Après l’échec des premiers pourparlers entre le Rectorat et le syndicat de l’Institut Universitaire de Gestion (I.U.G), un nouveau round a débuté lundi dernier, mais impliquant cette fois-ci le ministère de la Fonction publique et le département de tutelle, l’Enseignement supérieur. Les enseignants sont maintenant à leur deuxième mois de grève.
Deux mois de grève pour une situation facilement gérable si la volonté y est. Ils sont nombreux les responsables de cet enlisement. A commencer par le Pr Samba Diallo, recteur de l’Université des Sciences Sociales et de Gestion de Bamako. Le Professeur se croirait si puissant politiquement qu’il n’est pas prêt à faire des concessions, allant jusqu’à irriter des membres du conseil de médiation.
Un bref rappel est nécessaire pour mieux comprendre le problème. Lequel porte globalement sur le non paiement d’arriérés et le cas U.F.P (Unité de Formation et de Production, les cours du soir pour faire simple). L’année dernière, les mêmes enseignants avaient débrayé pour non paiement de sous. Les deux parties avaient entamé des négociations, en présence d’un médiateur.
Un accord avait été obtenu qui donnait un mois au Rectorat pour payer la totalité des arriérés. Malgré l’engagement du Rectorat, il avait fallu attendre plus de deux mois pour payer 60% des dus. Depuis, plus rien, comme s’il n’y avait jamais eu d’accord. Cela n’est pas responsable. Le paiement des 40% restants fait partie des doléances actuelles. Auxquelles il faut ajouter le paiement d’autres frais (corrections, surveillance, heures supplémentaires, etc.) et la gestion des cours du soir. Les négociations achoppent surtout sur ce dernier point.
L’U.F.P goulot d’étranglement
Le Recteur de l’université, Pr Samba Diallo, a fait prendre par le ministre Mountaga Tall un arrêté de création d’une U.F.P au sein de l’I.U.G qui charge le Rectorat de l’élaboration des modalités de fonctionnement de cette unité (les cours du soir). A ce titre, le Rectorat a engagé six contractuels permanents pour le compte de l’U.F.P. Une première difficulté se situe à ce niveau.
Une deuxième difficulté est que, depuis la reprise des cours du soir en janvier dernier, les enseignants n’ont perçu aucun centime. Non pas faute d’argent puisqu’il a été déjà versé au Rectorat quelque 120 millions de FCFA. Or, depuis le démarrage des cours du soir dans les années 1990, les enseignants, à la faveur de la gestion qui a toujours été locale, percevaient leurs sous entre le 1er et le 3 du mois, donc pratiquement en temps réel.
Ce sont donc les nouvelles dispositions consécutives à l’adoption de l’arrêté qui ont provoqué la crise actuelle. Une crise provoquée par le Pr Samba Diallo qui voudrait faire de l’U.F.P un établissement public a part entière. Cela pose problème. Et pour cause.
L’U.F.P, une inspiration ‘’canadienne’’
L’U.F.P, selon le syndicat et des témoins de l’histoire récente, a été imaginée par les enseignants de l’établissement sur la base de l’expérience des Canadiens en la matière. L’idée était simple : organiser des cours du soir à l’intention des professionnels (formation continue) ; toute chose devant contribuer à améliorer les conditions de vie des enseignants, mais aussi celles de l’I.U.G auquel sera versée une partie des frais d’inscriptions et d’études pour l’utilisation de ses infrastructures et de son nom.
Mais le Bébé devait rester la propriété des enseignants. L’idée avait été soumise au ministre de tutelle d’alors ( Moustaph Dicko, semble-t-il) qui n’y voyait pas d’inconvénient, à condition que les fonds publics ne fussent pas utilisés à cette fin. Selon nos informations, c’est le partenaire canadien qui aurait favorisé le démarrage des activités.
L’argent n’a pas d’odeur, dit-on, mais le Rectorat a visiblement du flair
Les cours du soir vont assez vite connaitre du succès. Les professionnels en ont besoin pour plus de performance, les jeunes diplômés sans emploi y voient aussi un tremplin au regard de sa formation pratique. Aujourd’hui, pour cette dernière raison, nombreux sont les étudiants d’autres facultés qui s’y inscrivent. Le succès est tel que l’U.F.P assure même des cours à distance, à Mopti, Kayes, Ségou, Sikasso. A ce titre, il est versé au rectorat quelque 50.000 FCFA par auditeur. Ce qui fait que, bon an mal an, le Rectorat reçoit entre 120 et 150 millions de FCFA, même pour les cours à distance pour lesquels aucun moyen de l’Etat n’est utilisé.
