la gouvernance actuelle, ainsi que l’appréciation des motivations et autres «justifications» à l’origine de la crise du Nord.
Car, si les Fare estiment qu’absolument rien ne peut et ne doit justifier que des citoyens prennent les armes, sous quelle que forme que ce soit, contre leur pays ou contre les institutions républicaines et surtout démocratiques, la position du Sadi reste moins tranchée à ce sujet et pourrait même être assimilée à une certaine «compréhension» vis-à-vis des auteurs de coups d’Etat et les mouvements rebelles.
Quant à la présence de son parti au Forum de Kidal, Dr. Oumar Mariko la justifie par la nécessité de «maintenir le contact avec toutes les parties prenantes au conflit» afin de contribuer à l’avènement de solutions politiques, seule option possible pour un règlement durable de la question. Il insiste à ce propos qu’avec ou non l’accord du gouvernement, le Sadi aurait de toutes façons participé à la rencontre de Kidal. Et Dr. Oumar Mariko de préciser qu’il urge de faire revenir les services sociaux de base dans cette région où les populations vivent dans une certaine lassitude les pires conditions de vie, à la limite du soutenable.
Il est apparu également au fil des débats quelques divergences quant au bien-fondé de l’option politique de la Social-démocratie dont se réclament le parti de Modibo Sidibé et ses camarades. Il apparaît ainsi clairement que malgré des points de convergences sur un certain nombre de sujets, il n’en demeure pas moins que les Fare et le Sadi restent «opposés» sur bien d’autres questions de fond, tant au plan national que bilatéral. Néanmoins, les deux partis ont convenu de poursuivre les échanges autour des principaux points de convergence notamment, afin de dégager de meilleures perspectives pour les deux parties et pour le Mali.
À l’issue de la réunion de mardi 26 avril dernier, un groupe de travail a été commis pour approfondir la réflexion autour de ces questions. Le résultat des travaux de ce groupe détermineront la suite des relations entre les Forces alternatives pour le renouveau et l’émergence (Fare An Ka Wuli) et Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (Sadi). Ce qui démontre la volonté des deux partis à transcender les incompréhensions et autres suspicions du passé pour aller véritablement à l’apaisement, voire à l’amélioration de leurs relations en vue d’un renforcement de la démocratie au Mali.
Faut-il rappeler qu’en l’espace d’un mois, c’est la deuxième rencontre de haut niveau entre les Fare et le Sadi, malgré une certaine «incompréhension» que la première avait suscité dans l’opinion publique. C’est aussi cela la politique ! En effet, selon le dicton «la politique peut avoir ses raisons que la raison ordinaire ignore».
B.N. SIDIBE