Face à la montée du radicalisme et de l’intolérance, les femmes et les hommes des médias se sont interrogés sur les combats à mener
« Vive la liberté de la presse ! Vive le droit à l’information ! A bas les extrémismes ! A bas tous les extrémismes ». Par ces exhortations exprimées à la fin de son discours prononcé à l’ouverture de la conférence inaugurale de la Semaine nationale de la liberté de la presse (SENLIP) 2016, le Secrétaire général du ministère de l’Economie numérique et de la Communication, Cheick Omar Maïga, donnait le ton des activités de la célébration de l’événement.
C’était hier à la Maison de la presse en présence du ministre des Affaires religieuses et du Culte, Thierno Omar Hass Diallo, du président de la Haute autorité de la Communication (HAC), Fodié Touré, de plusieurs anciens ministres, de représentants des organisations professionnelles de la presse, de journalistes et d’étudiants en journalisme.
Célébrée le 3 mai de chaque année par la communauté internationale, la Journée mondiale de la liberté de la presse a été « relookée » par la Maison de la presse et ses partenaires qui ont étalé depuis l’année dernière les activités sur une semaine.
Le thème international retenu en 2016 est « l’accès à l’information et aux libertés fondamentales, c’est un droit !». Les organisateurs ont choisi un autre thème au plan national, il s’agit de « Rôles de la presse dans la lutte contre les extrémismes », présenté par Dr Naffet Kéïta, socio-anthropologue et Sidiki N’Fa Konaté, ancien ministre de la Communication. C’est cette même bonne inspiration qui a guidé les initiateurs à choisir comme parrain de la semaine l’ancien ministre de la Communication et des Nouvelles Technologies, Gaoussou Drabo.
Celui-ci faisant son discours introductif au nom de toute la presse a remercié les responsables de la Maison de la presse de lui avoir fait honneur d’être le parrain de la semaine. Selon lui, le thème de la semaine nationale est des plus pertinents. « Nous, Maliens, avons été et nous sommes encore suffisamment instruits par l’Histoire pour identifier et mesurer les méfaits des divers radicalismes. Nous savons aussi que l’intolérance peut prendre de nombreux visages et qu’elle peut amener n’importe lequel d’entre nous à être agressé dans son quotidien, comme l’a malheureusement été notre confrère Bakary Cissé de Radio Klédu », a rappelé le parrain de la semaine.
Toujours aux dires de Gaoussou Drabo, nous avons longtemps cru être à l’abri de tels phénomènes. « Nous avons pensé que le fond culturel de notre pays, fond fait de tolérance et de pondération, nous immunisait totalement contre certains dangers et contre certaines dérives. Nous savons désormais que cette protection certes existe, mais elle doit être entretenue et renforcée. Nous le ferons en utilisant nos armes qui sont l’information, l’analyse et la persuasion », a indiqué le doyen Drabo.
LE REFUS DE TOUTE ALTERNATIVE.
A sa suite, le Secrétaire général du ministère de l’Economie numérique et de la Communication a souligné que le thème de cette année met l’accent sur « le droit à l’information » qui est probablement après le droit à la vie, l’un des droits fondamentaux de chaque individu. C’est l’un des plus grands trésors que nous devons sauvegarder, pour lequel nous devons nous battre, nous hommes des médias. « Les extrémismes ne se retrouvent pas seulement dans le domaine de la religion, mais dans tous les autres domaines, a insisté le Ségal.
Les extrémismes, c’est dans la politique, dans la vie sociale, dans le voisinage. Notre responsabilité à nous hommes de médias, c’est de faire en sorte que partout, à chaque instant que nous cultivons davantage la cohésion et la convivialité ». Cheick Omar Maïga a, par ailleurs, profité de la cérémonie pour annoncer que dans le programme de travail gouvernemental de cette année figure en bonne place la relecture de la loi sur la presse déjà revisitée en 2010 de manière à prendre en charge un certain nombre de préoccupations.
Planchant sur le thème principal de la Semaine, le premier conférencier, Dr Naffet Kéïta a défini l’extrémisme comme la tendance à adopter une attitude, une opinion extrême, radicale, exagérée poussée jusqu’à ses limites ou à ses conséquences extrêmes. Selon lui, l’extrémisme est synonyme d’excès, de fanatisme, de jusqu’auboutisme, d’exagération dans les opinions.
On le retrouve dans plusieurs domaines (politique, économique, social, religieux). Une des caractéristiques de l’extrémisme, selon le chercheur, est une pensée dogmatique qui refuse toute alternative aux idées avancées et qui conduit à vouloir les imposer par des méthodes radicales ou violentes. Pour lui, on rencontre l’extrémisme à tout bout de champ : sur les motos Jakarta, dans les taxis et sotramas, au niveau des lieux de prêche, au niveau de la radio, dans la presse écrite et de plus en plus au niveau des amphis des universités. Il soulignera que dans la couverture des actes du terrorisme, le journaliste doit faire preuve de beaucoup de circonspection.
« Les médias, dans les cas d’urgence, doivent adopter ou définir des codes qui doivent comporter notamment la recommandation de ne pas interviewer les terroristes et de ne pas leur fournir l’opportunité d’intervenir en direct sans consultation préalable avec les autorités compétentes. Il n’existe pas de scoop pour le terroriste », a-t-il martelé.
Pour lui, la communauté journalistique peut s’entendre sur la manière dont doit être organisée la couverture d’un attentat. Il va de soit que ne pas écrire sur le terrorisme est inconcevable, toute la question est de savoir comment écrire. Les médias ont un rôle très important dans la sauvegarde de notre démocratie.
Le second exposant, Sidiki N’Fa Konaté, a quant à lui rappelé que depuis 2011 – 2012 jusqu’à maintenant, nous assistons au Mali à une série d’extrémismes tant au plan politique que religieux (coup d’état du 22 mars 2012, massacres d’Aguelhok, destruction de mausolées et autres manuscrits, attaque de Radisson etc).
Il dira que la presse est par essence opposée à l’extrémisme, parce qu’elle est fondée sur la liberté de choix entre plusieurs possibilités proposés au public alors que l’extrémisme est fondé sur l’absence de choix, le dogmatisme le plus absolu, l’absence d’alternative en dehors de la solution extrême.
Pour l’ancien ministre, les journalistes doivent, dans la pratique quotidienne de leur profession, avoir une connaissance approfondie des causes, des manifestations, des conséquences de l’extrémisme. Il a aussi abordé la fonction de veille de la presse, fonction qui doit s’exercer en faisant des reportages et en édifiant l’opinion sur notamment les causes de l’extrémisme qui sont au Mali.
SIDIBÉ