l y a quelques jours, le 26 avril dernier, à la clôture de la session houleuse du comité de suivi de l’accord, la CMA et la Plateforme ont sollicité l’arbitrage de l’Algérie, en tant que tête de file de la médiation internationale, dans le cadre des difficultés liées à la mise en œuvre des autorités intérimaires. Un rapprochement de circonstance entre les deux anciens frères ennemis qui en dit long sur la gêne de la Plateforme face aux autorités maliennes.
En se montrant solidaires, pour ce qu’elles ont assimilé à des difficultés liées à l’application de l’accord de paix, notamment sur la problématique des autorités intérimaires, ont saisi ensemble la tête de file de la médiation internationale, l’Algérie, à travers son ambassadeur accrédité à Bamako. Les deux frères ennemis, à savoir la CMA et la Plateforme, ont sollicité l’arbitrage de la tête de file de la médiation internationale dans le constat de blocage, lié notamment à la mise en œuvre des autorités intérimaires. Une fois n’est pas coutume, les deux parties, signataires de l’accord de paix, dont les positions sont restées le plus souvent tranchées, dont l’une d’elles, c’est-à-dire, la Plateforme est proche de Bamako, sont allées dans la même direction ; toutes deux se plaignant du retard accusé dans la mise en œuvre desdites autorités intérimaires.
On en est loin encore de la divergence d’approche entre les deux groupes armés, lors de l’organisation du forum de Kidal, où, étant tous les deux organisateurs de ce rendez-vous, la Plateforme avait renoncé sa participation, en suivant en cela l’option des autorités maliennes qui, elles, compte tenu d’une certaine intransigeance de la CMA, n’avaient pas trouvé autre posture que celle de s’en détourner. Pour accréditer la position officielle des autorités maliennes, la Plateforme, toujours acquise à la démarche de Bamako, avait, cette fois-ci, encore fait honneur à sa réputation, en déclinant tout simplement son offre de participation au forum de Kidal. Aujourd’hui, la voir cheminer avec la CMA, comme l’indique le contenu de cette correspondance en date du 26 avril dernier, par laquelle les deux parties demandent l’arbitrage du chef de file de la médiation internationale, pose problème. Et un vrai problème politique vis-à-vis des autorités maliennes avec lesquelles la Plateforme a eu des difficultés particulières pour articuler l’équation des autorités intérimaires. Et c’est justement, là où le bât blesse d’autant qu’historiquement parlant, tout au long de ce processus de paix, la Plateforme, tant bien que mal, s’est efforcée d’épouser les positions des autorités gouvernementales. Et cela, jusqu’au dernier forum de Kidal, où, comme les autorités maliennes, les responsables de la Plateforme ont tout simplement renoncé à y participer.
Si la position de la Plateforme connaît aujourd’hui une certaine ambiguïté, face à la donne, il y a peut-être lieu d’en rechercher les causes profondes, non dans un travail fractionnel qu’on pourrait reprocher aux responsables de la Plateforme dont l’attitude, saluée par tous les Maliens, a été jusqu’ici de renforcer la position des autorités maliennes dans le lourd contentieux. Mais principalement dans la capacité, voire la volonté, des autorités maliennes elles-mêmes de mettre à l’aise son grand partenaire de l’autre côté, à savoir la Plateforme qui n’a pas toujours facilement ce qu’elle veut avoir de Bamako.
Depuis belle lurette, de la signature de l’accord de paix, à l’adoption de la loi portant sur les autorités intérimaires, en passant par la mise en œuvre du comité de suivi de l’accord de paix, il est clair que la Plateforme, en tant que partenaire objectif de Bamako, a passé par plusieurs difficultés existentielles, sur lesquelles l’apport de Bamako, tant attendu, n’a pas été au rendez-vous. En prenant le pari de jouer pour les intérêts du pays, dans une crise socio-politique aussi grave que violente, comme on l’a connue dans les régions nord, il est évident, pour la plateforme, que les attentes sont nombreuses, aussi bien au niveau de ses dirigeants que des populations des régions nord du pays, lesquelles espèrent la voir jouer un rôle primordial pour elles. Si rien de tel n’apparait, il y a forcément maldonne entre les autorités maliennes et la Plateforme qui gagnera, dans l’intérêt des deux parties, à être réglée. Au risque de voir aujourd’hui, comme c’est déjà le cas pour les autorités intérimaires, les responsables de la Plateforme se rapprocher davantage de l’autre courant, à savoir la CMA avec laquelle ils peuvent cheminer, en jouant sur l’effet du nombre (deux coalisés sur trois acteurs concernés), pour faire la pression sur la médiation internationale, bousculée qu’elle est à faire arrondir les angles entre Bamako et ses principaux partenaires sur le processus de paix.
Le fait que la Plateforme se sente à la touche, n’ayant obtenu aucune substance politique réelle, de la part des autorités maliennes, en dépit de son appartenance affirmée et affichée sur la cause nationale, lui complique bien les choses sur le terrain. Les autorités maliennes doivent alors y penser, pendant qu’il est encore temps, d’autant qu’il est connu de tous ; en politique ou tout autre domaine de la vie humaine, que la nature a horreur du vide. Pour avoir fait le choix qu’ils ont, dans cette crise politique et institutionnelle, les responsables de la Plateforme, en épousant catégoriquement la cause de l’union sacrée autour du Mali, ne peuvent se satisfaire d’être aussi longtemps abandonnés à la touche, comme s’ils devenaient le gros dindon de la farce d’un processus politique, désormais mal agencé.
Sékouba Samaké