Loin des yeux, loin du cœur, des poches parfois
L’appétit venant en mangeant, certaines se sont surement dit que l’U.F.P constitue une manne inespérée à mettre sous coupe réglée. Plus de gestion locale, les choses se feront désormais au niveau central, semble-t-on comprendre. Ce qui contraire aujourd’hui à la philosophie même de l’enseignement supérieur. C’est au nom de l’autonomie que la tutelle évite de s’immiscer dans les affaires des universités.
Aussi, partout où existe le système de formation continue, la gestion est locale. Il est simplement versé une partie des frais d’inscription (20 ,30%, selon les cas) à la structure mère. Par ailleurs, en adoptant cet arrêté, le Rectorat se met en porte-à-faux avec la constitution qui est visé dans ledit arrêté : « vu la constitution…il est crée…etc. ».
Selon la Constitution du Mali, l’enseignement public est gratuit. Or, les frais d’inscription et d’études à l’U.F.P s’élèvent à quelque 350.000 FCFA. Alors, il y a problème. Pour toutes ces raisons, le syndicat, en toute responsabilité, a demandé la suspension de l’arrêté en attendant la relecture des textes, et afin que chacun y trouve son compte.
Cette proposition a été rejetée par le Recteur qui estime que le syndicat veut empiéter sur ses prérogatives. Il brandit l’arrêté de création de l’U.F.P qui date de 2014, oubliant de mentionner que l’unité existe depuis les années 1990, quand lui-même était enseignant quelque part. Des enseignants appellent cela de la ‘’mauvaise foi’’.
User, ne pas abuser
Pourquoi tant d’obstination à gérer les fonds générés par l’U.F.P ? De source proche de milieux financiers, le service financier gestionnaire devrait percevoir quelque 2% de toutes les recettes. L’enjeu est donc de taille. Malgré des propos ténus précédemment par le Recteur qui minimisait l’ampleur d’une grève à l’I.U.G qui représente, selon ses termes (Quotidien L’Essor) moins de 10% des effectifs de l’Université des Sciences Sociales et de Gestion de Bamako (USSG-B). De tels propos relèvent uniquement du mépris. Mais un mépris qui n’empêche pas le Recteur de vouloir se passer des sous d’une structure marginale. Drôle de logique !
Dilapidation de 800 millions à l’UFP, le recteur pourrait être cité comme témoin
« Qui veut noyer son chien l’accuse de rage » dit l’adage. Alors, depuis quelque temps et selon le syndicat, le Pr Samba Diallo ne cesse de déclarer que 800 millions de FCFA ont été dilapidés à l’U.F.P. « Qui sème le vent récolte la tempête ». Sur cette déclaration quelque peu hasardeuse, le syndicat veut prendre le recteur au mot. « Nous allons le citer comme témoin par rapport à ces sous présumés détournés afin que l’école puisse rentrer dans ses droits.
Mais auparavant, nous allons commettre un huissier qui tentera de confirmer des propos ténus ici et là, parfois sur des médias. Il va nous aider à rentrer en possession de nos fonds », espère-t-on du côté syndical. En d’autres termes, la situation se corse et pourrait s’inviter au niveau de la justice. Mais ne dit-on pas qu’ ‘’à bon chat, bon rat’’ ?
Le cas des 6 contractuels
On pourrait être tenté d’en vouloir au syndicat au sujet des 6 contractuels recrutés pour le compte de l’U.F.P, mais ce serait à tort. Le syndicat n’a jamais été contre le recrutement de contractuels, mais il exige que ceux-ci le soient pour le compte des cours du jour. Recruter des permanents pour les cours du soir vise uniquement à remplacer les professeurs du jour, ceux-là qui ont imaginé cette formule pour améliorer leurs conditions d’existence.
Pour le syndicat, une fois au compte des cours du jour, ces contractuels auront les mêmes opportunités dans les cours du soir. En somme, n’est professeur de cours du soir que celui qui l’est déjà de jour. Un combat très légitime qui cadre avec l’esprit même de la création de l’U.F.P. Tout porte donc à croire que derrière l’adoption de cet arrêté litigieux se cache le dessein sinistre de se passer progressivement des professeurs du jour. Le comble de l’ironie, quand le voleur crie au voleur…
La touche Me Tall ?
Cette astuce porte-t-elle la marque de Me Tall, ministre de tutelle ? Fort possible quand on sait que la même politique a été mise en œuvre au CENOU (Centre National des Œuvres Universitaires) afin de ‘’noyer’’ les fonctionnaires dans les contractuels, dans ceux-là qui se disent ‘’redevables’’ et par conséquent doivent faire preuve de ‘’soumission et d’obéissance’’.
C’est ainsi que les grévistes du CENOU (dont le secrétaire général du syndicat) ont tous été virés sans ménagement. Sans que le SYNESUP ait levé le petit doigt. Qui pouvait croire que cela était possible en ce Mali du 21ème siècle ! C’est pourtant arrivé, avec l’un des fers de lance de notre démocratie, Me Mountaga Tall. C’est ce même Tall qui a pris l’arrêté controversé, apparemment sur instigation du Recteur. Qui s’assemblent.
Autres responsables de l’enlisement, les ministères de l’enseignement supérieur et de la Fonction Publique
Il a fallu 1 mois et demi pour que ces deux départements se saisissent de l’affaire et se décident enfin à entrer dans la danse. La raison est simple : Les enfants des décideurs sont ailleurs. Une telle irresponsabilité ne doit pas rester impunie. Déjà le D.G Famagan Konaté a été chassé comme un malpropre après que le syndicat eut écrit au Contrôle Général des services Publiques pour signifier qu’il le reconnait plus comme D.G étant donné qu’il aurait dû être à la retraite.
Le malheureux aurait expliqué que c’est son ministre et son recteur qui lui ont dit de rester. Me Tall aurait démenti, selon nos sources. Toujours est-il que Famagan Konaté, qui quittait déjà par la petite porte, n’a finalement eu accès qu’à la fenêtre pour se sortir de l’impasse et enfin profiter d’une retraite qui pourrait être bien agité.
D’autres têtes doivent tomber pour avoir mis en péril l’avenir de pauvres enfants. Qui ont dû passer par les médias (radio Niéta par exemple) et ont décidé de marcher sur le Rectorat pour que l’Enseignement supérieur et la Fonction Publique sortent de l’ombre. Il est vrai aussi que le président IBK était malade. Puisqu’il est désormais là, on verra…
L’U.F.P sera aux enseignants ou ne le sera pas, that is the question
Comme on a pu le comprendre, le nœud du problème, c’est l’U.F.P (cours du soir). Comme le disait l’ex président américain, Abraham Lincolm, ‘’mieux vaut ne pas changer l’attelage au milieu du gué’’, estime le syndicat. D’autres diraient qu’il faut rendre à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Ici, ‘’ce qui est à Dieu’’, ce sont les retraites qu’on n’aurait pas encore eu l’opportunité de mieux préparer.
Et pour lesquelles on n’hésiterait pas à sacrifier l’avenir d’enfants innocents. Le principal blocage dans toute l’histoire, c’est le recteur. La seule concession-si on peut appeler cela une concession- c’est de payer les arriérés, laissant en l’état le problème de fond. C’est ce qu’on appelle « Donner un œuf pour avoir un bœuf ». Ce geste n’est d’ailleurs pas un mérite, puisque l’argent des enseignants et il a toujours existé. Pourquoi ne voulait-il pas payer. Que faisait-on de l‘argent entre temps ? Allez savoir !
La Rédaction
Grève illimitée à l’I.U.G : Vers un accord ?
Les enseignants se sont réunis hier en Assemblée Générale pour faire le point des négociations avec le gouvernement. Selon le Secrétaire Général du SNESup, Abdou Mallé, il y a eu beaucoup d’avancées et les deux parties seraient en passe de trouver un accord global sur les différents points de revendications. L’accord de principe du gouvernement serait obtenu, mais la forme n’y a pas encore été mise. C’est ce que le SNESUP, qui remplace le bureau de l’I.U.G. dans les négociations, devra tenter d’obtenir dans les prochains jours. Le mot d’ordre de grève aurait même pu être levé depuis hier n’eût été le manque de confiance qui existe entre les parties, particulièrement entre le syndicat et le Recteur, lequel se serait déjà illustré dans le non respect des engagements pris, nonobstant l’implication de médiateurs sociaux. Alors les enseignants disent avoir besoin d’un minimum de garantie par rapport aux engagements pris oralement. Le Recteur n’était pas hier à Bamako, mais son retour était annoncé imminent et, à moins qu’il ne persiste dans son radicalisme, la crise n’est pas loin de se débloquer. Au grand soulagement des milliers d’étudiants si stressés qu’ils guettent aujourd’hui la moindre information au sujet de cette interminable. Dont le seul responsable, selon de nombreux enseignants, est le Pr Samba Diallo. Professeur par décret, précisent ses collègues.
La Rédaction